Introduction
L’industrie des séries télévisées semble avoir connu un changement majeur ces dernières années. De l’âge d’or des Soprano et de Breaking Bad aux contenus de plus en plus « lissés » sur les plateformes de streaming, nombreux sont ceux qui se demandent si les séries étaient « mieux avant ». Qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Pourquoi ce sentiment décevant de qualité déclinante ? Cet article plonge dans les coulisses de l’industrie pour comprendre ce qui a mal tourné et explorer les raisons derrière cette évolution.
La Prise de Contrôle par Wall Street
Au début des années 2010, Wall Street s’est intéressé de très près à Hollywood. Les sociétés d’investissement comme BlackRock, Vanguard et State Street ont commencé à acheter les studios les plus importants. Vanguard, par exemple, est maintenant l’investisseur majoritaire de Disney, Netflix, Warner Bros. et Apple. Et le problème est là : ces sociétés ne s’intéressent qu’à une seule chose, la rentabilité financière à court terme. Leur influence a entraîné une prise de décisions basée uniquement sur l’argent, menant à une « mérdification » générale du contenu.
Hollywood est ainsi devenu un distributeur automatique de séries à grande échelle, où le risque est éliminé. Cela signifie que la qualité de l’œuvre est rarement une priorité. Tout est fait pour plaire à la plus large audience possible, sans chercher à prendre des risques créatifs. Et cela a un impact énorme sur les scénaristes, les acteurs et même les showrunners, qui doivent tous s’adapter à ce système étouffant.
En effet, cette prise de contrôle par les sociétés financières a également entraîné une évolution profonde de la manière dont les séries sont produites. Les budgets sont souvent rationalisés, les projets audacieux sont rejetés au profit de productions sûrement rentables, et l’ensemble de l’industrie a adopté une culture de la « rentabilité rapide » qui défavorise la création artistique et la vision long terme. Ainsi, les artistes, qui autrefois disposaient d’une certaine liberté pour exprimer leur créativité, se retrouvent maintenant à devoir suivre des directives commerciales strictes, souvent au détriment de la qualité.
Le Résultat : Moins de Risques, Moins de Qualité
Les conséquences de cette prise de contrôle par Wall Street ne se sont pas fait attendre. Pour éviter toute forme de risque financier, les studios suivent un schéma préétabli qui ne laisse pas beaucoup de place à la créativité. Les nouvelles séries doivent être « aseptisées », lisser leurs scénarios, limiter leur complexité, pour atteindre un maximum de spectateurs sans faire de vagues.
Pourtant, les grandes séries du passé étaient marquées par leur capacité à prendre des risques. The Sopranos, Breaking Bad, ou The Wire, toutes avaient des scénarios audacieux, des personnages profonds et étaient prêtes à sortir des sentiers battus. Aujourd’hui, les plateformes comme Netflix ou Disney+ semblent avoir oublié cette volonté de créer des chefs-d’œuvre et se concentrent plutôt sur des contenus faciles à consommer et à produire.
Les créateurs se retrouvent ainsi pris au piège. Au lieu de raconter des histoires qui ont une résonance profonde, ils sont contraints de produire des contenus qui plairont au plus grand nombre. Cette logique de massification conduit inévitablement à une perte de qualité artistique. En cherchant à éviter toute forme de controverse ou de risque, les plateformes finissent par proposer des histoires fades, dépourvues de toute authenticité et de toute ambition. La complexité des personnages et la profondeur des thèmes sont sacrifiées au profit d’une accessibilité maximale.
Le Phénomène des « Contenus Écran Secondaire »
Une tendance qui illustre bien la dégradation de la qualité des séries est celle des « contenus écran secondaire ». De plus en plus, les plateformes demandent aux scénaristes de créer des contenus qui peuvent être consommés en arrière-plan, pendant que les spectateurs scrollent sur leur téléphone. Les showrunners sont priés de rendre leurs épisodes plus simples, sans grande profondeur, afin que le public puisse les suivre d’un œil distrait.
