Une décision ambivalente
La Banque nationale suisse (BNS) a décidé d’augmenter son taux directeur de 25 points de base, envoyant ainsi un signal ambivalent. Bien que l’inflation en Suisse soit en baisse, la BNS resserre sa politique monétaire et relève son taux directeur. Elle laisse également entendre que le sommet des taux n’a pas encore été atteint.
La question avant cette évaluation de la situation monétaire n’était pas de savoir si la Banque nationale suisse augmenterait son taux directeur, mais dans quelle mesure. Au cours des derniers mois, la BNS a clairement indiqué la nécessité de resserrer davantage la politique monétaire pour lutter contre l’inflation.
Une petite augmentation des taux
La BNS n’a pas déçu les attentes. Après trois augmentations de taux de 50 points de base et une de 75 points de base, elle a augmenté son taux directeur pour la cinquième fois consécutive, cette fois-ci de 25 points de base, le portant à 1,75%. Depuis le début du cycle de hausse des taux il y a un an, lorsque le taux directeur était encore fortement négatif à -0,75%, le taux a donc déjà augmenté de 2,5 points de pourcentage.
C’est une progression significative en seulement douze mois. Cependant, la dernière mesure prise jeudi semble un peu modérée. En effet, avant la décision monétaire, aucun consensus clair ne s’était formé sur le marché quant à une augmentation du taux directeur de 0,25 ou de 0,5 point de pourcentage. La BNS a finalement opté pour le plus petit des deux pas.
La diminution de la vitesse des hausses de taux peut être partiellement justifiée par les progrès récents dans la lutte contre l’inflation. L’inflation, qui avait atteint un pic de 3,5% jusqu’en mai de cette année, est redescendue à 2,2%. Cette baisse plus importante que prévu rapproche l’inflation de l’objectif de la BNS, qui vise une fourchette de 0 à 2%, synonyme de stabilité des prix.
Un signal ambivalent
Pourtant, le signal reste ambivalent. Bien que la longueur des pas en matière de politique monétaire soit réduite, la BNS se montre plus préoccupée par l’évolution de l’inflation qu’auparavant. Pour l’année en cours, elle a révisé légèrement à la baisse sa prévision conditionnelle d’inflation, qui tablait sur un maintien du taux directeur. Ainsi, on prévoit désormais une inflation de 2,2% au lieu de 2,6%, ce qui s’explique par la baisse des prix du pétrole et du gaz ainsi que par la vigueur du franc suisse.
En revanche, les nouvelles prévisions d’inflation pour la période à partir de 2024 sont plus élevées qu’en mars. À l’époque, on prévoyait une inflation annuelle moyenne de 2,0% pour 2024 et 2025, tandis qu’aujourd’hui, on prévoit respectivement 2,2% et 2,1%. Ainsi, l’inflation reste supérieure à la fourchette cible sur toute la période de prévision. La BNS justifie cela, entre autres, par l’augmentation des prix de l’électricité et des loyers ainsi que par la persistance de pressions inflationnistes étrangères.
Dans ce contexte, la question se pose de savoir pourquoi la BNS a ralenti le rythme de sa politique monétaire en prévision d’une hausse de l’inflation. Le président de la BNS, Thomas Jordan, a répondu à cette question en déclarant que lors de l’évaluation de la situation, les risques de différentes mesures avaient été pris en compte et qu’il avait été conclu qu’une approche graduelle avec une augmentation de 25 points de base était actuellement appropriée. Dans trois mois, la situation devra cependant être réévaluée.
De nombreux signes indiquent qu’en septembre, le taux directeur sera à nouveau augmenté. Cela ne découle pas seulement des prévisions d’inflation, qui signalent que le taux directeur en vigueur ne sera pas suffisant pour ramener l’inflation sous les 2%. Jordan a également ajouté : « Il n’est pas exclu que des hausses de taux supplémentaires soient nécessaires pour garantir la stabilité des prix à moyen terme ». Dans le langage nuancé des banquiers centraux, cela constitue déjà une déclaration assez explicite.
Le sommet des taux n’a donc probablement pas encore été atteint en Suisse, et il est très probable que le taux directeur atteindra 2% à l’automne. Tout autre résultat serait surprenant. Jordan a souligné que les augmentations de coûts pouvaient toujours être facilement répercutées sur les prix et que de nombreux biens et services domestiques connaissaient des effets de second tour persistants. Il existe donc un risque que l’inflation se stabilise au-dessus de 2%.
Pour éviter cela, un resserrement supplémentaire se profile. Cependant, des taux directeurs plus élevés entraînent également une hausse des taux hypothécaires et donc du taux de référence pour les loyers. Une augmentation des loyers entraîne à son tour une augmentation supplémentaire de l’inflation. Interrogé sur cette complexité, Jordan a déclaré que cette rétroaction ne devait pas être une raison de renoncer aux hausses de taux nécessaires. Sinon, il y a un risque que l’inflation se stabilise et que des hausses de taux beaucoup plus importantes soient nécessaires à l’avenir.
Successeur de Maechler non désigné
En plus de la question de la façon de ramener l’inflation dans la fourchette cible, la BNS s’intéresse également à la future direction. Andréa Maechler, membre du directoire, a annoncé en mars qu’elle quitterait la BNS fin juin pour devenir directrice générale adjointe à la Banque des règlements internationaux (BRI). Le successeur de cette Genevoise d’origine n’a pas encore été désigné. La pression publique est forte pour que la Suisse romande et/ou les femmes continuent d’être représentées au sein du directoire composé de trois membres.