Retards et coûts croissants : Le parcours tumultueux du projet Iter
Le réacteur expérimental thermonucléaire international, plus communément appelé Iter, traverse une période difficile. Le projet ambitieux, soutenu par 33 pays dont la Suisse, vise à prouver la faisabilité de la fusion contrôlée des noyaux atomiques comme source d’énergie. La finalité ultime serait de mettre au point des réacteurs de fusion commerciaux.
Selon le calendrier officiel, Iter devait commencer les expérimentations en 2025 et dix ans plus tard, être alimenté par un mélange fusionnable de deutérium et de tritium. Cependant, les défis techniques rencontrés au cours de la construction du réacteur ont entraîné de nombreux retards. Les responsables restent discrets sur la question et promettent de présenter un nouveau calendrier ainsi qu’un plan de coûts révisés l’année prochaine. Néanmoins, des documents internes récemment publiés par le magazine scientifique américain « Scientific American » révèlent un retard d’au moins trois ans pour le projet international.
Une hausse constante du coût du projet Iter
Inévitablement, ces retards entraînent une augmentation des coûts. Le budget initial de 6 milliards d’euros consacré à la construction d’Iter semble désormais bien lointain. Les dernières estimations se chiffraient à 20 milliards d’euros, mais même ce chiffre semble maintenant dépassé. Il est à craindre que les retards supplémentaires ajoutent encore des milliards d’euros à la facture.
Iter n’est pas un cas isolé
L’augmentation des coûts des grands projets scientifiques et techniques n’est malheureusement pas un phénomène nouveau. La NASA a dû puiser profondément dans les fonds publics pour développer sa fusée lunaire et le télescope James Webb. Toutefois, ces projets ont finalement atteint leur ligne d’arrivée, ce qui n’est pas encore le cas pour Iter. Jusqu’à présent, les gouvernements qui financent le projet n’ont pas coupé les fonds, mais il reste à voir s’ils maintiendront leur engagement financier par conviction ou par crainte de devoir renoncer à des sommes d’argent considérables.
L’horizon lointain de la fusion nucléaire commerciale
La perspective que la fusion nucléaire puisse ne contribuer à la production d’électricité commerciale qu’après 2050 suscite des inquiétudes non seulement parmi les politiciens, mais aussi dans la communauté scientifique. Récemment, dans un essai, le président d’Eurofusion (la fédération des institutions de recherche sur la fusion en Europe) a plaidé pour une révision du plan de recherche sur la fusion en Europe. Selon Ambrogio Fasoli, au lieu d’attendre qu’Iter atteigne ses objectifs, la planification du réacteur de démonstration qui succédera à Iter devrait être accélérée. Ce dernier devrait être capable de produire son propre combustible et de convertir la chaleur dégagée par la fusion en électricité.
Des entreprises privées veulent accélérer le processus
Bien qu’Eurofusion continue de soutenir le projet Iter, d’autres chercheurs en fusion ont perdu patience et ont pris des initiatives indépendantes. Ces dernières années, de nombreuses startups se sont créées avec pour objectif de commercialiser la fusion nucléaire plus rapidement. Certaines de ces entreprises ont annoncé la construction de réacteurs capables de produire de l’électricité dès les années 2030.
Il est important de considérer ces promesses avec scepticisme car elles visent avant tout à attirer les investisseurs. Néanmoins, ces entreprises privées représentent une concurrence sérieuse pour Iter. Leur avantage réside dans leur structure organisationnelle légère et leur volonté de prendre des risques. Elles ne sont pas entravées par les structures décisionnelles opaques qui ont retardé la construction du réacteur expérimental.
Bien sûr, cela ne garantit pas le succès, mais l’exemple de l’industrie spatiale montre qu’il ne faut pas sous-estimer l’initiative privée. Il y a vingt ans, la NASA dominait le domaine du vol spatial habité. Aujourd’hui, l’agence spatiale américaine s’adresse à des entreprises comme SpaceX pour transporter ses astronautes vers la Station spatiale internationale ou la Lune. Pour l’organisation Iter, c’est un avertissement. Si elle ne trouve pas rapidement le chemin du succès, les découvertes que l’on espère d’Iter pourraient arriver trop tard.