Subventionner l’hydrogène vert à l’étranger pour atteindre les objectifs européens
La Commission européenne a récemment annoncé son intention de subventionner l’achat d’hydrogène “vert” en dehors de l’Europe afin d’importer cette fameuse molécule sur le Vieux Continent. Cette approche paradoxale va à l’encontre des aspirations des pays membres de l’Union européenne qui cherchent à relocaliser les chaînes de production bas carbone pour renforcer leur souveraineté énergétique.
Alors que les Vingt-Sept insistent sur l’importance de retrouver leur indépendance énergétique, cette décision de subventionner l’hydrogène vert à l’étranger soulève des questions sur la volonté réelle de décarboner l’économie européenne. Les pays membres volontaires pourront bénéficier du fonds allemand H2Global, qui dispose déjà de 900 millions d’euros provenant de Berlin. Cette initiative vise à développer l’industrie de l’hydrogène à l’étranger et à importer la molécule en Europe.
Les enjeux de la décarbonation de l’économie européenne
L’Europe s’est engagée à décarboner son économie en favorisant la production d’hydrogène vert. Cependant, la capacité de production de cette molécule bas carbone est encore insuffisante sur le sol européen, notamment en Allemagne. Berlin prévoit donc de l’importer des différentes régions du monde et a créé en 2021 le fonds H2Global pour financer les projets de production d’hydrogène en dehors de l’Union européenne.
La Commission européenne souhaite intégrer ce fonds dans le programme d’achat national d’hydrogène de l’UE. L’Allemagne prévoit de dépenser plus de 5 milliards d’euros pour l’achat d’hydrogène à l’étranger et ouvrira cette possibilité à tous les États membres intéressés. Les pays participants alimenteront un fonds commun, public et privé, destiné à financer les infrastructures de production d’hydrogène dans des régions telles que le Maghreb, l’Australie ou l’Afrique de l’Ouest, qui fourniront ensuite la molécule à l’Europe.
Les défis et les critiques
Malgré cette stratégie, certains experts remettent en question la pertinence de cette approche. Ils soulignent que les coûts de transport et de conversion de l’hydrogène importé peuvent rendre l’équation économique instable. De plus, cette initiative pourrait favoriser l’industrialisation à l’étranger et permettre à des industries concurrentes de s’approprier une part du marché européen.
Certains qualifient cette approche de “néocolonialisme vert”, notamment en raison de la dépendance à l’eau pure nécessaire à l’électrolyse de l’hydrogène. Les pays choisis pour la production d’hydrogène, tels que la Namibie et le Maroc, font face à des défis majeurs, tels que le stress hydrique et une production d’électricité encore largement dépendante des énergies fossiles.
Évolution du discours en France
La France, qui était initialement réticente à l’idée d’importer massivement de l’hydrogène de l’étranger, a également évolué dans son discours. Le gouvernement français s’interroge sur sa capacité à produire suffisamment d’hydrogène vert sur son territoire malgré son important parc nucléaire et ses projets de construction de nouveaux réacteurs.
La question de l’externalisation de la production d’hydrogène se pose également en France, notamment pour répondre aux besoins colossaux de l’aviation et du secteur maritime. Cette évolution du discours français témoigne de l’importance croissante de l’hydrogène vert dans la transition énergétique européenne.
En conclusion, la stratégie de subventionner l’hydrogène vert à l’étranger pour atteindre les objectifs européens en matière de décarbonation soulève des questions et des critiques. Si cette approche peut permettre d’accélérer la transition énergétique, elle comporte également des défis économiques, environnementaux et sociaux. La dépendance à l’égard de l’importation d’hydrogène soulève des inquiétudes quant à la souveraineté énergétique des pays européens et à la pérennité de cette stratégie à long terme.