Vague de licenciements chez Novartis et Roche : les spécialistes hautement qualifiés particulièrement touchés

Introduction

L’industrie pharmaceutique suisse est confrontée à une hémorragie de talents. En raison des réorganisations chez Novartis, Roche et la société de biotechnologie Idorsia, près de 1000 emplois sont menacés de disparition. Il s’agit presque exclusivement de postes occupés par des professionnels hautement qualifiés.

La Suisse, leader mondial de l’industrie pharmaceutique

La Suisse fait partie des leaders mondiaux de l’industrie pharmaceutique. Dans le classement mondial 2023 de la société d’études de marché BAK Economics, elle se hisse à nouveau à la troisième place, derrière l’Irlande et les États-Unis. Elle le doit principalement à la haute valeur ajoutée générée par les entreprises pharmaceutiques grâce à une intense activité de recherche et à la production de médicaments innovants à prix élevé.

Un coup dur pour la recherche en Suisse

Les suppressions massives d’emplois récemment annoncées par les deux plus grands groupes pharmaceutiques suisses, Roche et Novartis, ainsi que par Idorsia, en difficulté financière, ne cadrent pas avec cette image. Les mesures de réduction concernent toutes le domaine de la recherche et développement (R&D) et totalisent environ 1000 emplois, soit plus de 8% des quelque 12 000 postes comptabilisés par Interpharma en 2021 dans les fonctions R&D en Suisse.

Fin octobre dernier, Idorsia a annoncé avoir supprimé environ 475 postes à son siège d’Allschwil, près de Bâle. La majorité de ces suppressions concernait le domaine de la R&D et les fonctions support associées, selon le communiqué de presse de l’entreprise pour le troisième trimestre.

Début février 2024, Roche a annoncé la suppression d’une centaine de postes sur 1500 dans le développement de produits en Suisse. Chez Novartis, comme révélé la semaine dernière, 400 à 440 postes disparaissent dans le développement.

Roche doit s’affiner

Dans les entreprises pharmaceutiques, le développement comprend les activités qui suivent la découverte de nouvelles substances actives, comme les essais cliniques sur des patients, la collaboration avec les autorités d’approbation ou le développement de méthodes de production et d’administration des nouveaux médicaments. Les emplois supprimés concernent donc presque exclusivement des professionnels hautement spécialisés, souvent titulaires d’un diplôme universitaire.

Roche souligne qu’il réduit ses effectifs dans le développement de produits non seulement en Suisse, mais dans le monde entier. Le groupe a pris du poids ces dernières années, comme l’admet volontiers son siège. Pour rester compétitif face à des concurrents plus rapides, le département du développement doit apparemment s’affiner. À l’échelle mondiale, 340 postes sur 5700 sont supprimés. Un premier programme de remise en forme avait déjà été lancé il y a trois ans, entraînant la suppression de 300 postes.

Novartis se développe en Autriche, Slovénie et Inde

Chez Novartis, les mesures de réduction dans le développement touchent de manière disproportionnée la Suisse. À l’échelle mondiale, seuls 1 à 2 % des emplois disparaissent dans ce domaine. Cela s’explique par le fait que Novartis souhaite également créer des emplois sur différents sites. Les deux usines autrichiennes de Kundl et Schaftenau peuvent ainsi s’attendre à une augmentation de leurs effectifs, tout comme les sites en Slovénie et à Hyderabad en Inde.

D’autres embauches sont prévues au Royaume-Uni (Londres) et en Irlande (Dublin). Novartis souhaite y recruter principalement des spécialistes de l’analyse de données et des statisticiens – des professionnels qu’il n’est pas possible de trouver aussi rapidement ailleurs à court terme, explique un porte-parole.

Tout comme Roche, Novartis ne veut pas que la réorganisation dans le développement soit perçue comme un exercice d’économies. Il s’agit plutôt de regrouper les compétences sur des sites où elles sont déjà présentes, explique l’entreprise.

Le retard de la Suisse en matière de numérisation se paie

Comme la plupart des groupes pharmaceutiques, Novartis cherche à mieux exploiter les possibilités de la numérisation. Une meilleure analyse des données permettrait par exemple de recruter plus rapidement et de manière plus ciblée des patients pour les essais cliniques.

Les fabricants de médicaments ont longtemps eu la réputation d’être plutôt à la traîne en matière de numérique. Or, la Suisse ne fait justement pas partie des leaders dans ce domaine. Les observateurs du marché de BAK Economics soulignent depuis longtemps que la Suisse doit améliorer la pénétration numérique de son système de santé pour ne pas perdre davantage de terrain par rapport à des nations de pointe comme les États-Unis. Ils ont récemment décerné un bon bulletin au Royaume-Uni en matière de numérisation. Le fait que Novartis cherche des spécialistes des données à Londres n’est donc probablement pas un hasard.

Bâle-Ville réagit calmement

Les suppressions d’emplois chez Novartis et Roche concernent principalement le canton de Bâle-Ville. Le siège d’Idorsia, dans la commune d’Allschwil à Bâle-Campagne, se trouve également à proximité du canton-ville.

« Nous regrettons chaque suppression d’emploi et attendons particulièrement des grandes entreprises qu’elles soutiennent les personnes concernées avec un plan social généreux », déclare Samuel Hess, responsable de l’économie à l’Office de l’économie et du travail de Bâle-Ville. Dans le même temps, le haut fonctionnaire, également responsable de la promotion économique, ne voit aucune raison de douter de l’attractivité de Bâle et du reste de la Suisse pour les entreprises pharmaceutiques. L’ensemble du secteur se caractérise par une forte dynamique, qui se reflète non seulement dans l’implantation de nouvelles entreprises, mais aussi dans les investissements importants des fournisseurs existants.

Conclusion

Malgré ces suppressions d’emplois, l’industrie pharmaceutique suisse reste un pilier essentiel de l’économie nationale. Sa capacité d’innovation, ses investissements conséquents et son rayonnement international lui permettent de rester compétitive face à une concurrence mondiale accrue. Toutefois, pour maintenir son leadership, la Suisse devra relever certains défis, notamment en matière de numérisation et d’attractivité pour les talents hautement qualifiés. Les cantons et la Confédération ont un rôle clé à jouer pour soutenir cette industrie stratégique et préserver les emplois et le savoir-faire sur le territoire helvétique.

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