La pénurie de talents, frein à l’essor de l’industrie des semi-conducteurs aux Etats-Unis

Une croissance explosive de la demande

Selon une récente étude du cabinet Oxford Economics, la demande mondiale de semi-conducteurs devrait doubler d’ici 2030, tirée par les mégatendances à l’électrification, la numérisation et la décarbonation. Les États-Unis, qui souhaitent sécuriser leur approvisionnement et réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Asie, ont voté cet été le plan «Chips and Science Act», qui prévoit 53 milliards de dollars d’aides publiques pour attirer les investissements dans ce secteur stratégique. Résultat, plus de 300 milliards de dollars d’investissements ont déjà été annoncés outre-Atlantique.

115 000 emplois à pourvoir, mais un déficit de compétences

Cette croissance fulgurante pose cependant un problème de taille : où trouver les talents nécessaires pour accompagner un tel essor? Selon Oxford Economics, 115 000 postes supplémentaires seront à pourvoir d’ici 2030 dans l’industrie américaine des semi-conducteurs, faisant passer les effectifs de 345 000 aujourd’hui à 460 000. Problème : 67 000 de ces emplois risquent de ne pas trouver preneur, faute de compétences adaptées.

Les métiers les plus touchés seront les techniciens (26 400 postes non pourvus), les ingénieurs (27 300) et les informaticiens (13 400). “Notre analyse met en évidence les rôles critiques des travailleurs hautement qualifiés dans le secteur des semi-conducteurs et les pénuries de compétences auxquelles l’industrie sera confrontée si des mesures proactives de développement des talents ne sont pas prises”, alerte Dan Martin, économiste chez Oxford Economics.

Plusieurs pistes pour résoudre la pénurie de talents

Comment remédier à ce manque criant de compétences, qui risque de freiner le développement de cette industrie stratégique aux États-Unis? L’étude propose plusieurs recommandations:

  • Renforcer les partenariats et programmes régionaux de formation de techniciens spécialisés dans la fabrication de semi-conducteurs
  •  Augmenter le nombre de diplômés en ingénierie et informatique dans le système éducatif national
  •  Faciliter l’embauche d’étudiants étrangers formés aux États-Unis, qui constituent une partie de la solution à court terme

Un secteur hautement spécialisé nécessitant des années de formation

Le problème est que l’industrie des semi-conducteurs requiert des compétences très pointues et une expertise technique poussée. La conception et la fabrication de puces électroniques fait appel à des procédés de pointe qui ne s’improvisent pas.

Pour former un ingénieur capable de maîtriser toutes les étapes complexes de la création d’un microprocesseur ou d’une puce mémoire, il faut au minimum un master spécialisé, soit 5 années d’études après le baccalauréat.

De même, les techniciens chargés de faire fonctionner les équipements de production ultra-sophistiqués comme les machines de lithographie ou de dépôt chimique en couches minces doivent suivre des formations dédiées de 2 à 3 ans pour acquérir des compétences introuvables sur le marché du travail.

Un vivier de talents insuffisant face à la demande

Or les États-Unis, comme l’Europe d’ailleurs, n’ont pas suffisamment anticipé ces besoins en formation. Résultat, le vivier de talents est insuffisant pour répondre à la croissance explosive de la demande.

Pendant des décennies, la tendance a été à la délocalisation de la production de semi-conducteurs vers l’Asie. Les grands acteurs américains comme Intel ont préféré implanter leurs usines à l’étranger pour réduire les coûts. Du coup, les filières universitaires spécialisées ont formé moins d’ingénieurs et de techniciens.

Aujourd’hui, le pays se retrouve avec un déficit criant de compétences pour accompagner le rebond de l’industrie sur son sol. Combler un tel retard prendra de nombreuses années.

Attirer les talents étrangers, une solution temporaire

Dans l’immédiat, attirer les talents étrangers déjà formés, notamment en provenance d’Asie, peut aider à répondre aux immenses besoins de recrutement. Mais cette solution ne suffira pas sur le long terme.

Pour redevenir une puissance des semi-conducteurs, les États-Unis devront massivement investir dans la formation et l’éducation. Il faudra également promouvoir ces filières d’avenir auprès des jeunes générations, afin de susciter des vocations.

Sans effort important et soutenu sur le front des compétences, la pénurie de talents freinera durablement les ambitions américaines dans les semi-conducteurs.

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