Hollywood, royaume des rêves et des blockbusters, est en pleine mutation. L’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) dans le septième art sème l’espoir chez certains, mais provoque également de vives inquiétudes. Que ce soit pour rajeunir des acteurs iconiques ou réduire les coûts de production, cette technologie promet des avancées spectaculaires tout en posant des questions éthiques et artistiques. Mais au-delà des promesses et des polémiques, c’est une véritable révolution qui s’amorce dans les studios comme sur les plateaux. Alors, que change réellement l’IA dans le monde du cinéma ?
Le cinéma face à l’IA : Entre espoir et peur
L’année dernière, Hollywood a été marqué par une grève historique des acteurs et scénaristes, exigeant des garanties sur l’utilisation de leurs doubles numériques. En cause ? L’usage croissant de l’IA pour réduire les coûts et augmenter la productivité. On a vu cette technologie en action pour rajeunir Harrison Ford de quarante ans dans le dernier « Indiana Jones » ou encore pour générer des figurants artificiels dans des scènes spectaculaires de films. Si les possibilités techniques impressionnent, elles inquiètent également : que deviennent les acteurs et techniciens face à une machine capable d’en faire toujours plus, toujours plus vite ?
Bonne nouvelle cependant : à l’issue de cette grève, les acteurs ont obtenu une victoire majeure. Les studios doivent désormais obtenir le consentement explicite des artistes ou de leurs ayants droit avant de numériser leurs traits. Une petite étincelle d’éthique dans un océan technologique tumultueux. Mais la lutte pour protéger les droits et l’authenticité créative est loin d’être terminée.
Formation à l’IA : Démystifier l’outil
Dans cette période de transition, l’association genevoise « Fonction : Cinéma » a pris les devants en proposant des ateliers aux professionnels du cinéma. Deux axes étaient explorés : l’écriture de scénarios grâce à ChatGPT et la création d’images ou de vidéos via des IA visuelles. L’objectif ? Montrer que l’IA n’est pas une menace, mais un outil à maîtriser et à apprivoiser.
Écrire avec ChatGPT, c’est comme travailler avec un stagiaire génial mais maladroit. Selon Rémi Vancayzeele, formateur spécialisé, l’IA ne réinvente pas le cinéma. Elle aide, mais demande de l’entraînement. « ChatGPT, c’est un super stagiaire : bien formé mais sans contexte. Vous devez lui expliquer ce que vous attendez. Sinon, il risque de proposer un scénario où des licornes débarquent sur Mars pour sauver les dauphins… » Bref, un bon outil, mais l’humain garde les commandes. Il faut apprendre à régler les paramètres, à donner des instructions précises et surtout, à exploiter ses idées pour les améliorer avec une touche humaine.
D’ailleurs, cette formation a permis à de nombreux scénaristes de tester leurs capacités à collaborer avec la machine. Entre fascination et frustration, chacun a pu se rendre compte des limites et des potentialités de l’outil. « C’est un partenariat. L’IA ne remplacera pas l’étincelle humaine, mais elle peut nous épauler quand on manque de temps ou d’inspiration », explique un participant enthousiaste.
IA visuelle : Un booster pour le cinéma indépendant
Côté technique, Pierre Tessier, spécialiste des IA visuelles, a animé un atelier sur la création d’images. Son constat est clair : l’IA va bouleverser les métiers du cinéma. Mais elle va aussi offrir de nouvelles opportunités, notamment pour le cinéma indépendant.
Imaginez pouvoir recréer le Grand Canyon pour une scène épique sans quitter Genève. Pas besoin de drones, ni d’équipes pléthoriques : l’IA génère les images en quelques clics. Cette technologie démocratise des outils qui étaient jusqu’alors réservés aux grosses productions. Et c’est une véritable aubaine pour les réalisateurs à petit budget.
« Aujourd’hui, des films indépendants ne se font pas faute de moyens. Demain, grâce à l’IA, ces projets pourraient enfin voir le jour », affirme Pierre Tessier. Une perspective enthousiasmante, mais qui soulève également la question de la qualité et de l’originalité des contenus. Car si tout le monde utilise les mêmes algorithmes, les risques d’uniformisation des visuels pourraient menacer la diversité créative.
Et ce n’est pas tout : certains réalisateurs s’inquiètent aussi des dérives possibles. La capacité de l’IA à recréer des visages ou des décors soulève des questions éthiques majeures. Qui possède les droits sur une image générée par une IA ? Peut-on utiliser ces outils pour éviter de payer des équipes complètes ? Ces débats montrent bien que l’adoption de l’IA n’est pas une simple question technique : c’est une évolution sociétale.
Et l’art dans tout ça ?
Si l’IA réduit les coûts et démocratise certains outils, elle suscite aussi des interrogations artistiques. Les scénaristes et réalisateurs craignent une uniformisation des contenus. « Une IA peut-elle comprendre les émotions humaines, les nuances culturelles ou les subtilités narratives ? » demandent les sceptiques. En effet, même si elle peut générer une structure ou un dialogue, l’IA peine encore à saisir les subtilités qui font vibrer un spectateur.
Pour l’instant, l’IA reste un outil d’appoint. Elle peut écrire des scénarios basiques, mais pas encore réaliser un chef-d’œuvre. Et selon Rémi Vancayzeele, c’est tant mieux : « Espérons que les IA ne remplaceront jamais la créativité humaine. Sinon, on risque de se retrouver avec un énième remake de « Fast & Furious ». »
Malgré tout, certains cinéastes voient dans l’IA une opportunité pour repousser les limites de la narration. Et si les IA devenaient des co-créateurs, apportant des idées novatrices ou des approches audacieuses ? Cette question reste ouverte, et l’avenir révélera si cette collaboration peut réellement enrichir le septième art.
Conclusion : Vers un avenir collaboratif
L’intelligence artificielle transforme déjà le cinéma, mais elle ne le remplace pas. Si elle inquiète, elle offre également des opportunités uniques pour les créateurs de tous horizons. Les outils développés aujourd’hui permettent d’imaginer un cinéma plus accessible, mais aussi plus collaboratif. Cependant, cette révolution soulève des questions profondes sur le rôle de l’humain dans la création artistique.
Car, au fond, une IA peut-elle vraiment comprendre pourquoi on pleure devant « Titanic » ou pourquoi on rit devant un bon vieux film de Louis de Funès ? Ce qui est sûr, c’est que l’humain, avec ses doutes et sa créativité, restera toujours au centre de cette évolution.