Un Signal Cosmique Énigmatique
Lors de l’exploration minutieuse des données recueillies par le télescope Fermi au cours des 13 dernières années, une équipe de chercheurs a récemment fait une découverte exceptionnelle dans le cosmos. Au sein de cette masse de données, ils ont détecté un signal bien plus intense que ce qu’ils avaient anticipé : un « dipôle gamma », émanant d’une région du ciel totalement inattendue. Ce signal était porteur de particules cosmiques d’une énergie extrême, ouvrant la porte à une énigme cosmique fascinante.
L’Épopée du Télescope Fermi
Le télescope Fermi, lancé en juin 2008, est un instrument dédié à l’étude des rayons gamma émis par divers objets célestes. Ces rayonnements, résultant de la désintégration radioactive des noyaux atomiques, sont d’une énergie phénoménale, atteignant parfois des centaines de gigaélectronvolts (GeV). Les découvertes faites grâce à cet engin incluent plus de 300 pulsars gamma, y compris le tout premier pulsar extragalactique. Les magnétars, étoiles à neutrons dotées de champs magnétiques puissants, représentent une autre source majeure de rayonnement gamma. Cependant, l’origine précise du signal détecté récemment demeure un mystère. Cette découverte a été le fruit d’une recherche qui n’avait rien à voir avec le signal en question, l’équipe étant initialement concentrée sur une caractéristique des rayons gamma liée au fond diffus cosmologique (FDC).
La Lumière Primordiale de l’Univers
Le fond diffus cosmologique, ou FDC, est un rayonnement micro-ondes omniprésent dans l’univers observable. Il est considéré comme un vestige de l’Univers primordial, confirmant ainsi la théorie du Big Bang. Les scientifiques estiment que le FDC a fait son apparition lorsque l’Univers en expansion, alors brûlant de chaleur, a commencé à se refroidir suffisamment pour permettre la formation des premiers atomes en fusionnant protons et électrons.
Ce processus a généré une explosion de lumière, des photons parcourant l’espace pour la première fois. Selon le modèle cosmologique standard, ce rayonnement a été émis environ 380 000 ans après le Big Bang. Au fil des 13 milliards d’années d’expansion de l’Univers, cette lumière a été détectée pour la première fois en 1965 par les radioastronomes américains Arno Penzias et Robert Wilson, se manifestant sous forme de faibles micro-ondes couvrant l’ensemble du ciel.
Depuis sa découverte, ce rayonnement, le plus ancien que l’on connaisse, a été l’objet d’innombrables études. En 1989, la NASA a lancé le satellite Cosmic Background Explorer (COBE) spécialement conçu pour étudier le FDC. À une grande échelle, il se présente comme un corps noir parfait, absorbant toute l’énergie électromagnétique qu’il reçoit. Il exhibe également une grande uniformité, quelle que soit la direction observée, un comportement qualifié d’« isotrope ».
En revanche, à une échelle plus réduite, le rayonnement révèle de minuscules variations de température en fonction de la direction d’observation. Dans les années 1970, les astronomes ont identifié une structure « dipolaire » dans le FDC, une hypothèse confirmée par les observations effectuées par la mission COBE. Ces données ont montré qu’en regardant dans une direction donnée, le rayonnement était environ 0,12 % plus chaud et plus dense en micro-ondes que la moyenne, tandis qu’en regardant dans la direction opposée, il était environ 0,12 % plus froid et moins dense en micro-ondes que la moyenne.
Une Variation Sous l’Influence du Système Solaire
Les spécialistes expliquent que cette variation de température découle du mouvement de notre système solaire par rapport à la surface d’émission du FDC, se déplaçant à une vitesse d’environ 370 km/s. Ces déplacements génèrent, par effet Doppler, un décalage vers le bleu dans la direction du mouvement et un décalage vers le rouge dans la direction opposée. Cette tendance dipolaire devrait donc se refléter dans la lumière émise par n’importe quelle source astrophysique.
