Mohammed VI : La Force du Roi en Temps de Crise

Le Monarque en Temps de Crise

Le roi Mohammed VI était en France, au moment du séisme qui a frappé son pays, vendredi 8 septembre au soir. Il était arrivé le 1er septembre à Paris, où il possède un splendide hôtel particulier de 1 600 mètres carrés sur le Champ-de-Mars, au pied de la tour Eiffel. La catastrophe l’a donc saisi loin de chez lui et tout le Maroc a paru flotter, pendant quelques heures, face à la tragédie.

Retour au Pays en Temps de Crise

Quelques heures plus tard, dans la journée de samedi, le voilà pourtant à Rabat, assis en djellaba et coiffé d’un fez, devant un aréopage d’hommes en costume-cravate et une caméra dépêchée là pour saisir « la réunion de travail ». A quelques pas du souverain rentré en catastrophe dans son royaume, se tient le jeune prince héritier, Moulay El-Hassan, fin et timide. Face à eux, toute la nomenklatura politique et militaire du Maroc : premier ministre, généraux, responsables de la santé et services de renseignement. Pas un son de la réunion n’est audible, sinon ce long communiqué qu’annone une voix off : « Sa Majesté le roi a donné ses très hautes instructions en vue de poursuivre avec célérité les actions de secours menées sur le terrain. » Cette seule image muette, qui passe en boucle depuis samedi après-midi sur les télévisions, a pourtant suffi à signaler que désormais le pouvoir s’occupait officiellement de la catastrophe.

L’Attente du Roi

On attend désormais Mohammed VI à Marrakech et ses environs. Lundi, dit la rumeur. Mais tout paraît encore suspendu à cette apparition, comme si lui seul pouvait incarner l’Etat. « C’est un code non écrit, mais suivi sans écart, qui veut qu’aucun officiel ne parle ou ne se déplace avant le souverain », note le politologue et journaliste Omar Brouksy. Déjà, en 2004, lors du tremblement de terre qui avait tué plus de 600 personnes dans la province d’Al-Hoceima, les officiels avaient disparu, jusqu’à ce que le souverain ne paraisse dans les villages sinistrés, quatre jours après la catastrophe, passant même plusieurs nuits sous sa tente royale.

Le Fonctionnement Particulier du Roi

Dimanche, la venue à Marrakech, « sur instruction de Sa Majesté le roi », d’Abdellatif Hammouchi, le directeur général de la sûreté nationale, dans le mellah, l’ancien quartier juif, le plus touché par les secousses, s’est donc déroulée dans la plus exemplaire discrétion. Le chef des puissants renseignements marocains était venu écouter les griefs des habitants, dont beaucoup contestent la façon dont a été menée la réhabilitation de leurs habitations, pourtant financée par l’Etat, et qui se sont fissurées et effritées comme des masures en torchis. Au bout d’une heure à l’abri des regards, afin de ne pas voler la vedette à ce souverain qu’on n’a pas encore vu sur le terrain, un photographe a tout juste pu saisir le cliché d’une grosse Volkswagen noire emportant l’un des hommes les plus puissants du pays. « Maintenant, il faut qu’il raconte au roi », espère un habitant devant les gravats de son domicile.

Le Roi Absent

Le roi, le roi, le roi… Il paraît être la clé de toute action, mais semble régner sans goût pour sa charge. Ses portraits sont accrochés à l’intérieur de tous les services publics, dans les cafés et les boutiques – Mohammed VI souriant sur son trône, Mohammed VI en chemise noire et col ouvert semblant sortir de discothèque, Mohammed VI en blouson et lunettes de soleil de play-boy – mais il quitte parfois son royaume pour de longues périodes. Le tremblement de terre n’y a rien changé. Il a seulement révélé au grand jour le fonctionnement particulier de ce souverain, qu’on a souvent appelé « le roi malgré lui ».

Un Roi en Quête de Plaisirs

Vendredi, donc, le roi était en France. Cela faisait plus d’un an qu’il n’y était pas retourné. En juin 2022, il s’était bien installé pour plusieurs semaines dans son château de Betz, dans l’Oise, une vaste propriété achetée par son père, Hassan II, en 1972. Mais, depuis quelques mois, ce monarque de droit divin s’était attaché à moins quitter le pays qu’auparavant. Ces dernières années, plusieurs articles de la presse étrangère avaient souligné sa propension à passer son temps hors des frontières du Maroc, à Paris le plus souvent, mais aussi au Gabon ou aux Seychelles, comme s’il était éternellement en vacances.

