Hausse des taux : La BCE maintient sa vigilance malgré une inflation persistante

La décision de la Banque centrale européenne (BCE) de relever ses taux directeurs de 0,25 point pour la dixième fois consécutive a suscité une série de réflexions approfondies dans les cercles économiques. À partir du 20 septembre, les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt atteindront respectivement 4,5%, 4,75% et 4%, établissant ainsi de nouveaux sommets depuis la création de la monnaie unique en 1999. Une décision qui fait écho à la persistance d’une inflation élevée, même lorsque la croissance économique de la zone euro montre des signes de ralentissement croissant.

Le défi de la crédibilité de la BCE

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a soigneusement évité de caractériser cette hausse comme étant la dernière de sa série. Elle a plutôt renvoyé toute décision future quant aux taux à l’évolution de la situation économique. Toutefois, elle a souligné l’importance du retour de l’inflation à 2%, considéré comme essentiel pour la crédibilité de la BCE. Cette cible, synonyme de stabilité des prix, est au cœur de l’objectif de l’institution.

Martin Moryson, chef économiste Europe chez DWS, note que cette étape pourrait bien être la dernière en matière de taux d’intérêt, compte tenu du ralentissement économique en cours. Cependant, il précise que dans des circonstances extraordinaires, notamment si l’inflation s’emballait au-delà des prévisions déjà élevées de la BCE, de nouvelles mesures de hausse pourraient être envisagées.

Une possible surprise inflationniste

Un scénario alternatif, bien que moins réjouissant, n’est pas à exclure. Raphaël Thuin, directeur des stratégies de marchés de capitaux chez Tikehau Capital, suggère que l’inflation pourrait réserver des surprises par sa vigueur et sa résilience, devenant ainsi un phénomène structurel. Les données actuelles montrent en effet que, bien que l’inflation ait légèrement baissé sur un an, elle reste à un niveau durablement élevé.

Selon les révisions récentes de la BCE, l’inflation devrait atteindre 5,6% en 2023, 3,2% en 2024 (contre une estimation initiale de 3%) en raison d’une trajectoire des prix de l’énergie plus élevée, comme l’a expliqué Christine Lagarde. En 2025, elle devrait se stabiliser à 2,1%.

Une décision mûrement réfléchie

La présidente de la BCE a révélé que certains gouverneurs auraient préféré maintenir les taux inchangés pour ne pas compromettre la croissance économique. Cependant, une « solide majorité » a soutenu la décision de relever les taux. Fabio Balboni, économiste chez HSBC Global Research, souligne que la BCE considère que les taux d’intérêt ont atteint un niveau qui, s’ils sont maintenus pendant une période suffisamment longue, contribueront de manière significative à ramener l’inflation à 2%. Néanmoins, Christine Lagarde a été prudente en n’excluant pas de nouvelles hausses des taux, laissant ainsi une marge de manœuvre en fonction de l’évolution de la situation économique.

Ann-Katrin Petersen, stratégiste au BlackRock Investment Institute, estime que l’inflation devrait rester élevée pendant une grande partie de l’année 2024, compte tenu des tensions sur le marché du travail et de la faible productivité.

Les défis des banques centrales européennes

La BCE n’est pas seule à faire face au dilemme d’une croissance économique en berne associée à une inflation persistante. Le récent recul de la production industrielle et le début d’un affaiblissement du secteur des services dans la zone euro, ainsi que la hausse des prix du pétrole, compliquent la situation. La BCE poursuit ses hausses de taux pour freiner la demande de biens, de services et de crédit des entreprises et des ménages.

Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez Pimco, estime que pour que l’inflation revienne à l’objectif de 2%, un nouveau ralentissement économique et une certaine faiblesse sur le marché du travail seront probablement nécessaires. Selon les nouvelles projections de la BCE, la croissance de la zone euro est révisée à la baisse pour les années à venir.

Les incertitudes persistantes

La situation reste incertaine quant à savoir si l’inflation est en baisse en raison de la politique monétaire ou d’autres facteurs tels que la baisse des prix du gaz naturel. La récente hausse des prix du pétrole contrarie la baisse de l’inflation, créant ainsi un environnement complexe où la BCE doit naviguer avec prudence. La confiance des marchés dans la capacité de la BCE à atteindre ses objectifs pourrait progressivement s’éroder, mais pour l’instant, les investisseurs ont accueilli la décision de la BCE avec un certain optimisme, comme en témoigne la hausse de l’indice Stoxx 600 de 1,6%.

Les implications mondiales

Les décisions de la BCE ont des répercussions bien au-delà de la zone euro. Alors que les banques centrales du monde entier surveillent de près cette situation, la BCE cherche à équilibrer les défis de l’inflation avec la nécessité de soutenir la croissance économique. Les investisseurs du monde entier observent de près ces évolutions, sachant que les taux d’intérêt en Europe ont des répercussions sur les marchés mondiaux.

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