Selon la climatologue Françoise Vimeux, les records successifs actuels ne sont pas étonnants dans un monde marqué par le changement climatique. Plus l’être humain réchauffe la planète, plus la palette des extrêmes s’élargit.
Depuis le début de la semaine, la température moyenne journalière à la surface de la planète atteint de nouveaux sommets. La Terre n’a jamais été aussi chaude. Quatre jours d’affilée, de nouveaux records se succèdent. Lundi 3 juillet, un premier record absolu datant d’août 2016 (16,80°C) a été battu pour s’établir à 16,88°C, selon l’agence européenne Copernicus. Mardi 4 juillet, la barre des 17°C a été franchie pour la première fois, avec 17,03°C, d’après la même source. Le thermomètre s’est stabilisé mercredi, avant de monter encore d’un cran jeudi 6 juillet, à 17,23°C, selon le site Climate Reanalyzer. Cette flambée intervient de manière précoce, au début de la saison habituellement la plus chaude sur la planète : de juin à fin août. Déjà, juin 2023 avait été de loin le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre, et juillet semble commencer de manière encore plus ardente. De quoi alarmer le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui estime que «la situation actuelle est la preuve que le changement climatique est hors de contrôle». Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), explique au contraire que ces envolées sont dans les clous des projections climatiques.
Des Températures Records : Quelle Signification ?
En début de semaine, la température moyenne à la surface de la planète a atteint un niveau record. Une température absolue supérieure à 17 °C, c’est exceptionnel. Mais il ne s’agit pas d’une anomalie. L’écart à la normale, si on prend pour référence le début du XXe siècle, est de 1,5 °C. Une telle déviation pendant quelques jours s’est déjà produite, par exemple en février 2016, et ponctuellement, au printemps 2020. Par ailleurs, si la température planétaire dépasse ponctuellement les normales de 1,5 °C, cela ne signifie pas que la barre des 1,5 °C de réchauffement climatique [mentionnée dans l’accord de Paris, ndlr] a été franchie. Pour ce faire, il faudrait que, durant une période longue de vingt à trente ans, la température moyenne globale reste au-dessus de 1,5 °C. Autrement dit, au-dessus de 1,5 °C une année sur deux. Nous n’en sommes pas encore là [le réchauffement est pour l’heure de +1,2 °C].
Des Records Prévisibles dans un Contexte de Réchauffement Climatique
On s’étonne médiatiquement de ces records mais nous sommes dans un contexte de réchauffement climatique où, année après année, la température globale augmente, et surtout la gamme des possibles pour les températures extrêmes s’élargit vers le haut. Les extrêmes observés aujourd’hui n’étaient pas possibles il y a vingt ou trente ans. Il est donc presque normal de voir ces records battus dans le contexte d’un climat qui change. Cela va se produire à l’avenir dans différents endroits du monde et, à chaque fois, on se dira : «mince ça s’emballe», or probablement pas. On est juste sur la ligne des projections climatiques : les impacts du réchauffement s’intensifient et les records sont plus fréquents partout dans le monde. Plus on réchauffe notre système climatique, plus on le modifie. Or, au-delà d’un certain niveau de températures, il devient impossible de s’adapter, notamment dans les pays en développement, très vulnérables. C’est pourquoi il faut limiter le réchauffement.
Un Changement Climatique Maîtrisable
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, estime que «la situation actuelle est la preuve que le changement climatique est hors de contrôle». Il se trompe donc ? Ces records sont clairement liés au contexte du changement climatique. Mais il n’y a pas d’emballement, ce n’est pas «hors de contrôle», on n’a pas franchi un point de bascule. Dans le système climatique, il y a des seuils, c’est-à-dire qu’au-delà de certains niveaux de température – qu’on a du mal à définir –, on pourrait avoir un dépérissement de la forêt amazonienne ou encore une déstabilisation des calottes glaciaires. Comme ces éléments jouent un rôle important, s’ils se déstabilisent, ils modifieront profondément le climat. Mais ça n’est pas le cas actuellement.
Précocité des Records : Une Conséquence du Réchauffement Climatique
Elle n’est pas étonnante non plus. La saison estivale s’allonge en raison du changement climatique ; toutes les saisons se réchauffent et des records peuvent être battus. Les étés vont être de plus en plus chauds, des canicules vont se superposer, avec des températures inédites. Les vagues de chaleur vont être plus intenses, plus fréquentes et plus précoces, comme l’an dernier avec une première vague à la mi-juin. D’ailleurs, l’été 2022 est un exemple parlant : à l’horizon 2050, un tel été sera normal et à l’horizon 2100, ce sera un été froid.
Combinaison du Changement Climatique et d’El Niño
Juin 2023 a aussi été le mois le plus chaud jamais enregistré, peut-on parler d’effet combiné du changement climatique et du retour du phénomène naturel El Niño ? LL’événement El Niño a démarré il y a quelques semaines mais il atteindra son paroxysme en fin d’année et en début d’année 2024. Les répercussions sont donc faibles à l’échelle globale actuellement. Si on décortique les causes, on a surtout des océans très chauds. Certes dans le Pacifique, c’est dû à El Niño, mais l‘océan Atlantique de l’hémisphère nord affiche des températures particulièrement élevées. C’est frappant. Dans cette zone, l’anomalie a été de +1,4 °C sur l’ensemble du mois de juin par rapport à la moyenne 1991-2020. C’est un record battant de très loin les anomalies précédentes qui n’excédaient pas 0,6 °C. Le long des côtes européennes, il y a notamment eu de très fortes anomalies du nord du Royaume-Uni au sud de l’Espagne.
La chaleur est donc principalement due au réchauffement de l’Atlantique nord ? Oui, la température globale de la planète reflète principalement ce qu’il se passe dans les océans. Mais sur les continents, la température a aussi été élevée, avec des vagues de chaleur intenses en Chine, au Mexique, au Canada. Quand on fait la moyenne de tout ça, on obtient un mois de juin record sur Terre. Au final, l’anomalie pour tout le mois de juin sur la planète est de +0,53°C, devant le précédant record de +0,4°C en 2019. Parler de quelques centièmes en plus peu sembler anecdotique mais c’est très significatif à l’échelle du globe. Par ailleurs, un autre record concerne la banquise autour de l’Antarctique dont l’extension a atteint un minimum historique, cela me frappe, c’est très remarquable, même si on en parle moins.
Les records de début juillet peuvent-ils être le signe que l’épisode El Niño va être particulièrement puissant ? Non. El Niño contribue très certainement à la chaleur actuelle mais il faudra déterminer précisément à quelle hauteur. Le Pacifique est certes plus chaud que d’habitude, mais on ne sait pas si juillet et août seront du même acabit. Il n’est pas possible de dire quelle sera l’intensité d’El Niño à la fin de l’année et ce qui se passe aujourd’hui n’en dit rien.
Conclusion : Agir pour Lutter contre le Réchauffement Climatique
En conclusion, les records de chaleur actuels sont prévisibles dans le contexte du réchauffement climatique. Ils reflètent une tendance à long terme d’augmentation des températures mondiales et confirment l’élargissement des extrêmes climatiques. Bien que la situation soit alarmante, il est essentiel de comprendre que nous ne sommes pas encore dans une situation où le changement climatique serait hors de contrôle. Il existe des seuils à ne pas franchir, au-delà desquels des conséquences irréversibles pourraient se produire. Il est donc crucial de prendre des mesures pour limiter le réchauffement climatique et préserver notre planète pour les générations futures.