Des négociations complexes et des tensions persistantes
Depuis deux mois, les négociations se succèdent dans la région disputée par l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Malgré les importantes concessions d’Erevan, Bakou refuse toujours d’octroyer un statut particulier à la population locale. Les tensions restent très vives, et les récents événements tragiques soulignent la dynamique instable qui règne dans la région.
Dans la nuit du 27 au 28 juin, quatre soldats de l’armée arménienne ont perdu la vie dans les montagnes du Haut-Karabakh, touchés par les tirs de l’armée azerbaïdjanaise. Cette tragédie est survenue au moment même où une nouvelle session de négociations de paix s’ouvrait aux États-Unis. Cette coïncidence funeste témoigne de la complexité de la situation actuelle. La signature d’un traité de paix, attendu depuis vingt-neuf ans, semble à la fois proche et lointaine.
Des pourparlers intenses et des concessions cruciales
Depuis le mois de mai, les pourparlers se multiplient à un rythme effréné, avec la participation de l’Union européenne, des États-Unis et de la Russie. Ces pays accueillent tour à tour les représentants des deux États, parfois sans une véritable concertation. Antony Blinken, secrétaire d’État américain, affirme que la conclusion d’un accord est à portée de main. Les avancées vers cet espoir sont principalement venues d’Erevan.
En mai, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a déclaré publiquement que l’Arménie reconnaissait l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, incluant le Haut-Karabakh. Cette déclaration marque un tournant majeur, aucune de ses prédécesseurs n’ayant osé franchir cette étape. Ainsi, Erevan accepte désormais le contrôle total de Bakou sur la région, abandonnant ainsi les aspirations à l’indépendance ou à l’intégration à l’Arménie.
Le blocage autour du statut des Arméniens du Karabakh
Pour comprendre cette évolution, il est nécessaire de se pencher sur la trajectoire politique de Nikol Pachinian et sur la situation militaire de l’Arménie. Contrairement à ses prédécesseurs, le Premier ministre actuel n’est pas originaire du Karabakh. De plus, il n’est pas attaché à une ligne dure vis-à-vis de l’Azerbaïdjan et n’a pas le même passif. Cependant, la défaite militaire de l’Arménie lors de la guerre de 2020 a profondément affecté la situation.
Bakou a conquis les trois quarts du Karabakh et une petite portion du territoire arménien lui-même. Les soldats azerbaïdjanais contrôlent environ 140 kilomètres carrés en Arménie, ce qui leur permet de menacer le sud du pays. Malgré cette situation, Erevan maintient certaines exigences, notamment en ce qui concerne le statut des Arméniens du Karabakh qui souhaitent bénéficier de garanties de sécurité. Cela reste un point crucial pour les médiateurs occidentaux. Cependant, Bakou refuse de traiter la population du Karabakh différemment des autres citoyens azerbaïdjanais.
Une ligne de front instable et des tensions persistantes
En plus des obstacles politiques, la région est en proie à des tensions permanentes qui pourraient dégénérer en un nouveau conflit ouvert. Depuis le cessez-le-feu de novembre 2020, les affrontements ont fait au moins 1 203 victimes parmi les militaires et les civils des deux camps, selon l’International Crisis Group (ICG). La ligne de front est devenue plus longue et plus instable depuis la guerre, avec des positions militaires à seulement quelques mètres de distance. Les accrochages meurtriers sont fréquents, entraînant la mort de civils et des pertes matérielles importantes.
Malgré la présence d’un contingent de 2 000 soldats russes chargés du maintien de la paix dans la région, les accrochages sanglants persistent. Les soldats russes n’ont pas pu empêcher la fermeture du corridor de Latchine, seule voie reliant l’Arménie et le Karabakh. Depuis cette fermeture, le Karabakh est isolé du reste du monde, avec des conséquences humanitaires désastreuses. Les importations de nourriture et de biens essentiels sont interdites, ce qui entraîne une baisse rapide des réserves alimentaires.
Un avenir incertain et des perspectives limitées
Dans ce contexte tendu, Stepanakert s’oppose aux négociations de paix qui se déroulent sans sa participation directe. Les médiateurs internationaux suggèrent que Bakou et Stepanakert engagent des discussions directes pour trouver des solutions permettant une coexistence pacifique. Cette proposition, avancée il y a un an par les Européens et soutenue par les Américains, ne parvient pas à rapprocher les deux parties. Bakou refuse de négocier directement tant que Stepanakert ne renonce pas à son aspiration à l’indépendance et à son existence en tant qu’État.
Le Karabakh, quant à lui, demande des garanties internationales pour assurer sa pérennité. Stepanakert insiste sur la nécessité d’un mécanisme international fiable, protégé par un mandat des Nations unies, pour engager des discussions avec Bakou. Les contraintes imposées au Karabakh se renforcent progressivement. Le territoire, qui a perdu une grande partie de ses ressources avec la guerre de 2020, dépend largement du réservoir de Sarsang pour sa production d’énergie. Cependant, cette dépendance hydroélectrique met en péril l’approvisionnement en eau, avec des conséquences désastreuses pour l’agriculture et les populations locales.
Conclusion
La situation au Haut-Karabakh reste extrêmement complexe et incertaine. Malgré les efforts de médiation internationale et les concessions faites par certaines parties, les tensions persistent et les perspectives d’un accord de paix durable semblent lointaines. Les négociations sont bloquées sur des questions cruciales telles que le statut des Arméniens du Karabakh et la coexistence future entre Bakou et Stepanakert. Les enjeux humanitaires et économiques s’aggravent, mettant en péril la vie des populations locales. Face à ces défis, il est essentiel de continuer les efforts diplomatiques pour parvenir à une solution pacifique et durable à ce conflit régional.