Détournement de fonds européens : Le procès du Rassemblement national s’ouvre sous haute tension

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Quand la politique rime avec tribunal : Le procès de Marine Le Pen et des anciens eurodéputés du Rassemblement national pour détournement de fonds européens débute.


Introduction

Le décor est planté : Marine Le Pen, Louis Aliot, Bruno Gollnisch et d’autres figures du Rassemblement national (RN) se retrouvent sur le banc des accusés. Leur crime présumé ? Avoir utilisé l’argent européen pour rémunérer des assistants parlementaires qui auraient, selon l’accusation, travaillé exclusivement pour le parti et non pour les députés européens. L’affaire, qui traîne depuis 2015, vient de prendre un nouveau tournant avec l’ouverture d’un procès qui pourrait peser lourd sur l’avenir politique de la cheffe du RN, notamment en vue de la présidentielle de 2027. Retour sur cette affaire qui mêle politique, argent public et intrigues européennes.

L’origine de l’affaire : Le signal d’alarme de 2015

Tout commence en 2015. Martin Schulz, alors président du Parlement européen, lève un sourcil devant la gestion des assistants parlementaires du Front national (devenu Rassemblement national). Un petit détail attise sa curiosité : certains assistants n’ont jamais mis les pieds au Parlement européen, et encore moins vu la couleur de Bruxelles. Drôle de situation pour des personnes censées assister des députés dans leur mission parlementaire…

Des contrats d’assistants parlementaires semblent avoir été signés par le parti sur une période de plus de 10 ans, entre 2004 et 2016. Mais surprise (ou pas) : ces assistants travaillaient, selon l’accusation, pour le parti, et non pour les eurodéputés eux-mêmes, ce qui est formellement interdit par les règles européennes.

Les accusés : Marine Le Pen et ses acolytes face à la justice

Ils sont nombreux à devoir s’expliquer. Marine Le Pen, évidemment, mais aussi Louis Aliot, son compagnon d’armes politique (et accessoirement son ancien compagnon tout court), ainsi que Bruno Gollnisch, l’ancien bras droit de Jean-Marie Le Pen, et Julien Odoul, porte-parole bien connu du RN. À leurs côtés, une douzaine d’anciens assistants parlementaires et plusieurs collaborateurs du parti sont aussi sur le grill. Ensemble, ils risquent gros : jusqu’à dix ans de prison, un million d’euros d’amende et surtout – pour Marine Le Pen – une peine d’inéligibilité qui viendrait freiner ses ambitions présidentielles pour 2027.

Mutualisation ou détournement ? La défense du RN

Le Rassemblement national clame son innocence depuis des années. Pour eux, il n’y a rien d’illégal à partager les compétences d’un assistant entre plusieurs missions. En gros, selon le RN, leurs assistants ne travaillaient pas que pour le Parlement, mais également pour le parti. “On appelle ça de la mutualisation des ressources humaines”, martèlent-ils. Une stratégie pratique, selon eux, dans un contexte où le RN a toujours eu des moyens limités comparés à d’autres grands partis politiques. D’autres y voient une manière créative de contourner les règles et d’utiliser l’argent de l’Union européenne à des fins partisanes.

Et puis, après tout, l’Union européenne, le RN ne l’a jamais vraiment aimée, alors pourquoi se priver ? Comme le dit si bien Me Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen (partie civile dans ce procès) : “Le FN-RN n’aime pas l’Europe. La seule chose qu’ils aiment, c’est l’argent de l’Union européenne.” Voilà qui est dit !

Un procès à enjeux politiques majeurs

Au-delà des peines encourues, l’enjeu politique de ce procès est énorme. Marine Le Pen, figure emblématique de la droite radicale en France, vise une nouvelle candidature à l’élection présidentielle de 2027. Si elle venait à être condamnée à une peine d’inéligibilité, cela pourrait gravement compromettre ses chances de se présenter. Et ce n’est pas tout : une telle condamnation affaiblirait considérablement le Rassemblement national à un moment où le parti tente de se “dédiaboliser” pour élargir son électorat. En résumé, ce procès pourrait redessiner le paysage politique français pour les années à venir.

Trois millions d’euros de préjudice

Du côté des finances, l’affaire n’est pas non plus à prendre à la légère. Le Parlement européen estime son préjudice à trois millions d’euros, mais a déjà récupéré un million de la part du RN. “Ce n’est pas un aveu de culpabilité”, a tenu à préciser le parti, dans un énième numéro d’acrobatie politique. Pourtant, deux millions restent encore en suspens, et c’est bien ce que le Parlement compte réclamer dans ce procès.

Les grandes absences : Jean-Marie Le Pen

Le patriarche du Front national, Jean-Marie Le Pen, ne sera pas de la partie. À 96 ans, une expertise médicale a jugé que le fondateur du parti n’était plus en état d’être jugé. Ce qui n’empêche pas qu’il soit largement impliqué dans l’affaire. Selon l’accusation, c’est lui qui, dès la création du parti, aurait validé ce système de gestion des assistants parlementaires. Sa fille, Marine, aurait ensuite pris la relève, notamment à partir de 2014, quand le nombre d’eurodéputés du FN a explosé au Parlement européen, passant de trois à vingt-trois. En tout cas, il est fort à parier que Jean-Marie, bien au chaud dans son salon, suivra de près les évolutions de ce procès.

Conclusion : Et maintenant ?

Le procès, prévu pour durer plusieurs mois, avec des audiences jusqu’au 27 novembre, promet d’être riche en rebondissements. Qu’il s’agisse d’une manœuvre politique, comme le clame le RN, ou d’un réel détournement de fonds publics, l’issue de ce procès aura des répercussions sur l’avenir du parti et de sa cheffe. Marine Le Pen se battra certainement bec et ongles pour prouver son innocence et continuer sa route vers l’Élysée.

Affaire à suivre donc, avec, en toile de fond, une question simple : l’argent européen doit-il financer la machine politique du RN ? Ou est-ce que ce procès, au-delà des salles d’audience, ne serait qu’une autre bataille entre une Europe que le parti n’a jamais vraiment aimée et un parti qui, ironiquement, en a largement profité ?

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