Le Retour en Temps de Crise

Au Maroc même, où la contestation du monarque est pourtant un sujet tabou, des journaux que l’on dit manœuvrés par Abdellatif Hammouchi se sont mis à critiquer, dès 2020, Aboubakr, Omar et Ottman Azaitar, ces trois frères germano-marocains qui, depuis cinq ans, ont pris une considérable importance dans l’intimité du roi. Ottman et Aboubakr sont champions de lutte MMA. Omar passe pour leur manageur. Dans leurs affaires – des restaurants de burgers qui s’appellent tous Royal –, sur leurs réseaux sociaux, les frères Azaitar, étalent une proximité avec le souverain qu’ils paraissent accompagner dans ses plaisirs et ses vacances, ce qui ne peut que susciter les rancœurs au sein de la cour.

Le Roi Présent

Peut-être conscient des critiques, en 2023, Mohammed VI s’est attaché à être plus présent dans son royaume. C’est que, depuis les années Covid-19 et plus récemment la guerre en Ukraine, la situation économique est difficile. L’inflation s’envole. Le tourisme reprend tout juste. A l’exception, juste avant le ramadan, d’un voyage au Gabon en mars, alors dirigé par son ami Ali Bongo, qui vient d’être renversé par des militaires et pourrait trouver refuge dans le royaume chérifien, le roi n’avait presque pas quitté le Maroc. Reprenant des inaugurations jusque-là délaissées. Assumant, le 31 juillet, le teint pâle et les joues creusées, debout dans une voiture décapotable plutôt que sur un cheval comme à l’habitude, les cérémonies d’allégeance où hauts fonctionnaires et responsables viennent jurer fidélité au souverain.

Le Roi en France

Le tremblement de terre a révélé que les voyages à Paris avaient repris un mois plus tard. Les spécialistes du royaume marocain, qui décryptent dans chaque signe les aléas du pouvoir, avaient noté que, sur son compte Instagram, Omar Azaitar avait posté, dès le début du mois de septembre, une photo de la tour Eiffel, probablement prise à deux pas de l’avenue Emile-Deschanel, où, en 2020, le roi a acheté pour 80 millions d’euros son splendide palais parisien.

Les Soins du Roi en France

C’est dans la capitale française, dit-on sans qu’aucune source officielle française n’ait voulu le confirmer, que Mohammed VI fait régulièrement soigner sa sarcoïdose, une maladie immunitaire qui affecte le cœur et le laisse parfois essoufflé comme un asthmatique. Il y séjourne discrètement, sans rencontrer de politiques ni adresser un signe à l’Elysée : les relations sont difficiles depuis qu’a été révélée l’utilisation par les services marocains de Pegasus, le logiciel espion israélien qui a permis d’espionner le téléphone du président français, Emmanuel Macron. Depuis aussi que Paris refuse, malgré les pressions exercées par le Maroc, de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

La Retour du Roi en Temps de Crise

Il a fallu pourtant que le roi rentre à Rabat dès samedi, au lendemain de la catastrophe. Dire à son peuple qu’il n’est pas seul dans la tragédie. Réaffirmer la souveraineté du royaume en choisissant les Etats amis – l’Espagne, le Royaume-Uni, les Emirats arabes unis et le Qatar, mais pas la France – qui depuis quarante-huit heures participent aux secours. Redevenir aux yeux de tous le roi protecteur. Reprendre cette charge si particulière dont il a hérité sans la vouloir par la naissance. Et masquer les interrogations que le séisme venait, en une grosse secousse et une courte absence, de révéler.

Conclusion

La présence et l’action du roi Mohammed VI en temps de crise sont cruciales pour le Maroc. Sa manière particulière de gouverner, marquée par des séjours fréquents à l’étranger, suscite des interrogations mais sa réaction rapide lors du séisme a rappelé son rôle central dans la gestion du pays en période difficile. Alors que le Maroc fait face à de nombreux défis économiques et politiques, la stabilité et le leadership du roi restent essentiels pour le pays.

Check Also

Arrestation d’un Américain à Francfort pour espionnage présumé : une histoire digne d’un roman d’espionnage

On ne peut nier que les histoires d’espionnage ont toujours un petit côté fascinant, entre …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *