Ces dernières années, les rayons des supermarchés ont vu l’apparition de produits qui bouleversent notre conception de l’alimentation : steaks sans viande, lait sans vaches, et crème sans lait. La Suisse, connue pour ses chocolats et ses montres, est en train de se positionner comme un acteur majeur de la foodtech à l’échelle mondiale. Cet article vous invite à explorer cet univers des protéines du futur et à découvrir comment la Suisse s’apprête à révolutionner nos assiettes.
Qu’est-ce que la foodtech ?
Avant de plonger dans les innovations suisses, revenons aux bases. La foodtech est un domaine où la biotechnologie rencontre l’alimentation, dans le but de créer des alternatives aux produits traditionnels, tels que la viande et les produits laitiers. Ces nouvelles solutions sont à base de plantes et visent à être à la fois savoureuses, sans additifs chimiques, et écologiquement viables.
L’élevage est responsable de 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et avec une population mondiale prévue à 10 milliards d’ici 2050, trouver des alternatives est devenu une priorité. La question de la sécurité alimentaire et de la durabilité devient cruciale. En parallèle, les préoccupations croissantes concernant le bien-être animal poussent de nombreux consommateurs à chercher des options plus éthiques. La Suisse intervient ici en développant des technologies qui pourraient bien répondre à ces défis de manière innovante.
Planted : un leader suisse des substituts de viande
Fondée à Zurich il y a cinq ans, Planted est devenue une référence en matière de substituts de viande en Suisse. Après un séjour à l’étranger où il a constaté que de nombreux burgers végétaux contenaient des additifs peu sains, Pascal Bieri, cofondateur de Planted, a décidé de créer une alternative plus naturelle. Leur objectif est clair : réduire la consommation de viande animale sans compromettre le plaisir de manger.
Leur usine à Kemptthal produit quotidiennement 14 tonnes de substituts de viande à base de pois et d’huile de colza. La production repose sur une technique d’extrusion qui permet de recréer la texture fibreuse de la viande. Une grande partie de cette production est exportée vers d’autres pays européens, bien que le marché suisse en absorbe une fraction significative. La demande pour ces produits est en constante augmentation, et la start-up est bien décidée à continuer son expansion à l’échelle internationale.
Avec 115 millions de francs levés pour soutenir son développement, Planted est bien positionnée pour continuer son expérience pionnière dans ce secteur. Ces fonds ont permis à l’entreprise d’améliorer ses processus de production et d’investir dans la recherche et le développement. Le financement provient d’une variété d’investisseurs, allant des particuliers aux grands fonds de capital-risque, et montre l’intérêt grandissant pour la foodtech en tant que secteur économique stratégique.
Le steak biotech : un substitut révolutionnaire
La dernière innovation de Planted est un steak végétal qui imite parfaitement la texture de la viande de bœuf, conçu pour séduire les amateurs de viande. L’objectif est de permettre aux consommateurs qui souhaitent réduire leur consommation de viande de le faire sans sacrifier le plaisir gustatif. En d’autres termes, créer une illusion culinaire parfaite pour que la transition soit aussi douce que possible.
Ce steak est élaboré à partir de protéines de pois, d’huile végétale, et d’épices qui reproduisent le goût de la viande de bœuf. Pour beaucoup de carnivores, ce produit offre une expérience gustative quasiment identique à celle de la viande traditionnelle. Planted espère ainsi convaincre même les plus fervents amateurs de viande qu’il est possible de se régaler tout en optant pour une alternative plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal.
Les méthodes utilisées par Planted incluent des techniques de structuration des protéines par chauffage et refroidissement, permettant de recréer les fibres typiques de la viande. Ces innovations ouvrent de nouvelles perspectives pour toute l’industrie alimentaire et placent la Suisse à l’avant-garde de la transformation de notre manière de consommer.
Cultivated Biosciences : des produits laitiers sans vaches
Une autre start-up suisse, Cultivated Biosciences, s’attèle à la production d’une alternative végétale aux produits laitiers. Leur procédé repose sur la fermentation du sucre par une levure, donnant une matière grasse totalement végétale, qui sera utilisée pour fabriquer des glaces, du lait et de la crème à café. Ces produits devraient être disponibles sur le marché dès l’année prochaine.
Dimitri Zogg, cofondateur de Cultivated Biosciences, affirme que le but est de créer une alternative qui soit indiscernable des produits laitiers traditionnels, tout en évitant les additifs néfastes présents dans certains produits actuels. L’objectif est d’offrir la même onctuosité et crémosité, mais de façon plus saine et durable.
Le processus de fermentation utilisé par Cultivated Biosciences est similaire à celui de la production de bières ou de levures alimentaires, mais ici, il est appliqué à la création d’une matière grasse qui imite la texture du lait. L’innovation ne s’arrête pas seulement à l’aspect gustatif ; elle vise également à minimiser l’empreinte carbone et à rendre les produits laitiers accessibles à ceux qui ont des restrictions alimentaires. Grâce à une formulation soigneusement développée, ils espèrent proposer des glaces et des laits végétaux qui soient aussi crémeux que ceux issus de l’élevage bovin.