Grâce à COBE, les scientifiques ont pu mesurer avec précision la température du FDC. En cherchant ce même modèle de variation dans d’autres formes de lumière, ils pourraient confirmer (ou infirmer) l’idée selon laquelle le dipôle résulte du mouvement du système solaire. Cette mesure revêt une grande importance car une discordance dans la taille et la direction du dipôle FDC pourrait nous offrir un aperçu des processus physiques à l’œuvre au tout début de l’Univers, potentiellement jusqu’à une époque où il avait moins d’un trillionième de seconde, comme l’explique Fernando Atrio-Barandela, professeur de physique théorique à l’Université de Salamanque en Espagne, co-auteur de l’étude ayant révélé cette découverte.
À la Recherche d’un Modèle d’Émission Similaire
Pour tenter de dévoiler un modèle d’émission semblable dans la gamme des rayons gamma, les chercheurs ont combiné plusieurs années de données d’observation du télescope Fermi. Cependant, l’analyse du fond extragalactique a révélé une surprise inattendue. « Nous avons trouvé un dipôle de rayons gamma, mais son pic est situé dans le sud du ciel, loin du FDC, et sa magnitude est 10 fois supérieure à ce que nous attendrions de notre mouvement », a déclaré Chris Shrader, astrophysicien à l’Université catholique d’Amérique à Washington.
Deux Mystères Cosmiques Interconnectés ?
Chris Shrader et ses collaborateurs émettent l’hypothèse que ce pic de rayons gamma pourrait être lié à une caractéristique similaire, précédemment rapportée pour les rayons cosmiques les plus énergétiques.
Les rayons cosmiques sont des particules de haute énergie se déplaçant dans l’espace à une vitesse proche de celle de la lumière. Bien qu’ils aient diverses origines, ces particules incluent celles provenant du Soleil, d’au-delà de notre système solaire et d’autres galaxies. Les particules les plus rares et les plus énergétiques, baptisées ultrahigh-energy cosmic rays (UHECR) ou zetta-particules en français, possèdent une énergie plus d’un milliard de fois supérieure à celle des rayons gamma de 3 GeV ! Leur origine demeure encore un mystère irrésolu.
En 2017, une équipe de l’Observatoire Pierre-Auger a identifié un dipôle dans la direction d’arrivée des UHECR. En raison de leur charge électrique, les rayons cosmiques subissent des déviations dues au champ magnétique de la galaxie, avec des proportions variables en fonction de leur énergie. Or, le « dipôle UHECR » atteint un sommet dans une région du ciel similaire à celle identifiée par les chercheurs pour les rayons gamma.
De plus, les deux phénomènes présentent une structure similaire : environ 7 % de rayons gamma ou de particules en plus par rapport à la moyenne, provenant d’une direction, et des quantités 7 % plus faibles provenant de la direction opposée. Il est donc plausible que les deux phénomènes soient liés, suggérant ainsi que les rayons gamma et les particules de très haute énergie pourraient émaner d’une seule et même source. Cependant, cette source reste malheureusement inidentifiable à ce jour.
La Quête pour Localiser les Sources Cosmiques Mystérieuses
À présent, l’objectif majeur des astronomes est de localiser ces sources cosmiques mystérieuses. Cette recherche pourrait nous apporter une compréhension plus profonde de l’Univers et de ses phénomènes énigmatiques. Toutefois, il existe également la possibilité que d’autres explications soient nécessaires pour expliquer ces deux phénomènes. Le mystère des rayons gamma et des rayons cosmiques ultrahauts en énergie reste entier, suscitant un intérêt intense dans la communauté scientifique.
Le cosmos continue de nous offrir d’incroyables énigmes à résoudre, défiant notre compréhension actuelle de l’Univers et nous incitant à poursuivre notre quête de découvertes dans les profondeurs de l’espace.