Le coup de frein de Berlin : Pas d’exportation d’Eurofighter vers l’Arabie Saoudite

Scholz dit non aux Eurofighters pour l’Arabie Saoudite

Alors que l’industrie de la défense s’attendait à une décision positive, le chancelier allemand Olaf Scholz a mis un terme aux espoirs de Londres et de Riyad d’une vente imminente de l’avion de combat Eurofighter. Sous l’influence de Robert Habeck, le vice-chancelier et ministre de l’Économie et du Climat, ainsi que de la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, Scholz a confirmé lors du sommet de l’OTAN à Vilnius qu’il n’y aura pas de décision sur la vente d’Eurofighters à Riyad durant le reste de la législature, qui se termine en 2025.

Le facteur Yémen : une condition pour les exportations

Selon un rapport interne du gouvernement allemand cité par SZ, une condition claire a été établie pour les futurs contrats d’exportation d’armes : la fin de la guerre au Yémen. Ce critère aggrave la divergence entre la politique actuelle et la promesse de Scholz, faite lors de sa visite à Riyad en 2022, de rétablir les exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite. En outre, l’Allemagne maintient déjà une politique de réduction des licences pour le Typhoon, les derniers chiffres s’élevant à seulement 883 550 euros pour le premier semestre 2023 et 44,2 millions en 2022.

Une application stricte de la politique de coalition

Le chancelier allemand applique fidèlement le contrat de coalition qui lie le SPD, les Verts et le FDP, notamment en ce qui concerne les exportations d’armes vers des régimes autoritaires ou en guerre. Cette politique est particulièrement pertinente pour l’Arabie Saoudite, qui mène une coalition contre les Houthis, soutenus par l’Iran, au Yémen depuis 2015. Par ailleurs, l’Allemagne avait déjà suspendu les ventes d’armes à l’Arabie saoudite après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018.

Un coup dur pour les relations avec la Grande-Bretagne

La décision allemande risque de causer des tensions avec la Grande-Bretagne, qui espère vendre entre 48 et 70 Eurofighters supplémentaires à Riyad. Alors que l’Arabie Saoudite et l’Iran semblent se rapprocher, le Royaume-Uni a fait pression sur l’Allemagne pour qu’elle lève son opposition à l’exportation d’Eurofighters à des pays tiers.

Des répercussions pour le programme SCAF et pour Dassault

La décision de Berlin pourrait porter préjudice aux perspectives d’exportation du futur programme européen SCAF (Système de combat aérien pour le futur), qui implique l’Allemagne, la France et l’Espagne. De plus, cette situation pourrait profiter à Dassault Aviation, qui pourrait voir une opportunité d’implanter son Rafale en Arabie Saoudite à la place du Typhoon.

Malgré les défis, le consortium Eurofighter reste optimiste quant aux perspectives de vente de son avion de combat. Le PDG d’Eurofighter GmbH, Giancarlo Mezzanatto, envisage un potentiel de vente de 150 à 200 avions au cours des deux prochaines années.

Le programme Eurofighter : une vue d’ensemble

Depuis le début du programme, 681 Typhoon ont été vendus par le consortium Eurofighter, dont 151 à l’exportation. La majorité de ces avions sont destinés à des pays du Moyen-Orient, notamment l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Qatar, l’Autriche et Oman. Le consortium a livré 581 avions jusqu’à la mi-juillet, dont 117 à l’exportation.

La fin de la guerre au Yémen pourrait signifier une nouvelle ère pour les exportations d’armes de l’Allemagne. Pour l’instant, cependant, la priorité est de résoudre les conflits et de préserver la sécurité et la stabilité régionales.

Des enjeux industriels et géopolitiques

L’Arabie Saoudite a conclu en mars 2018 un protocole d’accord avec BAE Systems pour équiper sa force aérienne (RSAF) de 48 Typhoons en vue de remplacer ses Panavia Tornado vieillissants. La perspective de ce contrat soulignait l’ambition du consortium Eurofighter d’étendre son influence sur le marché du Moyen-Orient et d’augmenter la taille de sa flotte. En outre, les avions devaient être en partie assemblés en Arabie Saoudite, dans le cadre de la politique IKIP (In-Kingdom Industrial Programme), symbolisant une volonté de coopération industrielle.

Le futur de l’exportation d’armes allemande

La décision de Berlin est perçue comme un signal défavorable pour les futures exportations du programme européen SCAF, qui réunit l’Allemagne, la France et l’Espagne. Cette situation pourrait s’aggraver avec l’adoption prévue d’une loi sur l’exportation d’armes par l’Allemagne à l’automne, une perspective qui inquiète tous les partenaires européens de l’Allemagne.

Dans le même temps, Dassault Aviation, pourrait y voir une opportunité supplémentaire de se positionner avec le Rafale en Arabie Saoudite. D’autant plus que les Saoudiens auraient exprimé leur désir d’avoir des avions de combat « itar free » et « german free ».

Conclusion

La décision de Berlin marque un tournant dans la politique d’exportation d’armes de l’Allemagne et pourrait avoir des répercussions significatives sur l’industrie de la défense en Europe. La résolution de la guerre au Yémen pourrait changer la donne, mais pour l’instant, l’Allemagne semble déterminée à maintenir une position ferme et responsable.

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