Guillaume Faury, le PDG d’Airbus, tire la sonnette d’alarme
Dans une interview accordée aux « Echos » en partenariat avec le quotidien allemand « Handelsblatt », le patron d’Airbus, Guillaume Faury, évoque la réorganisation du groupe et met en lumière les défis majeurs auxquels l’industrie aéronautique est confrontée. Cette réorganisation voit Christian Scherer prendre la direction générale de la branche avions commerciaux, permettant à Guillaume Faury de se concentrer sur les enjeux stratégiques. Faury exprime notamment ses préoccupations quant au retard pris par l’Europe par rapport aux États-Unis en matière de carburants d’aviation durables, ce qui pourrait affecter la compétitivité de l’industrie européenne.
Une réorganisation nécessaire pour faire face à une complexité croissante
Après avoir dirigé à la fois le groupe Airbus et la branche avions commerciaux pendant quatre ans, Guillaume Faury cède les rênes de l’entreprise à Christian Scherer. Cette décision vise à mieux gérer les défis de plus en plus complexes qui se posent à Airbus, en particulier dans le contexte actuel, marqué par la crise israélienne et les actes terroristes. La réorganisation permettra de créer une équipe dédiée aux opérations et une autre axée sur les enjeux géopolitiques, la transformation écologique et numérique de l’entreprise.
Christian Scherer prend la direction générale de la branche avions commerciaux
Guillaume Faury, désormais président exécutif du groupe Airbus, se concentre sur les questions stratégiques, tandis que Christian Scherer prend la responsabilité des opérations et de la gestion des résultats de la branche avions commerciaux. Cette décision vise à assurer une direction à 100 % dédiée aux défis opérationnels, notamment la montée en cadence de la production et la gestion des chaînes d’approvisionnement.
Les défis de la montée en cadence de la production
Airbus maintient ses objectifs de production, mais la complexité de l’environnement industriel et la crise au Proche-Orient ont rendu la situation plus difficile. La montée en cadence de la production d’avions, notamment des A321 à long rayon d’action, représente un défi majeur. Pour y faire face, Airbus devra adapter son système de production et développer de nouvelles capacités.
La compétition avec Boeing et la part de marché d’Airbus
Airbus a réussi à maintenir une part de marché d’environ 60 % face à son concurrent américain Boeing. Cependant, l’évolution future de ces parts de marché dépendra de la capacité à livrer les avions et à monter en cadence. La demande pour les avions A320 reste forte, mais les retards de livraison pourraient affecter la demande à long terme.
Les enjeux de la transition énergétique de l’aviation
La transition énergétique de l’aviation est un défi majeur pour Airbus et toute l’industrie aéronautique. Guillaume Faury s’inquiète du retard pris par l’Europe par rapport aux États-Unis dans le développement de carburants d’aviation durables (CAD) et de l’hydrogène. Les États-Unis ont alloué des financements importants pour accélérer le développement des CAD, tandis que l’Europe adopte une approche plus réglementaire. Faury souligne la nécessité d’investissements européens plus importants pour combler ce retard.
Les carburants d’aviation durables : un défi à relever
Le développement des carburants d’aviation durables (CAD) est essentiel pour réduire l’empreinte carbone de l’aviation. L’Europe, malgré sa réglementation en la matière, avance moins rapidement que les États-Unis dans ce domaine. Guillaume Faury explique que les différences d’approche entre les deux continents s’expliquent par le contexte historique et économique. Les subventions américaines ont permis de réduire le coût des CAD, tandis que les coûts élevés en Europe freinent leur adoption.
Accélérer le développement des carburants d’aviation durables en Europe
Pour sortir de ce cercle vicieux, l’Europe doit investir davantage dans la recherche et le développement des CAD, tout en soutenant financièrement leur adoption par les compagnies aériennes. Les subventions américaines ont montré leur efficacité pour rendre les CAD compétitifs. L’Europe doit suivre cet exemple pour favoriser la transition énergétique de l’aviation.
L’importance de la décarbonation de l’aviation
Guillaume Faury souligne que la décarbonation de l’aviation est essentielle pour répondre à l’urgence climatique. Cependant, il insiste sur le fait qu’arrêter complètement les activités aériennes n’est pas une solution réaliste. La transition énergétique nécessite d’importants investissements et du temps pour transformer le système énergétique. Il rappelle que la majorité des gens, même en Occident, continuent de voler, ce qui rend nécessaire la recherche de solutions durables pour l’aviation.
Les projets d’innovation et les futurs avions d’Airbus
Airbus a deux grands projets d’innovation en cours. Le premier concerne le remplacement de la génération actuelle d’avions monocouloirs, avec un nouvel avion prévu pour la prochaine décennie. Ce projet implique des décisions cruciales sur l’architecture et les moteurs, notamment l’utilisation potentielle de moteurs à aube de soufflante non carénée (« open fan ») pour réduire la consommation de carburant. Airbus travaille en partenariat avec CFM sur cette technologie.
Vers un avion à hydrogène en 2035
Le deuxième projet majeur d’Airbus est le développement d’un avion à hydrogène qui devrait entrer en service en 2035. Cet avion offrira un carburant totalement décarboné grâce à l’hydrogène « vert ». Le projet implique le développement de nombreuses technologies, notamment le stockage de l’hydrogène et les moteurs électriques. Airbus s’efforce également de concevoir des outils de production adaptés à
cette nouvelle génération d’avions.
Deux nouveaux avions en préparation
En résumé, Airbus prévoit de lancer deux nouveaux avions dans les années à venir : un successeur pour l’A320 et un avion à hydrogène. Ces deux projets représentent des défis technologiques majeurs, mais Airbus est déterminé à rester à la pointe de l’innovation dans l’industrie aéronautique.
Airbus, un acteur majeur de la défense en Europe
Guillaume Faury insiste sur le rôle d’Airbus en tant qu’acteur majeur de la défense en Europe. Malgré un chiffre d’affaires relativement faible par rapport aux géants américains de la défense, Airbus joue un rôle clé dans la coopération européenne en matière de systèmes de combat et d’armement. Faury est convaincu que la coopération entre les pays européens est essentielle pour garantir la souveraineté et la sécurité de la région.
La nécessité d’une politique d’exportation commune en Europe
L’absence de règles communes d’exportation d’armements en Europe pose des défis à la coopération. Les décisions de certains pays, comme l’Allemagne, de restreindre les exportations d’armes ont des répercussions sur la coopération européenne. Guillaume Faury plaide en faveur d’une politique d’exportation plus harmonisée en Europe pour faciliter la coopération et préserver les chaînes de production.
Le défi d’Ariane 6 face à SpaceX
En ce qui concerne le secteur spatial, Guillaume Faury évoque les défis auxquels est confronté Ariane 6, notamment la concurrence féroce de SpaceX. Airbus demande une subvention d’exploitation annuelle pour Ariane 6 afin de garantir sa viabilité face à la concurrence américaine. Faury souligne l’importance d’assurer un accès autonome à l’espace pour l’Europe, malgré les défis économiques posés par SpaceX.
L’avenir de l’industrie aérospatiale et spatiale européenne
En conclusion, Guillaume Faury met en lumière les défis et les opportunités qui se présentent à l’industrie aérospatiale et spatiale européenne. L’Europe doit investir dans l’innovation, accélérer la transition énergétique de l’aviation et renforcer la coopération pour rester compétitive sur la scène mondiale. Airbus est déterminé à jouer un rôle clé dans cet avenir passionnant.