C’est ce qui explique pourquoi tant de séries actuelles semblent superficielles. Elles n’ont plus pour vocation de captiver leur audience, mais simplement de les distraire. Une sorte de « muzak visuelle », comme la musique d’ascenseur, qui remplit le vide mais ne laisse pas une grande impression.
Cette tendance est particulièrement problématique car elle affecte directement la manière dont les histoires sont racontées. Au lieu de créer des intrigues captivantes qui vous accrochent, les épisodes sont devenus des « remplissages » sans ambition, des histoires qui ne cherchent pas à éveiller la réflexion ou à créer une émotion durable. Le visionnage désormais ne vise plus l’immersion, mais une simple occupation du temps. Ainsi, la connexion profonde que le public pouvait autrefois développer avec des personnages riches et des scénarios bien construits est de plus en plus rare.
Des Conditions de Travail en Déclin
En plus de la dégradation de la qualité des contenus, les conditions de travail dans l’industrie ont également empiré. Pour maximiser les profits, les plateformes ont réduit les salaires des scénaristes et imposent des conditions de plus en plus difficiles. L’émergence de nouvelles stars est également freinée, car les acteurs sont considérés comme de simples rouages dans la machine à contenu.
Les acteurs comme Sydney Sweeney, pourtant parmi les mieux payés de leur génération, ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas vivre uniquement de leur travail d’acteur en raison de la suppression des royalties et des bénéfices. Le résultat est une industrie de plus en plus précaire, où seuls les plus grands noms peuvent encore tirer leur épingle du jeu.
En outre, la précarisation des emplois des scénaristes a des conséquences directes sur la qualité des œuvres. Moins bien payés et soumis à des échéances de plus en plus serrées, les scénaristes n’ont souvent pas le temps de développer leurs idées correctement. Le brainstorming créatif, autrefois un processus essentiel pour améliorer les scripts et les rendre uniques, est désormais remplacé par une approche de « production à la chaîne », où la quantité prime sur la qualité. Les conditions de travail épuisantes mènent à des scénarios à peine ébauchés et à des personnages sans profondeur, car les auteurs n’ont tout simplement pas les ressources pour faire mieux.
L’Absence d’Originalité
Un autre symptôme de cette crise dans l’industrie des séries est la disparition de l’originalité. De plus en plus de projets sont des adaptations, des remakes ou des spin-offs, car ceux-ci sont considérés comme moins risqués que des scénarios originaux. La créativité est étouffée au profit de formules éprouvées qui ne surprennent plus personne.
Les scénaristes sont encouragés à proposer des projets qui ont déjà fait leurs preuves plutôt qu’à créer quelque chose de neuf. Cette stratégie limite non seulement le potentiel de voir naître un nouveau chef-d’œuvre, mais étouffe aussi l’émergence de nouvelles idées et visions dans l’industrie.
Les conséquences de cette absence d’originalité se répercutent non seulement sur la qualité des contenus, mais aussi sur la manière dont les spectateurs perçoivent les séries. Le manque de renouveau fait que les spectateurs ressentent une lassitude face à des histoires prévisibles et des remakes sans imagination. Les grandes séries originales, qui apportaient des perspectives nouvelles et des thèmes inédits, se font rares, laissant un vide créatif qui n’est comblé que par une production massive de contenus similaires. Les spectateurs, qui autrefois étaient captivés par des histoires innovantes, se retrouvent aujourd’hui à visionner des versions différentes des mêmes scénarios déjà vus et revus.
Le Formatage des Séries
Les séries sont aujourd’hui de plus en plus formatées. Les personnages sont stéréotypés, les scénarios prévisibles, et même la photographie est souvent la même d’une série à l’autre. Le résultat est une homogénéité qui déprime les spectateurs, autrefois habitués à une offre diversifiée et originale.