Cultivated Biosciences collabore étroitement avec des partenaires industriels pour optimiser la chaîne d’approvisionnement, allant de la fermentation à la distribution des produits finis. Leur ambition est de révolutionner l’industrie laitière, en offrant une alternative à grande échelle capable de rivaliser avec les produits laitiers traditionnels tant sur le goût que sur le prix.
Swiss Food and Nutrition Valley : un écosystème pour l’innovation
Depuis 2020, la Swiss Food and Nutrition Valley regroupe les acteurs de la foodtech suisse. Ce réseau de 150 membres inclut des start-ups comme Planted et Cultivated Biosciences, ainsi que des poids lourds comme Nestlé et l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Leur mission est de créer un écosystème favorable au développement des innovations dans le domaine de l’alimentation.
Le soutien de ce réseau ne se limite pas seulement à des financements. La Swiss Food and Nutrition Valley encourage aussi la collaboration et le partage de savoir-faire entre les différents acteurs du secteur. Grâce à cet écosystème dynamique, les start-ups suisses peuvent accéder aux infrastructures nécessaires à la recherche, bénéficier de l’expertise de laboratoires universitaires de pointe et trouver des partenaires pour tester et distribuer leurs innovations.
Christina Senn-Jakobsen, directrice de Swiss Food and Nutrition Valley, souligne que la durabilité doit être économiquement viable. L’organisation appelle donc à constituer un fonds d’un milliard de francs pour financer la transition alimentaire, tout en assurant que cette transformation soit profitable et durable. En créant des synergies entre les différents acteurs du marché, la Suisse entend devenir un leader de l’alimentation durable, tant au niveau européen que mondial.
L’innovation dans un contexte traditionnel : l’exemple de Planetary
Planetary est une start-up qui s’est installée au sein de la sucrerie d’Aarberg, une entreprise centenaire, pour produire une biomasse riche en protéines à partir de sucre et d’un extrait de champignon. Cette biomasse possède une teneur en protéines comparable à celle de la viande, mais sans le cholestérol. Cette solution s’adresse aux carnivores qui cherchent des alternatives plus durables, tout en conservant la qualité nutritionnelle de leurs repas.
L’utilisation du sucre comme substrat de fermentation est une innovation intéressante qui permet d’optimiser les ressources locales tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. La sucrerie d’Aarberg fournit le sucre nécessaire, qui est ensuite digéré par des micro-organismes pour produire des protéines à haute valeur nutritive. Ces protéines peuvent ensuite être intégrées dans une variété de produits, allant des substituts de viande aux compléments nutritionnels.
Bien que Planetary soit encore en phase de recherche et développement, elle a déjà levé 15 millions de francs et collabore avec des investisseurs pour développer ses produits. Guido Stäger, directeur de Sucre Suisse, se réjouit de cette nouvelle voie pour l’industrie du sucre, qui pourrait compenser la baisse de la consommation de sucre pour des raisons de santé publique. Cette collaboration permet de donner une seconde vie au sucre en tant que matière première pour des produits alimentaires innovants et durables.
Le marché des alternatives à la viande est en plein essor, et Planetary mise sur cette croissance pour se faire une place de choix dans le secteur. En associant des techniques de fermentation innovantes et l’utilisation de ressources locales, Planetary contribue à rendre l’alimentation plus durable et à répondre aux préoccupations croissantes des consommateurs quant à l’impact environnemental de leurs choix alimentaires.
La Suisse, une « food nation » en devenir
La Suisse est bien partie pour devenir un leader mondial de la foodtech, grâce à un esprit d’innovation et à une capacité à marier la modernité scientifique avec les infrastructures existantes. En créant un environnement favorable au développement des protéines du futur, la Suisse se place comme un acteur essentiel dans la transition alimentaire mondiale.
L’innovation dans le secteur de la foodtech ne se limite pas à la production de substituts de viande ou de produits laitiers. En Suisse, des chercheurs travaillent également sur d’autres aspects de l’alimentation durable, comme les emballages biodégradables, la réduction du gaspillage alimentaire et l’optimisation des chaînes logistiques. Toutes ces initiatives contribuent à renforcer la position du pays comme leader dans la transition alimentaire.
D’ici vingt ans, notre alimentation pourrait être radicalement différente : moins de viande et de produits laitiers, mais autant de plaisir gustatif et avec beaucoup moins de pollution. La Suisse, avec ses start-ups innovantes, montre la voie. Et si cela peut également être bénéfique pour notre santé, c’est tout gagnant. Les perspectives pour l’avenir sont prometteuses : la viande végétale pourrait représenter jusqu’à 60 % du marché des produits carnés d’ici 2040, selon les experts. La Suisse, avec son écosystème de foodtech en pleine croissance, est bien placée pour prendre une part substantielle de ce marché.
Les innovations suisses ne se limitent pas seulement à une approche nationale. En effet, les entreprises de la Swiss Food and Nutrition Valley collaborent déjà avec des partenaires internationaux pour partager leurs découvertes et améliorer l’efficacité de leurs produits. Grâce à cette approche globale, la Suisse pourrait bien devenir le fer de lance d’une révolution alimentaire mondiale, apportant des solutions durables et innovantes qui pourront être reproduites partout sur la planète.