Quel avenir pour l’engagement climatique des géants pétroliers européens ?

Les géants pétroliers européens comme Shell et BP sont soumis à une très forte pression publique pour s’engager davantage dans la lutte contre le changement climatique. Toutefois, ils font face à une pression contraire de la part de leurs actionnaires majoritairement étrangers, qui exigent des rendements plus élevés. Actuellement, c’est cette pression des investisseurs pour plus de profits qui l’emporte. Des mastodontes comme Shell et BP cèdent et s’adaptent, tout en essayant de donner l’impression que leur stratégie climatique reste inchangée.

Des bénéfices en baisse qui limitent les investissements verts

L’argent n’est plus aussi abondant chez le premier groupe pétrolier et gazier européen Shell. Au deuxième trimestre 2022, son bénéfice d’exploitation ajusté (Ebitda) a chuté à 14,4 milliards de dollars, soit près de 40% de moins que l’année précédente. La raison : la baisse des prix du pétrole amorcée à la mi-2022, après leur envolée consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine.

Si les profits restent élevés pour l’ensemble du secteur, un écart s’est creusé en bourse depuis début 2021 entre les majors américaines comme ExxonMobil et Chevron, restées fidèles aux énergies fossiles, et les européennes comme TotalEnergies et Eni, plus engagées dans la transition énergétique. Les actions Exxon ont grimpé de 130% quand celles de Shell n’ont progressé que de 80%.

Les géants pétroliers redistribuent une large part de leurs bénéfices aux actionnaires, via des dividendes et des rachats d’actions. Malgré des résultats en baisse, le nouveau PDG de Shell Wael Sawan a promis un dividende relevé de 15%. Pour financer cette création de valeur pour l’actionnaire, des arbitrages stratégiques s’imposent.

L’ambition climatique passe au second plan

Les énergies renouvelables et alternatives n’ont contribué qu’à hauteur de 1,1 milliard de dollars, soit 3% du bénéfice d’exploitation ajusté du premier semestre 2022. En 2019, Shell visait encore à devenir le plus grand fournisseur d’électricité au monde. Las, ces objectifs appartiennent au passé.

Shell envisage désormais de se séparer de certains actifs dans les renouvelables et limite ses investissements dans ce domaine. Les départs se multiplient au sein de cette division. Fin 2021, Shell disposait de plus de 6 GW de projets éoliens terrestres et en mer en cours de développement ou achevés.

L’hydrogène et le captage du CO2 recèlent davantage de potentiel aux yeux du groupe, qui entend néanmoins y investir avec discipline. Les biocarburants et les bornes de recharge électrique apparaissent comme les segments les plus prometteurs.

Une stratégie dictée par les marchés financiers

Ce recul de l’ambition climatique des majors européennes s’explique principalement par la pression continue des investisseurs pour maximiser les rendements. La transition énergétique exige des investissements massifs sur le long terme, aux dépens des profits à court terme. Or les gérants d’actifs sont jugés trimestre après trimestre sur la performance de leurs fonds.

D’où leur préférence pour des valeurs pétrolières classiques comme ExxonMobil, faiblement exposées aux renouvelables. La primauté des intérêts financiers à court terme empêche ainsi une stratégie climatique cohérente. Seule une évolution des mentalités chez les investisseurs institutionnels pourrait inverser cette tendance.

Vers un activisme accru des fonds souverains ?

Certains actionnaires deviennent cependant de plus en plus sensibles aux enjeux climatiques. C’est notamment le cas des fonds souverains des pays exportateurs de pétrole, comme la Norvège ou les Émirats arabes unis. Détenant des participations importantes dans les majors, leur activisme croissant pourrait contribuer à réorienter les stratégies vers plus de décarbonation.

Mais leur marge de manœuvre reste limitée par la dépendance de leurs économies aux revenus des hydrocarbures. Sans accompagnement de leur transition, ces pays auront du mal à lâcher la proie fossile pour l’ombre verte. L’engagement climatique des pétrolières européennes dépendra donc aussi des politiques publiques en faveur de la transition dans les pays producteurs.

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