Grève dans les Usines Chevron en Australie : Impact sur les Marchés Gaziers Européens

Une Grève en Australie Met les Marchés Gaziers Européens en Émoi

Depuis plus d’un mois, l’ombre menaçante d’une grève dans les usines de Chevron LNG en Australie suscite des inquiétudes palpables sur les marchés du gaz européens. Cette situation tendue n’épargne pas la volatilité des cours, malgré des niveaux de stockage européens atteignant des sommets et une activité industrielle qui maintient son cap.

Cette grève, qui couvait depuis longtemps dans le cadre de la négociation d’un accord d’entreprise avec les syndicats des travailleurs de l’offshore, est restée pour l’instant limitée à quelques heures par jour. Si les discussions n’avancent pas, les syndicats prévoient d’amplifier le mouvement à partir du jeudi 14 septembre, selon Reuters. Cette menace agite profondément le marché stratégique du gaz naturel liquéfié (GNL), vers lequel l’Europe s’était précipitée l’hiver dernier pour pallier les interruptions des gazoducs russes.

Une Action Attendue de Longue Date

L’action que les acheteurs de gaz redoutent depuis un certain temps est finalement devenue réalité. Après plus d’un mois de débats enflammés et d’alertes constantes, les opérateurs des deux usines de liquéfaction de gaz, ainsi que des plateformes offshore les alimentant, gérées par l’américain Chevron en Australie, ont déclenché une grève le vendredi 8 septembre.

Cette situation inquiète particulièrement l’industrie européenne du gaz naturel liquéfié (GNL), qui est devenue cruciale pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe. L’Europe dépend de plus en plus du GNL pour diversifier ses sources d’approvisionnement et réduire sa dépendance aux gazoducs russes. Cette dépendance accrue au GNL rend la situation en Australie encore plus préoccupante pour l’Europe, car une perturbation dans l’approvisionnement pourrait avoir un impact significatif sur les prix et la stabilité du marché gazier.

Fluctuations Vertigineuses des Prix du Gaz

Sur la place de marché européenne phare, le TTF néerlandais, les prix du gaz pour octobre ont connu une montée en flèche, passant de 32,75 euros le mégawattheure le jeudi 7 septembre à 35,85 €/Mwh le lundi 11. Cette augmentation, bien que limitée, fait suite à des semaines de montagnes russes, suivant les succès et les échecs des négociations chez Chevron LNG. Cette situation reflète la nervosité des traders, qui perçoivent un risque potentiel et réagissent immédiatement.

Les répercussions de cette grève en Australie se font ressentir bien au-delà des frontières de l’île-continent. En Europe, où le GNL est devenu un élément essentiel de la stratégie énergétique, cette grève provoque des inquiétudes quant à la sécurité de l’approvisionnement en gaz. L’Europe s’est fortement tournée vers le GNL pour diversifier ses sources d’approvisionnement, mais cette dépendance accrue rend également la région plus vulnérable aux perturbations de l’approvisionnement.

Un Paradoxe Expliqué

Mais comment expliquer ce paradoxe ? Tout d’abord, il faut comprendre que les installations de Chevron, nécessaires au refroidissement du gaz australien à des températures glaciales de -161°C pour son transport par voie maritime, sont d’une envergure gigantesque. Avec des capacités respectives de 15,6 et 8,9 millions de tonnes par an, les usines Gorgon et Wheatstone représentent environ 6% de la production mondiale de GNL.

Actuellement, ces usines approvisionnent principalement des pays d’Asie, notamment le Japon, la Chine, Taiwan et la Corée du Sud. Cependant, le marché du GNL est mondial, et quelques méthaniers australiens ont atteint l’Europe lors de la crise de 2022. En cas de rupture d’approvisionnement en Australie, ses clients asiatiques habituels pourraient se tourner vers la production de gaz américaine et qatari, entrant ainsi en concurrence avec l’Europe et provoquant une hausse des prix.

Un Marché Sans Marge de Manœuvre

Selon Thierry Bros, « Il n’y a plus de flexibilité sur le marché du gaz : la Russie était le seul pays à disposer d’une supercapacité, c’est-à-dire de production et de liquéfaction gazière inutilisée. Aujourd’hui, toute l’offre disponible est consommée, et le moindre problème a des répercussions généralisées. » L’Europe se retrouve ainsi particulièrement vulnérable dès qu’une zone de production connaît des dysfonctionnements.

Il convient de noter que la plupart des analystes rappellent que les stocks de l’Union européenne sont pleins à plus de 90%, et que la consommation de GNL est modérée en raison de la transition énergétique et de la conjoncture économique modérée des industries chinoises et européennes. Par conséquent, les prix ne devraient pas atteindre les sommets de 2022. Cependant, la volatilité reste à l’ordre du jour, et les cours pourraient augmenter en cas d’hiver rigoureux ou de reprise de la demande chinoise.

Une Incertitude Persistante

Une autre source d’incertitude réside dans le fait que « la Russie représente encore 15% de notre consommation, dont la moitié en GNL. Le Kremlin sait qu’il peut utiliser cette arme contre l’Europe cet hiver, » met en garde Thierry Bros. Selon cet expert, il est peu probable que le gaz transporté par le gazoduc Brotherhood vers l’Europe de l’est soit coupé, mais la Russie pourrait réduire sa production de GNL à Yamal pour limiter l’approvisionnement de l’ouest dans le cadre d’une « guerre larvée. » Ce scénario reste incertain, car les exportations de GNL rapportent d’importantes liquidités à la Russie.

D’après l’ONG Global Witness, qui a analysé les données de Kpler cet été, la vente de GNL russe à des entreprises européennes, dont TotalEnergies, le principal client du projet Yamal avec une participation de 20% et un contrat d’approvisionnement à long terme, devrait rapporter 5,3 milliards d’euros à la Russie sur l’ensemble de l’année 2023. Il s’agit d’une situation légale, car l’Union européenne, consciente de sa dépendance, n’a pas encore imposé d’embargo sur le gaz russe.

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