Le défi de l’autonomie stratégique de l’Europe dans un monde géopolitique en évolution

L’urgence d’une défense européenne commune

Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Europe se trouve confrontée à un réveil géostratégique qui soulève la question cruciale de l’autonomie stratégique du continent. Pourtant, malgré les 16 mois écoulés depuis cette agression, l’idée d’une défense européenne commune semble stagner, voire être reléguée aux oubliettes dans les chancelleries et à Bruxelles. Aujourd’hui, pour assurer la sécurité de l’Europe, l’accent est principalement mis sur l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Les pays européens continuent d’acheter du matériel militaire américain, sud-coréen ou israélien, tandis que les derniers pays neutres adhèrent ou se rapprochent de l’organisation transatlantique. Même la France, malgré sa tradition gaulliste, semble avoir mis de côté ses ambitions pour une Europe militaire. Cette situation soulève la question fondamentale : à qui la faute ?

Les causes d’un constat amer

C’est lors d’un récent colloque organisé par le Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes de l’Université de Genève que ce constat amer a été dressé. Les participants, principalement français, se sont interrogés sur la possibilité d’une défense européenne autonome. Malheureusement, dans l’état actuel des choses, la réponse est négative. Les partisans d’une autonomie stratégique européenne semblent être les derniers défenseurs d’une vision qui peine à se concrétiser. Le momentum, selon l’expression bruxelloise, est clairement atlantiste. La pensée européenne est figée. Alors, à qui la faute ?

Le rôle de Vladimir Poutine et les conséquences pour l’OTAN

Il est tentant de pointer du doigt Vladimir Poutine pour l’échec de l’autonomie stratégique européenne. En l’espace de 16 mois, le chef du Kremlin a réussi à redonner toute sa pertinence à l’OTAN, une organisation que le président français avait qualifiée il n’y a pas si longtemps d’étant en état de mort clinique. L’«opération spéciale» russe s’est traduite par l’extension de 1340 kilomètres de frontières communes avec des pays ralliés à l’OTAN, et cela n’est peut-être que le début. L’adhésion de l’Ukraine sera d’ailleurs discutée lors du prochain sommet de l’organisation à Vilnius. Pourtant, il est important de se demander si cette «avancée» de l’OTAN ne confirme pas les mises en garde de Moscou depuis trente ans. En attisant les conflits, les États-Unis ne poursuivent-ils pas une politique hégémonique visant à vassaliser l’Europe et à nourrir leur industrie militaire ?

Une lecture trompeuse de la situation

Cependant, il convient de souligner que cette lecture est non seulement sélective, mais surtout trompeuse. L’extension de l’OTAN s’explique avant tout par une demande des Européens eux-mêmes. Ce sont en premier lieu les pays de l’ancien bloc soviétique qui ont manifesté leur volonté de rejoindre l’alliance transatlantique. Si le débat était ouvert en Europe de l’Ouest, il l’était également à Washington sur les avantages et les risques d’une telle extension. Ainsi, tout comme dans les années 1990, c’est la crainte de la Russie qui pousse aujourd’hui la Finlande et la Suède à se tourner vers l’OTAN. Affirmer que ce conflit est dans l’intérêt des États-Unis relève d’une vision étroite. La priorité stratégique de Washington n’est pas d’endiguer la Russie, mais plutôt de s’assurer que la Chine ne prenne pas le leadership mondial.

Sortir de la dépendance aux États-Unis

Face à cette dépendance vis-à-vis des États-Unis, il est impératif pour l’Europe de trouver une solution pour sortir de cette situation. À défaut de pouvoir penser de manière indépendante sa défense, la réponse pourrait bien venir des États-Unis eux-mêmes. En effet, la réélection de Trump, ou l’émergence d’un dirigeant similaire, semble actuellement être le seul espoir pour ceux qui souhaitent relancer la construction d’une Europe de la défense. Cela témoigne du désenchantement généralisé face à l’hypothèse encore très incertaine d’une autonomie stratégique européenne.

Vers une autonomie stratégique hypothétique

Malheureusement, l’autonomie stratégique de l’Europe reste encore aujourd’hui un objectif lointain. Les événements géopolitiques récents ont mis en lumière les difficultés auxquelles l’Europe est confrontée pour parvenir à une véritable autonomie dans le domaine de la défense. Il est essentiel de relancer le débat et d’encourager les États européens à penser collectivement leur sécurité et leur défense, en s’affranchissant de la dépendance excessive vis-à-vis des États-Unis. Cela nécessitera une vision stratégique commune, une coopération renforcée entre les pays membres et des investissements conséquents dans la recherche et le développement de capacités militaires européennes.

En conclusion, la question de l’autonomie stratégique de l’Europe demeure un défi majeur dans un monde géopolitique en constante évolution. Les événements récents, tels que l’invasion de l’Ukraine, ont réveillé la conscience européenne, mais les progrès vers une défense européenne commune restent limités. Il est temps pour les dirigeants européens de prendre des mesures concrètes et audacieuses pour promouvoir une véritable autonomie stratégique, afin de préserver la sécurité et les intérêts de l’Europe dans un contexte international de plus en plus complexe.

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