Le combat des femmes en Pologne : l’horreur au coeur de l’Europe

Un mouvement de protestation ravivé par une tragédie

Le 14 juin, la Pologne a été secouée par la mobilisation massive de citoyens, unis dans leur indignation et leur colère suite au décès d’une jeune femme de 33 ans, Dorota, victime de la loi anti-IVG en vigueur depuis 2021. Cette tragédie, le sixième décès public de ce type depuis l’adoption de la loi, a de nouveau jeté une lumière crue sur les dangers de la politique restrictive en matière d’avortement mise en place par le parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir.

Ces milliers de personnes, réunies à Varsovie et à travers le pays, ont porté haut et fort leur révolte face à une situation insoutenable. Dorota a succombé fin mai à une septicémie, faute d’avoir pu interrompre sa grossesse. Une réalité insoutenable pour la trentaine de femmes, à l’image de Zofia, consultante de 32 ans et elle-même enceinte : « Nous sommes au XXIe siècle, en Union Européenne, et nous devons lutter sans relâche pour maintenir des droits qui se dissolvent sous la complaisance de notre gouvernement envers l’Église. »

Le visage terrifiant de la Pologne pour les femmes aujourd’hui

L’histoire de Dorota a profondément touché le peuple polonais, notamment les jeunes femmes. Julia Domagała, étudiante en psychologie de 24 ans, confie son désarroi : « C’est effrayant d’être une femme en Pologne aujourd’hui. Nous ne pouvons plus avoir confiance en notre État, ni même en nos médecins. Il ne nous reste plus qu’à montrer notre solidarité. Mais nos protestations ne semblent pas suffire. Peut-être devrions-nous radicaliser nos actions. »

Les slogans féministes ont resurgi, tout comme lors des manifestations massives pour le droit à l’avortement en automne 2020. Ils dénoncent avec virulence l’interdiction presque totale de l’avortement, une mesure qui a entraîné une réduction drastique du nombre d’interruptions de grossesse légales dans le pays.

Un destin tragique révélateur des conséquences de la loi anti-IVG

Les circonstances entourant la mort de Dorota ont provoqué une indignation accrue, reflétant une fois de plus les conséquences dramatiques de la loi restrictive sur l’avortement en Pologne. Au cours de sa vingtième semaine de grossesse, Dorota a perdu les eaux et a été admise à l’hôpital Jean-Paul II de Nowy Targ. Les trois jours suivants ont été marqués par un déni de soins appropriés, une négligence médicale qui a finalement conduit à sa mort.

Lorsque l’histoire de Dorota a été relayée par la presse, de nombreuses critiques se sont élevées contre l’attitude du corps médical et contre la loi polonaise sur l’avortement. Antonina Lewandowska, sociologue et membre de la Fondation polonaise pour les femmes et la planification familiale (Federa), déplore une situation insoutenable : « En Pologne, les femmes sont traitées comme des incubateurs. »

La réaction des autorités et l’indignation politique

Face à cette situation tragique, les autorités de l’hôpital Jean-Paul II de Nowy Targ, qui a par ailleurs une relique du défunt pape polonais, ont exprimé leur « sympathie » à l’égard de la famille de Dorota. L’établissement avait annoncé en 2005 qu’il refusait de pratiquer tout avortement.

L’histoire de Dorota a également provoqué des remous dans l’arène politique. Le Premier ministre Mateusz Morawiecki a qualifié la situation de « très triste » et a indiqué qu’une enquête était en cours. Cependant, ses détracteurs ne sont pas convaincus. Katarzyna Kotula, députée de Lewica (gauche), a dénoncé l’introduction de l’idéologie du gouvernement dans les hôpitaux et a appelé à une minute de silence en hommage aux femmes enceintes décédées, un geste qui a été ignoré par certains députés de Konfederacja, un parti d’extrême droite libertarien, ainsi que par des membres de la coalition gouvernementale.

Le combat des femmes en Pologne pour leurs droits fondamentaux continue, plus que jamais vital, dans un pays où l’avortement est presque totalement interdit, un retour en arrière tragique qui a coûté la vie à de trop nombreuses femmes.

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