La Junte Malienne et son Financement Controversé
La situation politique au Mali a suscité de vives préoccupations ces dernières années, en particulier en ce qui concerne le financement des mercenaires du groupe de sécurité privé russe Wagner. Alors que la junte au pouvoir était confrontée à des sanctions économiques imposées par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), elle a trouvé un moyen étonnant de payer les mercenaires : les impôts prélevés sur les entreprises occidentales actives dans le secteur de l’extraction d’or au Mali.
Le Rapport du Sang d’Or : Révélation d’un Modèle de Financement Inédit
Le consortium international de chercheurs, connu sous le nom de « The Blood Gold Report », a enquêté sur les liens entre Wagner, les régimes autoritaires africains et les entreprises minières. Leur rapport intitulé « Comment le Kremlin utilise Wagner pour blanchir des milliards de l’or africain » a été publié en décembre. Il met en lumière le modèle de financement unique qui permet de payer les 1 500 à 2 500 mercenaires russes déployés au Mali. Contrairement à d’autres opérations de Wagner en République centrafricaine et au Soudan, où les paramilitaires russes ont bénéficié de la complicité des autorités locales pour exploiter les ressources minières, au Mali, la junte a choisi une approche différente.
Les Impôts Prélevés sur les Entreprises Minières Occidentales
Au lieu de permettre à Wagner d’accéder préférentiellement aux sites miniers, la junte malienne verse directement 10 millions de dollars par mois en espèces au groupe de sécurité russe. Cette somme représente plus de 200 millions de dollars entre décembre 2021 et juin 2023, selon les informations du rapport. Ce qui rend cette approche unique, c’est que ce financement provient en grande partie des impôts collectés auprès des entreprises minières occidentales opérant au Mali.
Les Principales Contributrices Indirectes
Les quatre plus grandes sociétés d’extraction d’or au Mali, notamment l’australienne Resolute Mining et les canadiennes Barrick Gold Corporation, B2Gold et Allied Gold Corporation, ont versé environ 588 millions de dollars en taxes et redevances à l’État contrôlé par la junte en 2022. Cela signifie que ces entreprises minières occidentales sont devenues les principales contributrices indirectes des salaires versés par la junte à Wagner. Pourtant, certaines de ces entreprises ont nié toute relation ou activité avec le groupe de sécurité russe.
L’Évolution des Recettes Fiscales au Mali
Plus de la moitié des recettes fiscales collectées par le régime militaire du Mali, qui est le troisième plus gros producteur d’or du continent, provient des quatre géants miniers. Grâce à l’augmentation du cours de l’or et des quantités produites par le pays, les impôts collectés auprès des entreprises minières sont en constante augmentation depuis le coup d’État d’août 2020. En 2023, 1 042 milliards de francs CFA (1,6 milliard d’euros) ont été collectés, contre 895 milliards de francs CFA en 2020. De plus, la réforme du Code minier adoptée en août prévoit une augmentation de la part de l’État malien dans le capital des sociétés aurifères, passant de 20 % à 30 %, ce qui devrait encore augmenter les recettes publiques.
La Russie et ses Projets au Mali
À un moment où le ministère russe de la défense tente de reprendre le contrôle des opérations de Wagner sous le nouveau label « Africa Corps », le modèle malien de paiement des mercenaires formalise la relation avec Moscou. Contrairement à d’autres opérations de Wagner, aucune contrebande n’est nécessaire au Mali pour faire sortir l’or du pays ou le convertir en argent liquide. Cela simplifie le processus et permet à la Russie de développer ses activités dans le secteur aurifère malien.
Les Projets Russes d’Exploitation Minière au Mali
Bien que la Russie n’exploite actuellement aucune mine au Mali, des accords ont été signés pour commencer l’exploitation de certains minerais. De plus, des experts russes sont chargés de travailler sur la cartographie minière du pays. La construction d’une raffinerie d’une capacité de 200 tonnes à Bamako, en partenariat avec le Kremlin, est également en projet. Si ces projets se concrétisent, cela permettra à la Russie, qui est le deuxième plus gros producteur mondial d’or, d’augmenter ses revenus issus de la production d’or et de renforcer son influence dans le secteur au Mali.
Conclusion
La situation au Mali met en lumière les liens complexes entre les entreprises minières occidentales, la junte au pouvoir et les mercenaires de Wagner. Le financement des opérations de sécurité privée russe par le biais des impôts prélevés sur les sociétés minières soulève des questions sur la complicité de ces entreprises dans les violations des droits de l’homme commises par Wagner. De plus, les projets d’exploitation minière russes au Mali pourraient changer la donne dans le secteur aurifère de la région. La situation continue d’évoluer, et il est essentiel de suivre de près ces développements.