Depuis plusieurs mois, la Russie fait planer une menace persistante sur les villes ukrainiennes en utilisant des drones en provenance d’Iran. Des documents internes révèlent maintenant les coulisses d’un projet secret par lequel Moscou tente de prendre en main la production de cette arme redoutable, en ayant recours à des pratiques discutables et à de l’électronique occidentale.
Les « Fliegende Mopeds » Irradiant les Cieux Ukrainiens
Ces derniers mois, les cieux ukrainiens ont été hantés par les « fliegende Mopeds », surnom donné aux drones Shahed-136 iraniens utilisés par la Russie. Depuis l’été dernier, des centaines de cibles en Ukraine ont été visées par ces drones, dont la puissance explosive effraie autant qu’elle impressionne.
Ces drones, malgré leur bruit caractéristique de moteur à hélice, portent en eux une menace sérieuse. Pesant 50 kilogrammes avec une charge explosive, ils se comportent comme des kamikazes volants, s’abattant sur des cibles prédéfinies. Bien que la défense antiaérienne ukrainienne réussisse souvent à en intercepter une grande partie, certains drones parviennent inévitablement à atteindre leurs objectifs, semant la terreur dans les villes ukrainiennes en frappant des silos à grains et des infrastructures électriques.
Une Coopération Controversée entre Moscou et Téhéran
La collaboration entre les régimes de Moscou et de Téhéran a suscité un vif intérêt ces derniers mois. Des détails concrets sur cette coopération, niée officiellement par la Russie, sont maintenant disponibles. Un informateur anonyme a fourni des documents internes au journal américain « The Washington Post », révélant que la Russie est en train de mettre en place une production à grande échelle de ces drones.
Moscou a l’intention de produire jusqu’à 6000 drones kamikazes au cours des deux prochaines années. La première phase, entamée en janvier, implique l’assemblage de pièces de drones en provenance d’Iran. La deuxième phase, déjà en cours, consiste à équiper les drones russes de la technologie iranienne. Enfin, à partir de janvier 2024, toute la chaîne de production devrait être entre les mains de la Russie.
Un Plan en Trois Phases
La production des drones se déroule dans la « Sonderwirtschaftszone Alabuga », une zone industrielle gérée par l’État située à environ 900 kilomètres à l’est de Moscou, près de la ville de Jelabuga. Des images satellites montrent que l’emplacement était encore en friche il y a deux ans, mais aujourd’hui, deux énormes entrepôts y trônent.
Selon les experts militaires, la mise en place d’une ligne de production de drones kamikazes semble logique pour la Russie. Cela lui permettrait de réduire les coûts à long terme et de devenir moins dépendante des fournitures iraniennes. En échange, l’Iran pourrait bénéficier financièrement en établissant un programme de franchise ou de licence pour ses technologies.
Codenames et Stratégies de Dissimulation
Les documents internes révèlent que la Russie a attribué un nom de code au projet : « Projet Boot ». La « Washington Post » a obtenu ces documents de manière anonyme, grâce à une personne impliquée dans le projet, souhaitant attirer l’attention internationale pour potentiellement freiner la mise en œuvre du projet. Les analystes américains en sécurité ont vérifié l’authenticité des documents qui contiennent des plans de construction, des listes de personnel, des détails sur les chaînes d’approvisionnement, ainsi que des plans de dissimulation.
Composants Électroniques : Une Partie Occidentale
Les documents internes révèlent que plus de 90 % des puces informatiques utilisées dans les drones proviennent de fabricants occidentaux tels que Texas Instruments ou AMD. Bien que cela ne soit pas surprenant, la disponibilité de ces composants pourrait être compromise par les restrictions américaines sur les exportations vers la Russie.
Défis Humains et Logistiques
La Russie rencontre des difficultés pour recruter et retenir du personnel qualifié. Selon les sources de la « Washington Post », des incitations financières ont été mises en place, et les passeports des travailleurs ont été confisqués pour les empêcher de quitter le projet. Environ 2500 ouvriers travaillent en trois équipes pour assurer une production continue.
Des étudiants, certains à peine adolescents, ont été employés dans cette usine. Bien que certains aient été recrutés pour un « duel studying », visant à combiner études et expérience professionnelle, ils ont principalement été utilisés pour l’assemblage des drones kamikazes.
Apprentissage en Iran et Expansion des Capacités
Des documents indiquent que près de 200 employés du projet et 100 étudiants ont été envoyés en Iran pour être formés par des ingénieurs iraniens à la construction des drones.
Un Investissement Stratégique pour la Russie
La décision de la Russie d’investir massivement dans la production de ses propres drones kamikazes montre l’importance qu’elle accorde à ces armes pour ses opérations en Ukraine. Avec un coût unitaire estimé entre 20 000 et 40 000 dollars, les drones Geran-2, comme ils sont appelés en Russie, sont extrêmement abordables. Ils permettent à Moscou d’économiser des armes précises plus coûteuses tout en continuant à affaiblir les défenses antiaériennes ukrainiennes.
Conclusion
Ce projet de production conjointe de kamikaze-drones par la Russie et l’Iran révèle l’importance croissante de ces armes dans les conflits modernes. Le succès de ce projet pourrait non seulement renforcer les capacités de la Russie sur le terrain, mais également bouleverser l’équilibre stratégique dans la région.