Par ailleurs, les séries tendent à présenter des héros sans défauts profonds, par crainte de ne pas être « identifiables » par le public. Cela rend les personnages moins humains et moins intéressants, car ce sont souvent leurs faiblesses qui les rendaient attachants.
De plus, ce formatage s’étend à la manière dont les intrigues sont développées. Les scénaristes doivent suivre des « recettes » qui ont déjà fonctionné, et ils ne sont pas encouragés à sortir de cette formule. Ainsi, les twists prévisibles, les fins heureuses et les personnages peu nuancés deviennent la norme. Le public, qui autrefois appréciait les histoires uniques et les personnages complexes, se retrouve devant des intrigues préfabriquées qui manquent cruellement d’originalité.
Les séries formatées sont le résultat direct de cette volonté de plaire à tout prix, de ne choquer personne, et de répondre aux attentes des algorithmes des plateformes de streaming. Chaque production est analysée, chaque scène est évaluée pour voir si elle répond aux attentes d’un certain profil de spectateur. Ce formatage extrême étouffe la diversité des histoires, et, au lieu d’avoir une large palette de séries qui explorent différents genres et thèmes, nous nous retrouvons avec des contenus qui se ressemblent tous.
Plaire au Plus Grand Nombre, Une Strétégie Funeste
En essayant de plaire au plus grand nombre, les plateformes se privent de ce qui faisait la force des grandes séries du passé : une vision singulière. Les grandes séries de niche ont souvent commencé avec un public restreint avant de s’étendre et de devenir des phénomènes mondiaux. C’était le cas de Star Trek, de Breaking Bad, et bien d’autres encore. Aujourd’hui, les plateformes cherchent dès le départ à capter l’attention de la masse, au risque de perdre toute substance.
L’accent mis sur la production de contenus pour « tout le monde » empêche souvent l’émergence de séries audacieuses et originales, laissant place à des productions fades et interchangeables.
Cette recherche de l’universalité empêche les créateurs de s’engager dans des projets qui pourraient ne plaire qu’à un public restreint mais passionné. Et pourtant, ce sont souvent ces séries de niche qui finissent par marquer l’histoire. The Office, par exemple, n’était pas destinée à plaire à tout le monde, mais elle est devenue culte pour un public fidèle. Stranger Things a commencé comme un hommage aux années 80, sans grandes attentes, et est devenue un phénomène culturel.
En essayant de plaire au plus grand nombre dès le départ, les plateformes privent leurs contenus de cette magie qui naît quand des artistes passionnés créent sans se soucier des tendances ou des statistiques. Cela empêche la création de contenus véritablement uniques, capables de susciter une réaction forte chez un groupe de spectateurs, même s’ils ne sont pas majoritaires.
Conclusion
En conclusion, les séries télévisées sont victimes d’une logique financière qui étouffe la créativité et empêche l’émergence de projets audacieux. La qualité des contenus est en baisse, les personnages sont aseptisés, et les scénarios manquent d’originalité. Alors, était-ce mieux avant ? On pourrait répondre par l’affirmative, car les œuvres du passé semblaient moins construites pour simplement satisfaire un algorithme, et davantage pour marquer les esprits.
Il est possible que l’industrie puisse se réinventer, mais cela nécessite de donner plus de liberté aux créateurs et d’accepter de prendre des risques. Tant que la rentabilité à court terme restera la priorité, les séries continueront de perdre de leur magie. Les plateformes doivent réaliser que l’innovation naît souvent du chaos et de la prise de risques, et que c’est cette imprévisibilité qui a permis à de nombreuses grandes séries de voir le jour.
Il est également essentiel de redonner leur place aux scénaristes et aux acteurs, et de les considérer comme des partenaires créatifs à part entière, plutôt que comme de simples outils de production. En valorisant à nouveau le talent et la vision artistique, l’industrie des séries pourrait retrouver son âge d’or et offrir aux spectateurs des histoires qui les marquent vraiment, au lieu de simplement les divertir pendant quelques heures.