La violence sexuelle à Manipur bouleverse l’Inde, même Modi doit briser son silence

Depuis près de trois mois, un conflit violent couve dans le nord-est de l’Inde. À Manipur, un État frontalier de la Birmanie, deux groupes tribaux s’affrontent : les Kukis et les Meiteis. Il s’agit d’un accès aux privilèges et de ressentiments accumulés depuis longtemps entre ces deux peuples. Tout cela s’est transformé en violence, incendies et pillages depuis mai. Les tensions persistent bien que le gouvernement ait envoyé des milliers de soldats à Manipur.

Au moins 130 personnes ont été tuées dans ces affrontements. 60 000 ont fui devant la violence. Cela a bien été noté dans le reste de l’Inde, mais Manipur a vite disparu des pages intérieures des journaux. Le Nord-Est du pays n’est relié au reste de l’Inde que par une étroite bande de terre. Il est étranger à de nombreux Indiens, la région est complexe avec de nombreux groupes rebelles actifs, et la population du Nord-Est se distingue ethniquement et culturellement de la majorité des Indiens.

Une vidéo choquante sur téléphone portable

La cruauté avec laquelle ce conflit ethnique est mené a cependant été mise en évidence de manière très claire au public. Depuis une semaine, Manipur est de retour à la une des journaux et des bulletins d’information. La raison en est une vidéo choquante tournée fin juillet sur téléphone portable. On y voit un groupe d’hommes poussant trois femmes nues sur une route de campagne. Au moins l’une de ces femmes a ensuite été violée par les hommes dans un champ.

La vidéo a été tournée début mai mais n’est devenue virale que bien plus tard. Probablement parce que le gouvernement avait coupé l’internet mobile à Manipur pendant plusieurs jours. Dans les grandes villes de toute l’Inde, des organisations de femmes indignées se sont rassemblées pour des marches de protestation. L’incident choque, mais n’est pas un cas isolé.

Dans son rapport sur Manipur, l’International Crisis Group écrit que de nombreux cas de violence sexuelle par des hommes Meitei, des milices et des militants contre des femmes Kuki ont été signalés. « Les preuves disponibles révèlent l’utilisation généralisée de la violence sexuelle dans le cadre du conflit ethnique ».

Les journalistes étrangers et les observateurs n’ont pas le droit de se rendre à Manipur. Le Parlement européen a adopté une résolution appelant l’Inde à stopper la violence par tous les moyens. Un porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères a répliqué : « Une telle ingérence dans les affaires intérieures de l’Inde est inacceptable et révèle une mentalité coloniale ».

Le Premier ministre doit s’exprimer

Quatorze hommes de la vidéo du téléphone portable ont entre-temps été identifiés. Sept ont été arrêtés. Leur affaire sera jugée devant un tribunal de l’État voisin d’Assam. L’indignation publique face à la violence sexuelle à Manipur a mis le gouvernement de Delhi sous pression. Le ministre de l’Intérieur Amit Shah a expliqué en détail aux journalistes indiens comment il comptait traiter cette affaire : il n’y aurait aucune tolérance pour les auteurs, l’affaire ne serait pas examinée par la police locale mais par le Bureau central d’enquête national.

Le Premier ministre Narendra Modi a également condamné l’incident la semaine dernière et a déclaré qu’il « humiliait l’Inde ». C’était la première fois que Modi s’exprimait sur la violence persistante à Manipur – pendant des semaines, le Premier ministre n’avait pas évoqué le conflit dans cet État en public. Modi était en campagne électorale et les événements dans le nord-est de son pays semblaient peu l’intéresser.

Manipur est gouverné par le parti BJP de Modi. L’opposition lui attribue une part de responsabilité dans l’escalade. En raison du silence de Modi sur le conflit ethnique, l’opposition a déposé une motion de censure au parlement. Il est déjà clair que Modi va la remporter – son parti et ses alliés disposent d’une confortable majorité.

Néanmoins, c’est un petit succès pour les partis d’opposition. Manipur est un sujet que Modi préfère apparemment éviter. Le sujet sera désormais probablement bientôt débattu publiquement au Parlement. Modi s’exprimera dans le cadre du vote de confiance au Parlement et devra probablement aussi s’exprimer sur Manipur. Pour une fois, l’opposition en Inde fixe l’agenda.

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