Une percée majeure au Japon
L’informatique quantique est l’un des domaines les plus fascinants de la technologie moderne. Elle promet une puissance de calcul inégalée grâce à l’utilisation de particules quantiques appelées qubits. Cependant, les qubits sont notoirement sensibles aux perturbations extérieures, ce qui limite leur utilisation à des températures cryogéniques extrêmement basses. Cela rend non seulement leur exploitation difficile mais aussi coûteuse. Heureusement, une équipe de chercheurs japonais vient de franchir une étape révolutionnaire en parvenant à générer des qubits stables à température ambiante.
La décohérence quantique et ses défis
La décohérence quantique est l’un des problèmes les plus redoutables en informatique quantique. Elle se produit lorsque les qubits perdent leur superposition et leur intrication en raison de perturbations externes. Pour éviter cela, les systèmes quantiques sont généralement maintenus à des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu. Malheureusement, cette approche est à la fois peu pratique et coûteuse, ce qui limite considérablement les applications potentielles des ordinateurs quantiques.
La puissance des qubits et leur vulnérabilité
Pour comprendre l’importance de cette avancée, il est essentiel de connaître les caractéristiques des qubits. Les qubits tirent leur pouvoir de deux concepts fondamentaux : la superposition et l’intrication. La superposition permet à un qubit d’exister simultanément dans plusieurs états, tandis que l’intrication signifie que deux particules forment un système lié, avec des états quantiques interdépendants, peu importe la distance qui les sépare. Cela permet aux ordinateurs quantiques d’effectuer simultanément plusieurs calculs, contrairement aux ordinateurs traditionnels.
Cependant, à mesure que le nombre de qubits augmente, leur vulnérabilité aux perturbations environnementales augmente également. Cela signifie que les qubits doivent être produits et maintenus à des températures extrêmement basses pour fonctionner correctement, ce qui pose des défis pratiques et financiers considérables.
La cohérence quantique à température ambiante
Dans une étude récente, une équipe de chercheurs japonais a rapporté une percée majeure en parvenant à maintenir la cohérence quantique à température ambiante. En d’autres termes, malgré une température relativement élevée, le système quantique qu’ils ont développé est resté stable. Ils ont réussi à maintenir cette cohérence pendant plus de 100 nanosecondes, et des améliorations futures pourraient prolonger cette durée.
Cette réalisation a des implications significatives pour l’informatique quantique. Elle ouvre également de nouvelles possibilités pour les technologies de détection quantique, telles que les capteurs quantiques. Ces capteurs ont des applications variées, de la détection d’informations encodées à la prévision des séismes en passant par la mesure des champs magnétiques cérébraux et les télécommunications. Comme l’informatique quantique, la détection quantique repose sur les propriétés quantiques des qubits.
Une approche innovante
Les chercheurs ont utilisé une approche novatrice pour parvenir à cette cohérence quantique à température ambiante. Ils ont introduit un chromophore basé sur le pentacène, un hydrocarbure aromatique polycyclique, dans un réseau métallo-organique (RMO). Les chromophores sont des molécules qui absorbent et émettent de la lumière à une longueur d’onde spécifique, tandis que les RMO sont des matériaux cristallins nanoporeux composés d’ions métalliques et de ligands organiques.
L’intégration du chromophore dans le RMO a permis d’exciter les électrons avec les spins souhaités à température ambiante, grâce à un processus appelé « fission singulet ». Ce processus génère deux excitons triplets à partir d’un singulet photo-excité, ce qui conduit à la formation d’un multiexciton quintet intriqué à quatre spins. Cette approche a été explorée précédemment dans le domaine de l’énergie, en particulier pour améliorer l’efficacité des cellules solaires.
La structure du cristal RMO
Ce qui rend cette avancée encore plus remarquable, c’est la structure du cristal RMO. Le professeur Nobuhiro Yanai, de l’Université de Kyushu, décrit ce système comme « unique » car il permet d’accumuler densément des chromophores. De plus, les nanopores à l’intérieur du cristal permettent au chromophore de tourner, mais à un angle très restreint. Cette structure facilite le mouvement des électrons dans les unités de pentacène, leur permettant de passer de l’état triplet à l’état quintet. En même temps, elle restreint suffisamment le mouvement à température ambiante pour maintenir la cohérence quantique de l’état quintet.
En utilisant des impulsions de micro-ondes pour photo-exciter les électrons, les chercheurs ont pu observer la cohérence quantique de l’état quintet pendant plus de 100 nanosecondes à température ambiante. Il s’agit d’une réalisation remarquable, car c’est la première fois qu’une cohérence quantique à température ambiante de quintets intriqués est observée.
Des perspectives prometteuses
Les qubits basés sur des matériaux moléculaires offrent plusieurs avantages significatifs. Ils permettent de créer des structures de qubits spécifiques avec précision, de contrôler leurs propriétés en modifiant la structure chimique et d’intégrer facilement des qubits supplémentaires. Les qubits moléculaires initialisés par photo-excitation sont donc particulièrement prometteurs pour l’informatique quantique à température ambiante et la détection quantique dans les systèmes vivants.
Bien que la cohérence n’ait été observée que pendant quelques nanosecondes, ces résultats ouvrent la voie à la conception de matériaux permettant de générer des qubits multiples à température ambiante. Le professeur Yanai pense qu’à l’avenir, il sera possible de générer plus efficacement des qubits de type multiexciton quintet en recherchant des molécules hôtes capables d’induire un plus grand nombre de mouvements supprimés et en développant des structures RMO appropriées.
Cette avancée dans la génération de qubits stables à température ambiante marque une étape importante dans le développement de l’informatique quantique et de la détection quantique. Elle ouvre la voie à de nombreuses applications potentielles qui pourraient révolutionner divers domaines de la science et de la technologie.