Un succès sans précédent pour les livrets réglementés
Le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) ont connu une collecte record au premier trimestre 2023. Les chiffres sont étonnants : 20 milliards d’euros en trois mois, dont près de 20 milliards sur le seul Livret A. Selon le Cercle de l’Épargne, ce succès inquiète les banquiers et les assureurs, mais suscite des convoitises du côté du gouvernement, qui cherche des moyens de financer son plan de transition énergétique.
Ce phénomène est encouragé par la rémunération attractive des livrets réglementés, comme le Livret A, dont la rémunération a été fixée à 3 % depuis le 1er février 2023. C’est un taux considéré comme un seuil psychologique qui incite les ménages à réfléchir à l’allocation de leur épargne. Les dépôts bancaires sont ainsi arbitrés en faveur des livrets réglementés, et les dépôts continuent d’affluer.
Le mouvement de balancier de l’épargne en faveur des livrets est loin d’être terminé. Les dépôts sont encore bien garnis, et le Livret A est encore loin d’être au plafond (22 950 euros). Près de 8 % des livrets étaient au plafond fin 2022, un pourcentage qui pourrait grimper à 10 % au premier trimestre de cette année. L’encours moyen du Livret A est actuellement de 5 500 euros.
Les inquiétudes des banquiers et des assureurs-vie
Ce mouvement de fond en faveur des livrets réglementés inquiète les banquiers et les assureurs-vie. Les banquiers voient le coût de leurs ressources augmenter et leurs dépôts à vue fondre, sans pouvoir ajuster aussi fortement leur actif (les crédits) aux nouvelles conditions de marché. Les réseaux traditionnels de collecte des livrets, comme les Caisses d’Épargne (BPCE), La Banque Postale et le Crédit Mutuel, sont les plus touchés. Le groupe BPCE avait déjà avancé un manque à gagner en termes de produit net bancaire de 700 millions d’euros en 2022.
Pour les assureurs-vie, la grande peur est d’observer des retraits massifs sur le fonds en euros de l’assurance-vie, dont le rendement moyen est de 2 % en 2022, pour alimenter des livrets mieux rémunérés.
Le gouvernement à l’affût de ces fonds
Le gouvernement, quant à lui, est à l’affût de ces fonds pour financer la transition énergétique et le renouvellement du parc nucléaire. En effet, le coût de ce chantier ambitieux de six réacteurs nouvelle génération EPR2 est estimé par EDF à 51,7 milliards d’euros (hors coûts de financement, alors que les taux oscillent entre 4 et 6% sur les marchés). Dans ce contexte, la création d’un « livret vert jeune » dédié à la « décarbonation » de l’économie est prévue dans le projet de loi sur « l’industrialisation verte ».
Toutefois, cette idée est loin de faire l’unanimité et suscite de nombreuses interrogations. Certains assureurs-vie s’inquiètent notamment des retraits massifs sur le fonds en euros de l’assurance-vie pour alimenter des livrets mieux rémunérés. D’autres estiment que l’État n’a pas besoin d’un fléchage public de l’épargne et que les acteurs financiers ont déjà intégré la dimension de la transition énergétique dans leurs comités d’allocation d’actifs.
Malgré ces inquiétudes, le gouvernement continue de se montrer intéressé par les fonds collectés sur les livrets réglementés. En janvier dernier, Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts, avait indiqué lors d’une audition à l’Assemblée nationale, réfléchir avec EDF et l’État sur la façon de structurer le financement du programme nucléaire.
Cette tendance à la hausse de la collecte sur les livrets réglementés est-elle durable ? L’État va-t-il finir par instaurer un livret vert jeune pour financer la transition énergétique ? Les banques vont-elles réussir à limiter la facture liée aux hausses successives de taux du Livret A ? Les réponses à ces questions dépendront des décisions politiques et économiques à venir.
En attendant, les épargnants français continuent d’opter massivement pour les livrets réglementés, et en particulier pour le Livret A, en quête d’une rémunération supérieure à celle proposée par les banques traditionnelles. Les banques, de leur côté, tentent de limiter la facture pour éviter de plomber leurs finances. Le débat sur la rémunération des livrets réglementés ne fait que commencer.
Conclusion
En somme, la collecte record des livrets A et LDDS au premier trimestre 2023 suscite des inquiétudes chez les banquiers et les assureurs-vie, mais également de l’intérêt du côté du gouvernement. Cette tendance à la hausse est-elle durable ? L’État va-t-il instaurer un livret vert jeune pour financer la transition énergétique ? Les banques vont-elles réussir à limiter la facture liée aux hausses successives de taux du Livret A ?
Les réponses à ces questions dépendront des décisions politiques et économiques à venir. Dans tous les cas, les épargnants français continuent de privilégier les livrets réglementés, et en particulier le Livret A, pour leur offrir une rémunération supérieure à celle proposée par les banques traditionnelles. Le débat sur la rémunération des livrets réglementés ne fait que commencer.