L’économie chinoise face aux défis des années 1990 du Japon : une « japonification » à éviter ?

Introduction

Ah, la Chine ! On parle souvent de son ascension fulgurante, de son économie qui dépasse tout le monde à une vitesse vertigineuse, de ses villes qui poussent comme des champignons. Mais tout n’est pas aussi simple. En réalité, la Chine traverse une période complexe, et certains économistes se demandent si elle ne serait pas en train de suivre les traces du Japon des années 1990, une période surnommée « les décennies perdues ». Qu’est-ce que cela signifie pour la Chine ? Comment éviter une économie stagnante et des problèmes systémiques ? Voyons cela de plus près.

La « japonification » : Qu’est-ce que ça veut dire ?

Pour comprendre pourquoi certains redoutent une « japonification » de l’économie chinoise, il faut d’abord revenir un peu en arrière. Dans les années 1980, le Japon était l’enfant prodige de l’économie mondiale. Puis vint la fin de la décennie et la bulle économique éclata. Immobilier, bourse, crédits bancaires… tout s’est effondré, et le Japon a passé les deux décennies suivantes à essayer de retrouver son élan. Aujourd’hui, certains y voient des similarités avec la situation en Chine.

La Chine a également connu une croissance rapide pendant plusieurs décennies, basée sur une stratégie d’investissements massifs, d’urbanisation rapide, et de production industrielle soutenue. Mais, tout comme le Japon dans les années 1990, elle commence à se heurter à certaines limites : un marché immobilier en crise, des problèmes de surendettement et une économie qui peine à se diversifier. Les craintes de voir la Chine sombrer dans une « japonification » sont alimentées par ces signes de ralentissement économique qui semblent évoquer le sort de son voisin asiatique.

Le problème du surendettement

L’un des aspects qui relie la situation chinoise actuelle à celle du Japon est la question du surendettement, en particulier dans le secteur immobilier. En Chine, des entreprises phares comme Evergrande, autrefois les championnes de la croissance, se retrouvent aujourd’hui à court de liquidités, incapables de rembourser leurs dettes énormes. Ce surendettement n’est pas seulement le fait des entreprises privées ; il touche également les gouvernements locaux qui se sont beaucoup endettés pour financer de grands projets d’infrastructure.

Cela rappelle la situation japonaise des années 1990, lorsque l’immobilier s’était effondré et que les banques étaient pleines de créances douteuses. Le Japon a connu une longue période de stagnation économique en raison de ces problèmes de surendettement, créant un cercle vicieux où la confiance économique s’est effondrée et où les banques ont préféré conserver leur argent plutôt que de prêter à des entreprises risquées. La Chine peut-elle éviter ce scénario de « zombie banks » ? Jusqu’à présent, le gouvernement chinois a fait preuve de prudence, en mettant en place des réformes pour limiter la surchauffe de l’immobilier et en réglementant de plus en plus le secteur des crédits. Mais ces mesures suffiront-elles à éviter une spirale négative ?

La situation est d’autant plus préoccupante que le secteur immobilier représente une part importante de l’économie chinoise. Il s’agit d’un pilier de la croissance qui emploie des millions de travailleurs, directement ou indirectement, et qui influe sur de nombreux autres secteurs, comme les matériaux de construction ou les services financiers. Si ce secteur s’effondre, les répercussions se feront sentir à travers toute l’économie. Par conséquent, le gouvernement est confronté à un dilemme : d’un côté, il veut freiner la croissance incontrôlée de la dette ; de l’autre, il ne peut pas laisser le secteur immobilier s’effondrer sans risquer de provoquer une crise économique majeure.

La démographie : l’autre facteur clé

Autre point commun entre le Japon des années 1990 et la Chine d’aujourd’hui : une démographie qui n’est pas des plus optimistes. Le Japon a dû faire face à un vieillissement rapide de sa population qui a affaibli la consommation et la croissance. La Chine est sur une trajectoire similaire, avec un taux de fécondité très faible (environ 1,09 en 2024), et une population qui commence à vieillir rapidement. Cela signifie moins de travailleurs actifs et une charge croissante sur les systèmes sociaux.

