Le monde observe actuellement avec une attention soutenue le sommet des BRICS qui se tient en Afrique du Sud. Les discussions autour de ce groupe hétéroclite sont d’une importance capitale, car elles remettent en question le discours traditionnellement critique envers l’Occident. Cependant, dans l’ombre de cet événement, se dessine un autre changement géopolitique majeur : l’élargissement de l’OTAN à la zone du Pacifique. Cette évolution peut sembler paradoxale, étant donné que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est originairement centrée sur un territoire précis englobant principalement des pays européens et nord-américains. Cependant, les États-Unis, dans leur réorientation géopolitique en réponse à la montée en puissance de la Chine, cherchent à inclure leurs alliés de la région indo-pacifique au sein de cette alliance historique.
Une Montée en Puissance Discrète
L’approche des États-Unis en matière de géopolitique a toujours été marquée par des actions méthodiques, souvent discrètes, visant à réaliser des objectifs à long terme. Il y a déjà deux décennies, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et le Japon ont été conviés autour de la table pour participer aux opérations en Afghanistan. Ce premier pas a ouvert la voie à des collaborations et accords bilatéraux de plus en plus intenses, formant ainsi ces pays à des engagements armés sur le terrain. Un point culminant de cette évolution a été l’inclusion de ces nations au sommet de Madrid en 2022, suivi par celui de Vilnius. Les États-Unis mettent un accent particulier sur le développement de l’interopérabilité militaire avec ces “Asia partners 4”, ce qui explique la rupture du contrat entre l’Australie et la France pour la livraison de sous-marins, au profit d’une coopération avec les États-Unis.
L’OTAN au Cœur de la Stratégie
L’OTAN, une alliance historique de défense collective, joue un rôle clé dans cette nouvelle stratégie américaine en Asie-Pacifique. L’organisation ouvre désormais la porte à ces nouveaux partenaires en leur permettant de contribuer à la gestion des crises futures, notamment dans le cadre d’opérations dirigées par l’OTAN et éventuellement au sein de la Force de réaction de l’OTAN. Cette démarche est particulièrement avancée avec l’Australie, tandis que des préparatifs similaires sont en cours pour la Nouvelle-Zélande. Le programme 2030 de l’OTAN prévoit explicitement la création d’un “Conseil de partenariat OTAN-Pacifique”, dédié à la préparation contre une éventuelle menace chinoise.
Divergences et Questionnements
Cependant, la légitimité de désigner la Chine comme une menace pour les nations de l’Atlantique Nord soulève des questions cruciales. Qui détient l’autorité pour définir cette menace? Les États-Unis, qui orientent activement leurs politiques en réponse à la montée en puissance chinoise, jouent un rôle central dans cette désignation. Ils arment Taïwan, bien que ce territoire ne soit pas reconnu internationalement, et s’impliquent ouvertement dans les affaires chinoises. Toutefois, la Chine elle-même ne peut pas être exonérée, compte tenu de son non-respect répété du droit international de la mer et de ses revendications excessives en mer de Chine et dans le détroit de Taïwan.
Implications pour les Membres Européens
L’élargissement de l’OTAN vers la zone indo-pacifique soulève également des inquiétudes parmi les membres européens de l’alliance. Le risque d’être entraînés dans des opérations lointaines qui ne concernent pas directement ces pays existe. Les optimistes mettent en avant l’article 5 du Traité de Washington, qui ne s’applique pas à l’indo-pacifique en raison de sa portée géographique. Cependant, les pessimistes soulignent qu’un conflit entre la Chine et les États-Unis pourrait rapidement engager l’OTAN avec ses nouveaux partenaires de la région, et ainsi solliciter l’aide des membres historiques de l’alliance.
Divergences au Sein de l’OTAN
Au sein même de l’OTAN, des perspectives divergentes se dessinent. Si certains pays, comme les Pays-Bas, semblent enclins à rejoindre cette nouvelle direction, d’autres, comme la France, expriment leur désaccord. L’opposition de la France à l’installation d’un bureau de liaison de l’OTAN à Tokyo en est un exemple. La France remet en question la pertinence de cette démarche et souligne qu’elle n’a pas de motifs pour y participer.
Vers une Nouvelle Dynamique Géopolitique
En fin de compte, les États-Unis, avec l’élargissement de l’OTAN vers le Pacifique, sont en train de mettre en place une alliance impérialiste mondiale, soutenant leur propre agenda géopolitique et militaire. Ce tournant marque une nouvelle ère dans la dynamique des relations internationales, avec des implications complexes pour tous les acteurs impliqués. Dans ce contexte, des nations neutres telles que la Suisse doivent évaluer soigneusement leurs intérêts et leurs positions avant de s’impliquer de près ou de loin dans ces développements, en gardant à l’esprit les enjeux régionaux et mondiaux qui en découlent.