Intelligence Artificielle : La Guerre des Titans entre les États-Unis et la Chine

Le Défi Chinois dans l’Intelligence Artificielle

En 2019, la Chine a pris une avance significative dans le domaine de l’intelligence artificielle en dépassant les États-Unis et le Japon en termes de demandes de brevet liées à l’IA dans le monde. Cette avancée semblait irrésistible, mais en 2023, la situation a radicalement changé. Le découplage économique entre les États-Unis et la Chine, amorcé sous la présidence de Donald Trump et amplifié sous celle de Joe Biden, a bouleversé la donne. Cette décision stratégique n’est pas l’œuvre d’un individu, mais le résultat d’un consensus parmi les acteurs économiques, politiques et culturels, convaincus que l’intégration croissante entre les deux puissances présenterait des risques à long terme pour les intérêts américains.

Le concept du « piège de Thucydide », développé par Graham Allison, a été largement commenté pour décrire cette situation où une puissance dominante se retrouve confrontée à l’émergence d’une nouvelle puissance rivale. Si l’administration Trump avait déjà utilisé des droits de douane sur les biens et fermé son marché à certaines entreprises chinoises telles que ZTE et Huawei, Biden a choisi une approche plus ciblée en contrôlant les exportations de produits technologiques, notamment les semi-conducteurs, et en interdisant à ses citoyens de travailler pour certaines entités chinoises par le biais d’un décret publié en octobre 2022.

La rivalité entre les deux géants a des implications majeures pour l’avenir de l’intelligence artificielle. La Chine voit dans l’IA un moyen d’accroître sa compétitivité économique et sa domination technologique mondiale. Elle a investi massivement dans la recherche et le développement de cette technologie, attirant de nombreux chercheurs et experts de renommée internationale. Le gouvernement chinois a également élaboré des politiques favorables à l’IA, encourageant l’innovation et la création de startups spécialisées.

La Pression Américaine sur le Secteur des Puces

Récemment, Biden a exprimé son intention de renforcer ces interdictions en incluant toutes les puces de dernière génération, essentielles pour l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle. La règle actuelle comporte deux limitations : la puissance de calcul individuelle de chaque puce et la vitesse de communication entre les puces, cruciale dans les systèmes d’IA complexes tels que ChatGPT, nécessitant des milliers de puces interconnectées.

La puce H800 développée par Nvidia spécifiquement pour le marché chinois possède une puissance de calcul similaire à celles vendues dans le reste du monde, mais ses vitesses d’échange de données entre puces sont limitées. Ces composants sont très prisés par les géants chinois de la tech. Par exemple, Tencent a annoncé le mois dernier son intention d’en acquérir un nombre significatif pour entraîner ses modèles d’IA. Cette décision de l’administration Biden a suscité de vives réactions de la part des principaux fabricants américains de puces. Qualcomm réalise plus de 60 % de ses revenus en Chine, Intel y réalise un quart de ses ventes et Nvidia tire un cinquième de ses revenus du marché chinois. Cependant, ces appels à la clémence auront probablement peu d’effet sur la Maison-Blanche.

La dépendance de la Chine vis-à-vis des puces et technologies américaines crée un déséquilibre critique. Les entreprises technologiques chinoises dépendent largement des produits américains pour le fonctionnement de leurs produits et services d’IA. Cette vulnérabilité est exploitée par les États-Unis pour exercer une pression sur la Chine dans le contexte de la guerre commerciale et technologique en cours.

Le Triomphe Américain dans l’IA

L’arrivée en fanfare de ChatGPT et des « transformers » a également anéanti l’idée d’une Chine en tête de l’IA. Cette révolution technologique appartient entièrement aux entreprises américaines, même si elle a été nourrie par des esprits européens et chinois. Une étude de MacroPolo en 2021 a révélé que sur les 128 chercheurs chinois en IA ayant publié dans des conférences internationales, 54 % travaillaient aux États-Unis, contre seulement 34 % en Chine. Sous la pression de leur gouvernement, ces entreprises américaines optent de plus en plus pour le déplacement de leurs activités dédiées à l’intelligence artificielle hors de la Chine. Récemment, Microsoft a annoncé le transfert d’entre 20 et 40 chercheurs de haut niveau de son centre de recherche Microsoft Research Asia, basé à Pékin et reconnu comme l’un des meilleurs centres de recherche du pays, à Vancouver au Canada.

Les États-Unis considèrent l’IA comme un domaine stratégique crucial pour leur sécurité nationale et leur leadership technologique. Ils mettent en place des politiques visant à protéger leurs innovations et à empêcher le transfert de technologies sensibles vers la Chine. En contrôlant l’accès des entreprises chinoises aux puces de pointe et aux technologies clés, les États-Unis cherchent à maintenir leur avantage concurrentiel dans ce domaine.

Les Conséquences pour l’Innovation et la Coopération Internationale

Face à cette situation, le gouvernement chinois tente de réagir en lançant des initiatives pour développer des modèles de langage étendus tels que GPT4 d’OpenAI ou Llama de Meta. Le géant de l’e-commerce JD.com a récemment présenté son modèle ChatRhino. Un laboratoire chinois a publié une étude montrant que la version 3.5 d’Ernie, le modèle de Baidu, obtenait de meilleurs résultats que GPT4 sur des exercices de compréhension en langue chinoise. Le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information a également dévoilé une feuille de route pour développer des puces domestiques de dernière génération afin de soutenir le développement de l’intelligence artificielle. Bien que la décision américaine puisse ralentir le rythme de l’innovation en Chine et priver les géants technologiques locaux et le gouvernement d’accès aux puces et aux talents étrangers, il serait illusoire de croire que cette mesure suffira à garantir une victoire totale dans cette bataille.

Les répercussions de cette guerre des titans vont bien au-delà des frontières de la Chine et des États-Unis. La compétition dans le domaine de l’IA a des implications mondiales pour l’innovation, la coopération internationale et le partage des connaissances. La fragmentation de l’industrie de l’IA pourrait entraîner un frein à l’innovation et à la recherche, car les échanges de connaissances et de talents entre les deux puissances pourraient être entravés. La coopération internationale dans la recherche et le développement de l’IA est essentielle pour relever les défis mondiaux, tels que les changements climatiques, les pandémies et la cybersécurité.

En conclusion, la guerre des titans entre les États-Unis et la Chine dans le domaine de l’intelligence artificielle est un enjeu majeur pour les deux puissances. Le découplage économique et technologique entre les deux géants a des répercussions sur l’innovation, les industries de pointe et la compétitivité mondiale. Chaque décision stratégique prise par l’un ou l’autre pays peut avoir des conséquences significatives sur le paysage mondial de l’IA. Les enjeux sont considérables et nécessitent une approche réfléchie et équilibrée pour le bien de la communauté internationale et de l’avenir de l’intelligence artificielle.

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