Au cœur de la violence en RDC : Les tueries inquiétantes se rapprochent de Kinshasa

La flambée de violence dans la province du Maï-Ndombe

Dans la province congolaise du Maï-Ndombe, un litige foncier apparemment anodin a pris une tournure tragique au cours de l’année écoulée. Les violences communautaires qui en ont résulté ont déjà coûté la vie à plus de 300 personnes. Malgré les tentatives de médiation, l’horreur de ces massacres se propage maintenant inexorablement jusqu’à la province de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo.

Un chef de village déplacé de force

Harry Mpuono, chef du village de Masiamu au Maï-Ndombe, se trouve aujourd’hui dans un environnement qui lui est étranger. Perdu dans ses pensées, il se tient dans une cour exiguë du quartier Mombele à Kinshasa. Il témoigne que son village est désormais envahi par des « assaillants ». Les Teke, la communauté à laquelle il appartient et qui est originaire de la région du Maï-Ndombe, sont au cœur d’un conflit foncier meurtrier qui a éclaté dans le territoire de Kwamouth en juin 2022. À seulement cinq mois des élections présidentielles, législatives, provinciales et communales prévues pour le 20 décembre, Kwamouth fait partie des trois régions où les agents de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) n’ont pas pu se rendre pour l’inscription des électeurs sur les listes.

Des obstacles persistants à l’enrôlement électoral

Malgré les efforts du gouvernement pour rétablir la paix dans la région et permettre l’enrôlement des électeurs, prévu initialement le 26 juin, cette opération a été à nouveau reportée. La version officielle qui affirme que la paix est revenue dans la région est contestée par Harry Mpuono. Il déplore la triste coïncidence selon laquelle, le même 26 juin, « 25 personnes ont été tuées à proximité de chez nous. Pour que l’enrôlement puisse avoir lieu, il faut que ces assaillants disparaissent ».

Des traumatismes profonds et des cicatrices

Augustin, âgé de 60 ans, porte encore les séquelles de l’attaque qui a visé son village. Outre les cicatrices sur son cou, son bras et son ventre, il tient à relire son dossier médical qui témoigne des deux balles encore logées dans son corps. Le 13 octobre, vers 15 heures, Masiamu était attaqué par des hommes armés de machettes et de fusils de chasse. Augustin raconte qu’alors qu’il tentait de s’échapper, un homme l’a violemment agressé. À ses côtés, Virginie se souvient également de la nuit d’horreur qu’elle a vécue le 20 septembre. Une large cicatrice sur son omoplate droite témoigne de la tragédie qui a coûté la vie à son grand-père, chef coutumier, ainsi qu’à sa grand-mère, sa mère et 21 autres membres de sa famille. Bob Mbobilolo, avocat représentant les victimes Teke, qualifie ces événements de « purification ethnique » et craint que les assaillants ne votent à la place des Teke afin de s’approprier les terres de leurs ancêtres.

Les mystères du Maï-Ndombe

La région du Maï-Ndombe, surnommée les « eaux noires » en français, recèle bien des secrets. Les journalistes sont interdits d’accès pour des raisons de sécurité, et les informations qui filtrent de cette région forestière sont fragmentaires. Selon Human Rights Watch, qui a interrogé 31 témoins, près de 300 personnes ont perdu la vie dans le territoire de Kwamouth entre juin 2022 et mars 2023. À l’origine de ces violences, une augmentation de la « redevance coutumière » imposée par l’un des chefs de village Teke en 2021, qui a suscité la colère des Yaka, une communauté de fermiers locataires des terres.

La formation d’une milice d’autodéfense

Les relations entre les communautés Teke et Yaka étaient déjà fragiles, mais elles étaient également caractérisées par des liens parfois étroits. Me Bob Mbobilolo s’étonne même des mariages mixtes entre les deux communautés. Les tensions auraient pu se résoudre par le dialogue, mais tout a basculé le 10 juin 2022. Une dizaine de fermiers s’étaient rendus chez le chef qui avait demandé une augmentation de la redevance. Reine se souvient de la scène : « Nous avons essayé de négocier, mais il n’a rien voulu entendre. » Furieux, l’homme, armé, a ouvert le feu sur la foule, tuant le fils de Reine, Blaise.

Soupçonnant une collusion entre l’armée et les autorités locales avec les Teke, la communauté Yaka dénonce une stratégie d’expulsion de leurs fermes. Animée par un sentiment d’injustice, elle a décidé de prendre les choses en main et de rendre justice elle-même. Un homme, qui préfère garder l’anonymat, raconte : « Après la mort de Blaise, les tueries ont continué. C’est pourquoi nous nous sommes regroupés au sein d’une milice d’autodéfense que nous avons appelée Mobondo, en référence à un rituel qui nous protège des balles. » Dès la fin du mois de juin 2022, des hommes armés de machettes, d’arcs et de fusils, souvent masqués ou le visage couvert de cendres, ont commencé à attaquer les villages de la communauté devenue leur ennemie.

L’expansion de la violence jusqu’à Kinshasa

Malgré les efforts de médiation entrepris par la présidence congolaise et le prétendu dépôt des armes par le mouvement Mobondo, les attaques se rapprochent inexorablement de Kinshasa. Peter Kazadi, vice-Premier ministre chargé del’Intérieur, a admis le 24 mai que « le phénomène s’est étendu à la ville de Kinshasa, et plus particulièrement à la commune de Maluku ». Quelques jours plus tard, le 7 juin, un chef coutumier a été décapité par des présumés membres de Mobondo dans cette même commune de Maluku, située à seulement 1 heure et 30 minutes de la capitale.

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