Le vieillissement de la population en Chine est particulièrement problématique, car il s’accompagne d’une baisse de la main-d’œuvre disponible, ce qui risque de freiner la croissance économique à long terme. Le Japon a souffert de cette situation, voyant sa main-d’œuvre diminuer et sa consommation stagner, alors que les personnes âgées épargnaient davantage et consommaient moins. En Chine, la situation est rendue encore plus compliquée par l’absence de véritables politiques d’immigration qui pourraient compenser la baisse de la population active.

Certains économistes affirment que la Chine est encore à un niveau de développement qui lui permet d’avoir une marge de manœuvre pour augmenter sa productivité. Mais ce défi démographique reste immense et n’est pas sans rappeler celui du Japon il y a quelques décennies. Il n’est jamais évident de compenser la baisse de la population active par des gains de productivité, surtout quand la consommation intérieure est historiquement faible. L’une des solutions pourrait être d’investir davantage dans l’automatisation et les nouvelles technologies, mais cela n’est pas sans poser d’autres problèmes, notamment en termes de formation des travailleurs et de reconversion professionnelle.

La consommation : Un talon d’Achille

La consommation intérieure représente seulement 38 % du PIB en Chine, contre 54 % au Japon dans les années 1990. Un chiffre qui montre que la Chine reste très dépendante de l’investissement et des exportations pour soutenir sa croissance. Mais, à mesure que la population vieillit, cette situation devient de moins en moins tenable.

La stratégie pour éviter une japonification pourrait donc passer par la stimulation de la consommation. C’est plus facile à dire qu’à faire, car changer les habitudes de consommation est un processus long et compliqué. Le gouvernement chinois semble en être conscient et tente d’encourager les citoyens à dépenser plus, mais avec un passé marqué par des décennies d’épargne préventive, la tâche s’annonce ardue.

Pour encourager la consommation, le gouvernement a commencé à adopter certaines mesures telles que la réduction des taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires et la promotion des emprunts à la consommation. Mais ces mesures auront-elles un impact suffisant pour compenser le ralentissement démographique et la baisse de la confiance dans le marché immobilier ? Rien n’est moins sûr. En outre, la consommation élevée passe par la confiance dans l’avenir économique du pays, et les incertitudes actuelles ne poussent pas les Chinois à ouvrir leur porte-monnaie.

Politiques économiques : Des différences qui pourraient faire la différence

La grande différence entre la Chine et le Japon réside dans les politiques économiques mises en place. La Chine possède un contrôle étatique beaucoup plus important sur son économie. Lorsqu’il le faut, elle peut prendre des décisions radicales sans avoir à se préoccuper de réactions politiques ou sociales immédiates.

Par exemple, elle a commencé à encourager des initiatives pour stimuler le secteur privé, malgré une posture générale de renforcement du contrôle étatique. La flexibilité des politiques fiscales et monétaires de la Chine pourrait permettre d’éviter la spirale déflationniste que le Japon a connue. Toutefois, les réformes doivent être assez audacieuses pour sortir de l’ornière, ce qui n’est pas toujours évident dans un contexte de régulation accrue et de contrôle strict des finances locales.

La Chine a également d’autres atouts qui pourraient l’aider à éviter la stagnation : une capacité à mener des réformes économiques de manière plus rapide et autoritaire que le Japon, un niveau de vie qui reste inférieur à celui des pays développés, ce qui offre une marge pour la croissance, et une vaste réserve de devises étrangères qui lui permet de gérer les chocs économiques. Mais ces avantages pourraient ne pas suffire si la Chine ne parvient pas à réorienter son économie vers une croissance plus durable, basée sur la consommation interne plutôt que sur l’investissement excessif.

La dette : la bombe à retardement ?

Les gouvernements locaux chinois sont de plus en plus endettés, souvent à cause de projets d’infrastructure gigantesques qui visaient à maintenir la croissance. Un scénario qui rappelle à nouveau le Japon, où les autorités locales avaient dépensé sans compter avant que la bulle n’éclate.

