Introduction : Les montres suisses, un secteur sous pression
L’horlogerie suisse, fière vitrine du savoir-faire helvétique, traverse une des périodes les plus difficiles de son histoire. Avec un taux de chômage en hausse de 70% en un an et des perspectives de reprise éloignées, le secteur est sous tension. Les raisons de ce coup de frein ? Une conjoncture mondiale défavorable, des changements dans les habitudes de consommation, et une concurrence accrue sur le marché international. Les consommateurs, notamment en Chine, sont aujourd’hui moins enclins à se faire plaisir avec une montre suisse, préférant souvent d’autres produits de luxe ou tout simplement d’économiser. Alors, que se passe-t-il vraiment dans cet univers de précision et de luxe ? Plongée au cœur de la crise pour comprendre comment l’industrie tente de relever la tête.
Le recours massif au chômage partiel
Une solution temporaire pour contenir les dégâts
Pour réduire la casse, de nombreuses entreprises horlogères ont massivement recours à la réduction de l’horaire de travail (RHT). Ce dispositif permet de maintenir les emplois tout en adaptant les charges salariales à la baisse de la production. Chez MRP, une société spécialisée dans les boîtes de montres, près de 60% des employés sont désormais concernés. Cela représente un effort considérable pour limiter les licenciements, mais cela reste une solution temporaire.
Patrick Hauert, directeur de l’entreprise, ne cache pas son inquiétude : « La RHT était censée être une solution à court terme, mais aujourd’hui, elle devient une bouée de sauvetage pour tout le secteur.» Pourtant, ce répit n’est pas éternel, et beaucoup redoutent une vague de licenciements si la conjoncture ne s’améliore pas. L’enjeu est donc de taille : comment maintenir les savoir-faire locaux et les talents tout en gérant une période prolongée de crise ?
Une prolongation nécessaire selon les cantons romands
Face à cette situation critique, plusieurs cantons de Suisse romande demandent une prolongation exceptionnelle du régime de RHT jusqu’à fin 2025. Pierre-Alain Berret, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie du Jura, explique : « Donner plus de temps aux entreprises, c’est leur permettre de reprendre leur souffle et d’éviter des fermetures définitives. Une entreprise qui ferme, c’est aussi un pan de savoir-faire qui disparaît.» Ce type de soutien est essentiel, car il permet non seulement de sauver des centaines d’emplois, mais aussi de préparer une reprise plus sereine, une fois les marchés stabilisés.
En décembre dernier, les représentants des cantons romands ont adressé une lettre au Conseil fédéral pour demander un prolongement du dispositif. Cette démarche, bien que saluée par les acteurs économiques, soulève des questions sur la soutenabilité de telles mesures à long terme. Mais pour les cantons concernés, il n’y a pas d’autre choix : mieux vaut prolonger l’aide que de laisser les entreprises sombrer.
Un ralentissement économique venu d’Asie
La Chine, un moteur étouffé
Pendant des années, la Chine a été le marché de rêve pour l’horlogerie suisse. Avec une classe moyenne en plein essor et un goût prononcé pour les produits de luxe, les consommateurs chinois ont largement contribué à la croissance du secteur. Mais aujourd’hui, la situation a radicalement changé. Avec une croissance économique en berne, des mesures sanitaires strictes et une confiance en berne des consommateurs, les achats de montres suisses ont fortement diminué.
En octobre dernier, les exportations suisses vers la Chine ont chuté de plus d’un tiers par rapport à l’année précédente. Cette baisse a pris de court de nombreux fabricants, qui comptaient encore sur ce marché pour compenser la baisse des ventes en Europe. Cette dépendance économique met en lumière la nécessité pour les entreprises suisses de diversifier leurs marchés cibles.
L’Europe aussi en retrait
La situation n’est pas meilleure en Europe. Des marchés clés comme l’Allemagne et la France enregistrent également une baisse significative des ventes. En France, l’inflation croissante et la diminution du pouvoir d’achat des consommateurs ont entraîné une baisse notable des achats de produits de luxe. En Allemagne, les incertitudes économiques et les tensions géopolitiques pèsent lourdement sur les décisions d’achat.
Cependant, tout n’est pas noir. Certains marchés, comme les États-Unis ou le Moyen-Orient, montrent encore des signes de résilience. Les entreprises suisses devront cependant redoubler d’efforts pour capter ces opportunités.
Des perspectives de reprise lointaines
2025, voire 2026… le bout du tunnel est encore loin
Selon les experts, la reprise du secteur horloger n’est pas attendue avant 2025, voire 2026. Une attente interminable pour les professionnels de l’industrie, qui doivent jongler entre la gestion des coûts, le maintien des compétences et la préservation de leur image de marque. Beaucoup d’entreprises mettent en place des stratégies pour s’adapter, mais l’incertitude reste un véritable obstacle. Pour Patrick Hauert, « la flexibilité et l’innovation sont les clés de la survie. Mais pour innover, encore faut-il avoir les moyens financiers de le faire.»
Innover pour survivre
Certains acteurs du secteur misent sur les nouvelles technologies pour sortir de la crise. Montres connectées, matériaux recyclés ou encore personnalisation avancée : l’horlogerie suisse ne manque pas d’idées pour rester pertinente. La montre connectée, bien qu’éloignée de l’image classique du luxe, pourrait bien représenter une opportunité pour les marques cherchant à toucher un public plus jeune et plus technophile.
Par ailleurs, l’accent est mis sur les procédés durables. Des marques comme Oris ou Panerai se distinguent en proposant des modèles fabriqués à partir de matériaux recyclés, une tendance qui résonne particulièrement bien avec les attentes des consommateurs actuels. Ces initiatives suffiront-elles à enrayer la spirale descendante ? L’avenir le dira, mais elles montrent que l’industrie suisse n’est pas prête à jeter l’éponge.
Conclusion : Une résilience sous pression
L’horlogerie suisse, symbole de précision et de luxe, est aujourd’hui confrontée à des défis majeurs. Entre ralentissement économique, chômage en hausse et incertitudes sur l’avenir, le secteur doit faire preuve de résilience et d’ingéniosité. Si la prolongation du régime de RHT peut offrir un sursis, seule une reprise durable des marchés permettra à l’industrie de retrouver son éclat d’antan. Les entreprises doivent également anticiper les changements à long terme : diversification des marchés, adaptation aux nouvelles attentes des consommateurs et intégration des innovations technologiques.
Malgré ces vents contraires, l’industrie horlogère suisse reste une véritable institution. Avec sa capacité à se réinventer et à surprendre, elle pourrait bien trouver les clés pour surmonter cette crise et briller à nouveau sur la scène internationale. En attendant, les montres suisses continuent de battre… au ralenti, mais toujours avec élégance.