Introduction : Un Halloween différent à Shanghai
Halloween à Shanghai ? C’est généralement une fête pleine de costumes colorés, de fantômes et de friandises. Mais cette année, l’ambiance était quelque peu étouffée par la présence d’un élément inattendu : un très grand nombre de policiers. Pourquoi un tel déploiement de force ? Pour contrôler, voire empêcher, les célébrations d’Halloween dans la ville. Entre rumeurs, satire politique et précautions étonnamment strictes, faisons un tour d’horizon de ce qui s’est passé cette année.
Une présence policière accrue : pour le bien de la sécurité ou pour calmer les esprits ?
Halloween a toujours été une fête un peu à part, une évasion bienvenue où les gens peuvent se transformer en sorcières, en zombies ou même en politiciens, et se permettre quelques clins d’œil humoristiques. Mais cette liberté a apparemment touché une corde sensible chez les autorités chinoises. L’année précédente, certains participants avaient profité de leurs costumes pour lancer des messages subtils mais osés contre le gouvernement—Winnie l’ourson étant un exemple devenu tristement célèbre pour sa ressemblance supposée avec Xi Jinping.
Cette année, les autorités n’ont pris aucun risque. La police a été déployée en nombre dans plusieurs quartiers, notamment dans le district de Huangpu, pour assurer un contrôle strict des festivités. Et non, ce n’était pas simplement une question de sécurité publique. Il semble bien que l’objectif était d’éviter toute répétition des « moqueries politiques » de l’année précédente. Les costumes, pour cette édition d’Halloween, ont donc été strictement surveillés et les fêteurs qui se risquaient à défier les règles étaient rapidement écartés des lieux.
Des costumes non grata : quand la satire politique s’invite dans les fêtes
Les costumes sont normalement la meilleure partie d’Halloween. Mais à Shanghai, certains types de déguisements étaient cette année absolument proscrits. Les autorités ont diffusé des messages très clairs aux entreprises locales et aux habitants : pas de Winnie l’ourson, pas de personnages pouvant être perçus comme des critiques des politiques de l’État. L’année précédente, certains costumes avaient fait sensation—certains étaient même allés jusqu’à se déguiser en responsables de la santé portant des combinaisons hazmat, ou en figures historiques décédées représentant la liberté d’expression. Pour les autorités, c’était la goutte d’eau.
Ce genre de déguisements est devenu une façon pour la jeunesse chinoise de protester subtilement contre la censure et les restrictions imposées par le gouvernement. Mais cette année, les forces de l’ordre étaient préparées : tout cosplay suspect était éloigné manu militari, et tout maquillage trop éloquents était éliminé avec insistance.
Des raisons officielles : crainte d’émeutes ou simple réaction contre l’Occident ?
Officiellement, les autorités ont indiqué vouloir préserver « l’ordre social ». Les costumes qui pourraient être jugés perturbateurs ont donc été bannis. Mais il est difficile de ne pas y voir une part de stratégie anti-occidentale. Halloween est une fête importée des États-Unis, très populaire en Occident, et qui peut parfois être perçue comme une intrusion culturelle par certains gouvernements asiatiques. En restreignant la liberté d’expression à travers les costumes, il s’agit aussi de contrôler l’influence culturelle qui entre sur le territoire.
Les mesures étaient claires : dans des lieux publics comme le parc de Zhongshan, toute personne en costume était immédiatement identifiée, interrogée, et parfois écartée des festivités. Même les quartiers commerciaux comme Jing An ont reçu la consigne de ne pas organiser de concours de costumes. De plus, les termes « Halloween » et même les promotions commerciales liées à cette fête étaient contrôlés et limités.
La réaction des jeunes : quand la censure suscite l’insoumission
Ce qui est fascinant, c’est que malgré la répression, certains jeunes n’ont pas hésité à tester les limites. Le désir de se déguiser et de participer à des activités « interdites » semble encore plus fort lorsque les autorités tentent de les supprimer. Sur les réseaux sociaux chinois, nombreux sont ceux qui ont partagé des astuces pour contourner les restrictions. Bien sûr, cela est souvent fait de façon indirecte, pour éviter de se faire censurer, mais le message est clair : plus on restreint, plus la tentation de braver l’interdit est grande.
Dans certaines zones de Shanghai, des fêteurs ont fait preuve de créativité en se déguisant de façon plus subtile. Pas de costumes politiquement sensibles cette fois-ci, mais des détails suffisamment évocateurs pour faire sourire ceux qui comprennent la référence. Par exemple, certains se sont déguisés en personnages fictifs qui rappelaient les mesures de surveillance omniprésentes, comme des caméras de surveillance ambulantes—un clin d’œil à la fois malin et risqué.
Un Halloween désormais sous surveillance : entre frustration et détournement
L’ambiance était donc différente. Pas de grandes fêtes costumées cette année, mais plutôt une tension palpable entre ceux qui souhaitaient simplement s’amuser et les autorités qui ne voulaient prendre aucun risque. Les rues étaient pourtant décorées, et l’on sentait un semblant d’Halloween—mais pas celui auquel on s’attendrait. Au lieu de zombies et de sorcières, il y avait des policiers et des contrôles d’identité.
Pour beaucoup, cela marque un tournant. Halloween, une simple fête amusante, est devenue le terrain d’une confrontation entre la volonté de s’exprimer librement et les restrictions d’un État soucieux de préserver l’ordre à tout prix. On pourrait presque dire que cette célébration a pris une tournure politique, les costumes étant moins une façon de faire peur qu’un moyen de critiquer la réalité du contrôle gouvernemental.
Conclusion : L’esprit d’Halloween, même sans costumes
Halloween à Shanghai cette année était différent, c’est le moins qu’on puisse dire. Ce qui aurait dû être une soirée légère s’est transformé en une leçon de société : jusqu’où la volonté de contrôler les esprits peut-elle aller ? Mais même dans un tel contexte, l’esprit de Halloween – ce désir de se déguiser, de rire et de se rebeller, ne serait-ce qu’un peu – reste vivant. Peut-être pas dans les rues, mais certainement dans les esprits des jeunes qui cherchent toujours à se démarquer, à défier l’ordre établi et à trouver des moyens d’exprimer ce qu’ils ressentent.
En définitive, si les masques physiques ont été arrachés, ceux de la pensée libre, eux, persistent à se faire une place. Et après tout, n’est-ce pas là tout l’esprit d’Halloween ?