La Fed relève ses taux directeurs à 5,5%, un plus haut depuis 2000

La Réserve fédérale américaine (Fed) a de nouveau relevé ses taux directeurs de 0,25 point, les amenant désormais dans une fourchette de 5 à 5,5%. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis juin 2000. Cette décision reflète la volonté de la banque centrale de juguler l’inflation, qui reste supérieure à l’objectif de 2% malgré un léger reflux ces derniers mois.

Une inflation qui se modère, mais reste élevée

L’inflation aux États-Unis a atteint un pic à 9,1% en juin 2022, avant de refluer quelque peu pour s’établir à 6,5% en décembre. Certains y voient le signe que les hausses agressives de taux de la Fed commencent à porter leurs fruits.

Néanmoins, le président de la Fed Jerome Powell se veut prudent et préfère attendre des preuves plus solides que ce reflux est durable avant de relâcher la pression. En effet, certains effets de base devraient disparaître en 2023, et une remontée des prix de l’énergie ou une accélération des salaires pourraient facilement raviver les tensions inflationnistes.

La Fed cible une inflation de 2% à long terme, un niveau considéré comme sain pour l’économie. Après être restée inférieure à cet objectif pendant de nombreuses années, l’inflation a brusquement accéléré en 2021 sous l’effet de la reprise post-Covid et des goulots d’étranglement sur les chaînes d’approvisionnement. La guerre en Ukraine a aggravé la situation en faisant flamber les prix de l’énergie et des matières premières.

Pour ramener l’inflation vers la cible de 2%, la Fed a entrepris depuis mars 2022 un cycle de hausses de taux particulièrement soutenu, d’une ampleur inédite depuis les années 1980. Elle espère ainsi modérer la demande et desserrer les tensions sur l’offre.

Une économie encore résistante

Malgré le durcissement monétaire, l’économie américaine affiche encore une croissance relativement robuste autour de 2,5%. Le marché du travail demeure très dynamique, avec un taux de chômage proche de ses plus bas niveaux historiques à 3,5% et de nombreux postes non pourvus.

Les créations d’emplois restent soutenues, avec 223 000 emplois créés en décembre, plus que prévu. Le nombre d’inscriptions hebdomadaires au chômage reste à des niveaux très faibles. Toutefois, des signes montrent que le resserrement monétaire commence à refroidir le marché du travail, qui devrait se normaliser progressivement en 2023.

Les salaires progressent rapidement, à +6% en juin sur un an, ce qui alimente les craintes d’une boucle prix-salaires préjudiciable à l’inflation. La Fed cherche donc à provoquer un ralentissement suffisant pour assouplir le marché du travail et modérer les hausses de salaires, mais sans trop brider l’activité.

Faut-il aller plus loin dans le resserrement monétaire ?

Certains économistes jugent insuffisantes les hausses de taux opérées jusqu’à présent au vu de la vigueur persistante de la consommation et des marchés financiers aux États-Unis. Ils estiment que la Fed sous-estime les effets stimulants des politiques budgétaires expansionnistes menées parallèlement.

Le déficit public américain reste très élevé, autour de 1 000 milliards de dollars, ce qui maintient une pression à la hausse sur la demande. La politique budgétaire expansionniste peut ainsi contrarier les efforts de la politique monétaire pour freiner l’inflation.

D’autres mettent plutôt en avant le taux neutre, niveau théorique des taux compatible avec une inflation maîtrisée sur le long terme. Ce taux neutre reste toutefois difficile à estimer avec précision et fait l’objet de débats entre économistes.

La Fed marchera sur une ligne de crête en 2023, entre risque de récession si elle va trop loin et persistance d’une inflation élevée si elle ne resserre pas assez sa politique. Elle devra procéder avec doigté et s’adapter à l’évolution des données économiques.

La BCE sur la même ligne

La Banque centrale européenne (BCE) devrait comme attendu relever ses taux directeurs de 0,5 point cette semaine, poursuivant le resserrement entamé l’an passé face à l’inflation. Toutefois, un débat émerge au sein du conseil des gouverneurs sur l’ampleur nécessaire du resserrement à venir.

Certains jugent que les hausses déjà actées devraient suffire au vu du reflux de l’inflation et des risques de récession, notamment en Allemagne. D’autres mettent en avant l’appréciation récente de l’euro comme facteur modérateur des prix, qui plaide aussi pour une certaine retenue monétaire.

La BCE table sur un taux d’inflation de 5,2% en 2023 et 2,3% en 2024 dans la zone euro. Ses projections tablent sur une croissance de 0,5% cette année. L’enjeu sera de calmer la hausse des prix sans étouffer totalement l’activité économique.

La BCE devra trouver le juste équilibre entre maîtrise de l’inflation et préservation de la croissance dans la zone euro. Sa tâche est complexifiée par la diversité des situations entre pays membres.

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