Les Forces armées canadiennes et l’omerta sur les agressions sexuelles : Pourquoi des excuses ont tardé à venir

Introduction

Les Forces armées canadiennes ont fait face à un tsunami de critiques ces dernières années, et pas sans raison. L’institution, censée protéger ses citoyens, semble avoir dérapé en interne en ce qui concerne la protection de ses propres membres. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Ce qui a vraiment mis de l’huile sur le feu, c’est la réticence de l’armée à présenter des excuses publiques pour les cas d’agressions sexuelles qui ont proliféré dans ses rangs. Pourquoi tant de silence, et surtout, pourquoi cette peur de la mauvaise presse ? Explorons ensemble ce sujet délicat qui a fait trembler le Canada.

Les Forces armées canadiennes : entre culture toxique et difficultés systémiques

Depuis des années, l’armée canadienne est engluée dans des scandales sexuels qui n’en finissent pas. Déjà en 2015, un rapport accablant mené par l’ancienne juge de la Cour suprême Marie Deschamps révélait l’existence d’une culture hostile envers les femmes et les membres LGBTQ, propice à des incidents de harcèlement et d’agression. Ce rapport était censé être le début d’un changement. Spoiler : le changement n’est jamais vraiment arrivé.

Le problème majeur réside dans le système de justice militaire lui-même. Les victimes doivent signaler les agressions à la police militaire, puis passer par une procédure où les enquêteurs, les procureurs et les juges sont souvent des collègues, voire des supérieurs hiérarchiques des auteurs. Cela crée un climat où les victimes craignent les représailles et se demandent si leurs voix seront véritablement entendues. Pour faire simple, c’est un peu comme si votre voisin était à la fois le juge, le jury et le coupable potentiel. Avouez que ce n’est pas très rassurant.

Le refus d’assumer : À qui profite le silence ?

Alors pourquoi ne pas s’excuser, me direz-vous ? En fait, les Forces armées canadiennes ont longtemps été plus inquiètes de leur image que du bien-être de leurs membres. L’idée de présenter des excuses était vue comme une façon de s’auto-incriminer, de donner des munitions à la presse et de ternir encore plus la réputation d’une institution déjà fortement ébranlée par les scandales.

Les officiers supérieurs craignaient qu’une reconnaissance publique du problème alimente la méfiance à l’égard de l’armée. Or, dans le monde militaire, la confiance est littéralement une question de vie ou de mort. Comme le disait le chef d’état-major de la défense, le général Wayne Eyre : « Entre soldats, la confiance peut faire la différence entre la vie et la mort – et nous avons trahi cette confiance ». Ce genre de déclaration montre bien à quel point l’institution était divisée entre la nécessité de sauver la face et celle de réparer le mal.

Des excuses à reculons

En décembre 2021, finalement, le ministre de la Défense, Anita Anand, a présenté des excuses au nom du gouvernement canadien. Mais à ce moment-là, cela semblait plus être une étape légale qu’une vraie reconnaissance de la souffrance des victimes. Les excuses faisaient partie d’un règlement d’un recours collectif impliquant près de 19 000 membres en service et anciens membres de l’armée, ainsi que des employés civils de la défense.

On se demande donc si ces excuses étaient sincères ou simplement le résultat de la pression légale. Après tout, la note risquait d’être salée. Mais même dans ce contexte, beaucoup de victimes ont exprimé leur frustration : des excuses sont un bon début, mais que faire pour éviter que cela se reproduise ?

Le recours aux autorités civiles : une solution imparfaite mais nécessaire

Le rapport Deschamps de 2015 – oui, encore lui – avait recommandé que les cas d’agression sexuelle soient traités par les autorités civiles plutôt que par le système de justice militaire. La logique était simple : créer un espace où les victimes peuvent se sentir en sécurité, sans craindre des représailles de la part de leurs propres collègues ou supérieurs.

Et pourtant, il a fallu plusieurs années et trois rapports successifs d’anciens juges de la Cour suprême – dont la dernière en date, Louise Arbour, en 2021 – pour que cette recommandation soit enfin prise au sérieux. Mais même aujourd’hui, l’armée peine à s’adapter à cette nouvelle réalité. Changer une culture établie depuis des décennies, où la loyauté à l’institution prime souvent sur la justice, c’est comme essayer de tourner un paquebot avec une rame.

Un système à bout de souffle

Un autre aspect des difficultés du système militaire est le caractère centrique du commandement dans la procédure disciplinaire. En termes simples, la chaîne de commandement contrôle la manière dont les infractions sont signalées, enquêtées et jugées. Et cette chaîne est conçue pour protéger l’institution avant tout.

Selon l’ancien juge Morris Fish, les garanties procédurales sont faibles, et le modèle disciplinaire reste à la traîne par rapport aux normes légales contemporaines. En d’autres termes, la justice militaire est plus une illusion de justice qu’une justice réelle. Cela explique pourquoi tant de victimes ont choisi de ne pas se manifester : lorsque vous savez que le système n’est pas conçu pour vous protéger, à quoi bon essayer ?

Le changement est-il vraiment possible ?

Le problème, c’est qu’il n’y a pas de solution miracle. Le recours aux tribunaux civils est un bon début, mais encore faut-il que l’armée collabore pleinement, ce qui est loin d’être acquis. Les incidents de violence domestique ou de conduite en état d’ivresse sont déjà traités par les tribunaux civils – pourquoi les cas de violence sexuelle feraient-ils exception ? La réponse à cette question est peut-être une combinaison d’orgueil, de peur et de volonté de garder le contrôle.

Mais pour qu’un changement profond s’opère, il faut dépasser cette peur. Les excuses présentées par le ministre Anand et le général Eyre sont un pas dans la bonne direction, mais ce n’est qu’un premier pas. La véritable question est de savoir si les Forces armées canadiennes sont prêtes à entamer une réforme véritable, même si cela signifie admettre publiquement qu’elles ont échoué leurs membres.

Conclusion

En fin de compte, les Forces armées canadiennes doivent choisir entre protéger leur réputation ou protéger leurs soldats. Le silence et l’absence d’excuses étaient une tentative de maintenir un contrôle, mais la pression publique et les recours légaux ont forcé l’armée à faire face à ses propres manquements. Espérons que cette époque où l’institution préférait se taire par peur de la mauvaise presse appartienne au passé, et qu’un jour, tous les membres des Forces armées canadiennes pourront servir leur pays sans craindre ceux qui sont censés les protéger.

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