Mais là où le Japon s’est retrouvé piégé avec une dette écrasante et des banques paralysées, la Chine pourrait éviter le pire en utilisant sa réserve massive de devises étrangères pour stabiliser la situation. La question reste de savoir si la Chine sera prête à prendre des décisions difficiles, notamment en laissant certains projets échouer et en coupant les vivres à des secteurs en difficulté, au lieu de continuer à les soutenir pour des raisons politiques.

Le problème de la dette n’est pas qu’une simple question de chiffres. Les emprunts massifs des gouvernements locaux ont souvent été souscrits pour financer des projets à faible rendement, parfois simplement pour booster la croissance à court terme sans vision à long terme. Cette mauvaise allocation des ressources rappelle fortement le Japon des années 1980, où des investissements gigantesques avaient été réalisés dans des infrastructures inutiles, conduisant à un gâchis économique monumental. En Chine, les projets échoués ou les « villes fantômes » sont des témoignages tangibles de cette mauvaise allocation de capitaux.

Une ouverture au commerce international de plus en plus limitée

La Chine, tout comme le Japon à son époque, fait face à une diminution de la demande internationale. Avec les tensions commerciales avec les États-Unis et l’essor du protectionnisme (le fameux « friend-shoring »), la Chine risque de perdre une bonne partie de ses marchés traditionnels. Cela ne veut pas dire que tout est perdu, mais plutôt qu’une diversification économique est devenue une nécessité. Diversification industrielle, plus de consommation interne, et peut-être même une approche plus ouverte vis-à-vis des investissements étrangers, tout cela pourrait permettre d’atténuer les effets d’une dépendance excessive aux exportations.

Les tensions commerciales ont également un impact sur la chaîne d’approvisionnement mondiale. De nombreuses entreprises multinationales ont commencé à délocaliser leurs activités de production en dehors de la Chine, craignant des perturbations futures dues aux tensions politiques. Le défi pour la Chine est donc de rester compétitive tout en réorientant son économie vers des secteurs plus innovants et à plus forte valeur ajoutée.

Une transition différente, mais pas facile

En dépit des similitudes, il est probable que la Chine et le Japon connaissent des trajectoires différentes. La Chine a des atouts que le Japon n’avait pas : une population plus jeune (même si elle vieillit), un niveau de vie encore bas qui laisse de la marge pour des gains de productivité et une capacité à mener des réformes de manière plus autoritaire. Cependant, ces réformes doivent être menées avec audace et clairvoyance, sous peine de tomber dans les pièges classiques de la dépendance au secteur immobilier et du soutien constant à des entreprises peu performantes.

L’une des grandes différences avec le Japon est que la Chine n’a pas encore atteint le niveau de développement où les rendements des investissements commencent à décroître de manière significative. La Chine reste une économie en développement, avec des possibilités d’expansion dans des secteurs comme les énergies renouvelables, les technologies de l’information, et les infrastructures de transport. Toutefois, la question est de savoir si la Chine pourra faire ces transitions sans accroc et sans tomber dans les mêmes pièges que le Japon.

Conclusion

La question de savoir si la Chine va suivre la trajectoire du Japon des années 1990 reste ouverte. Les parallèles sont là, mais les contextes sont différents. La Chine dispose de ressources, de réserves et d’une certaine souplesse dans sa gestion économique qui pourraient lui permettre d’éviter la « japonification ». Mais cela dépendra largement de la volonté du gouvernement de prendre des mesures audacieuses, de favoriser une consommation interne plus élevée et de diversifier ses sources de croissance. Bref, la balle est dans le camp de Xi Jinping et de ses conseillers économiques. Espérons qu’ils n’oublieront pas la leçon du Japon : il vaut mieux encaisser la douleur maintenant plutôt que de la laisser s’étaler sur des décennies.

La Chine est à un tournant décisif. Pour éviter le sort du Japon, elle devra prendre des décisions qui ne seront pas toujours populaires, mais qui seront essentielles pour assurer une croissance durable à long terme. Le chemin sera probablement semé d’embûches, mais avec les bonnes politiques et une volonté réelle de réformer, la Chine pourrait bien écrire une histoire différente, et peut-être même inspirer d’autres économies émergentes dans leur quête de stabilité et de prospérité.

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