Le pétrole russe s’écoule toujours malgré les sanctions

Des pétroliers fantômes pour contourner l’embargo

Depuis que l’Union européenne a imposé un embargo sur les importations de pétrole russe en décembre 2022, des pétroliers vieillissants et sans pavillon clair circulent pour continuer à acheminer l’or noir russe vers l’Asie. Ces navires pratiquent des transbordements en haute mer, éteignent leurs systèmes de localisation et changent de noms pour dissimuler l’origine réelle du pétrole, dans le but de le revendre ailleurs, parfois même en Europe. Ces pratiques opaques sont dangereuses, comme l’a montré l’explosion du navire Pablo au large de la Malaisie en mai 2022.

Âgé de 27 ans, rouillé et changé de propriétaires à de nombreuses reprises, le Pablo n’était plus autorisé à naviguer sous de nombreux pavillons. Selon des experts, il transportait du pétrole russe déchargé préalablement en mer par un autre navire pour dissimuler sa provenance. Heureusement vide au moment de l’explosion, le Pablo a évité de justesse une marée noire catastrophique. Mais l’opacité entourant ces navires fantômes empêche d’identifier les propriétaires et de les sanctionner en cas d’accident. Leur nombre a explosé avec 10 à 20% de la flotte mondiale impliquée dans le contournement des sanctions contre la Russie.

Des itinéraires détournés vers l’Asie

Pour écouler son pétrole malgré l’embargo européen, la Russie a dû trouver de nouveaux acheteurs en Asie et allonger les trajets de ses tankers d’une vingtaine de jours. La Grèce et l’Espagne sont devenues des plaques tournantes où de gros pétroliers viennent charger le pétrole arrivé sur des navires plus petits depuis la mer Noire et la Baltique. L’Inde est devenue le premier importateur de pétrole russe, avec 40% de ses achats en provenance de Russie contre seulement 2% avant la guerre. Elle le raffine et le réexporte même vers l’Europe sous forme de produits pétroliers, permettant à la Russie de contourner l’embargo sous une autre forme.

Cet allongement des distances accroît la demande en tankers et renchérit les coûts de transport. De plus, de nombreuses compagnies maritimes occidentales refusent désormais de desservir la Russie. Moscov doit donc trouver de nouveaux transporteurs, certains peu regardants sur les sanctions, pour continuer à exporter son or noir.

Le négoce international au cœur des combines

Si les pétroliers fantômes attirent l’attention, les experts soulignent que ce sont les négociants en matières premières qui organisent l’essentiel des contournements de sanctions. Beaucoup ont quitté la Suisse pour s’installer à Dubaï, nouveau hub sur la route du pétrole russe vers l’Asie. Ils achètent le brut russe à bas prix, organisent des transbordements en mer pour brouiller les pistes, stockent et mélangent les cargaisons avant de les revendre au-dessus du prix plafond imposé par les sanctions, au nez et à la barbe des Occidentaux.

Les autorités peinent à remonter jusqu’aux véritables donneurs d’ordre de ces pratiques frauduleuses, qui empochent des marges juteuses en toute discrétion grâce à des montages financiers complexes impliquant des sociétés-écrans.

Sanctions insuffisantes

Malgré des pertes sévères, la Russie parvient encore à écouler une partie de son pétrole à un prix supérieur au plafond de 60 dollars le baril imposé par les sanctions occidentales. Les pays européens manquent d’enquêteurs pour traquer efficacement les fraudes qui se multiplient. L’interdiction récente pour les navires suspects d’accéder aux ports européens est une mesure symbolique aux yeux des experts.

Les outils technologiques existent pour tracer l’origine du pétrole et le parcours des tankers. Mais les documents d’expédition manquent de détails, et les propriétaires véritables sont facilement dissimulés. Tant que la finance offshore permettra aux vendeurs et acheteurs de pétrole russe de brouiller les pistes, les sanctions resteront aisées à contourner.

L’embargo européen a certes réduit de moitié les revenus de la Russie provenant des hydrocarbures. Mais il a aussi ouvert la voie à des combines lucratives pour des acteurs peu scrupuleux du transport maritime et de la finance. Le commerce international opaque aide ainsi le pétrole russe à continuer de s’écouler discrètement malgré les sanctions.

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