Le gouvernement japonais voit l’hydrogène comme la solution à l’insécurité énergétique, tout en minimisant les effets environnementaux
C’est une véritable révolution qui est en train de se produire dans les rues de l’Asie. Les adolescents pourraient très prochainement se déplacer sur des scooters alimentés à l’hydrogène. Un centre de recherche consacré à ce type de mobilité a été créé par les quatre grands noms japonais de la moto, à savoir Yamaha, Kawasaki, Suzuki et Honda. Ceux-ci dominent plus de la moitié du marché mondial. Leur objectif : rendre accessible une nouvelle génération d’énergie propre, terrestre et marine, selon Yoshihiro Hidaka, le président de Yamaha.
Le centre de recherche, baptisé « Hyse » (Hydrogen Small Mobility & Engine Technology), a reçu l’aval du ministère de l’Industrie (Meti). Cela s’inscrit dans un plan de développement colossal de l’hydrogène dévoilé par le gouvernement japonais cette semaine.
Un objectif ambitieux : sextupler la consommation d’hydrogène d’ici 2040
L’objectif fixé par Tokyo est audacieux. Le gouvernement prévoit d’investir 15.000 milliards de yens, soit environ 100 milliards d’euros, provenant des fonds publics et privés, sur une période de quinze ans. Ce financement servira à créer un réseau d’approvisionnement international et à diversifier l’utilisation de l’hydrogène dans le pays. À l’heure actuelle, le Japon consomme 2 millions de tonnes d’hydrogène par an. « Notre ambition est d’atteindre 12 millions de tonnes en 2040 », a annoncé Yasutoshi Nishimura, le ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie.
Tokyo envisage de favoriser l’utilisation d’hydrogène et d’ammoniac dans divers domaines tels que l’industrie lourde (par exemple, la production d’acier), le secteur résidentiel, la mobilité et la cogénération (mélangé à du gaz naturel) dans ses centrales électriques. Le pays prévoit d’importer la majeure partie de son hydrogène. Hitomi Komachi, une partenaire au cabinet Allen & Overy, souligne que « le plan de soutien et de subventions du Japon n’est pas exclusivement réservé aux projets nationaux, mais s’étend également à la production et au transport d’hydrogène à l’étranger ».
Un investissement massif dans les énergies de demain
Le gouvernement conservateur de Fumio Kishida envisage de mobiliser 60 milliards d’euros de fonds publics sur dix ans. Cet investissement a pour but de propulser les grandes entreprises industrielles japonaises et leurs technologies en Australie, en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Ces fonds permettront de soutenir de nombreux sites de production d’hydrogène, souvent par des procédés très polluants.
Une partie de l’hydrogène sera « verte », produite à partir d’énergies renouvelables. Cependant, l’essentiel sera encore « bleu » – issu d’énergies fossiles, mais avec des technologies de captage du CO2 -, et surtout « gris » – fabriqué à partir de charbon ou de gaz et sans captage. Yuko Nishida, chercheuse au Renewable Energy Institute, déplore que « le Japon considère l’hydrogène comme un carburant supplémentaire, au même titre que le charbon, le pétrole ou le gaz, et non comme un moyen de réduire drastiquement son empreinte carbone globale ».
La route vers un avenir énergétique propre
Yuko Nishida souligne également que le pays, sous la pression de ses lobbies industriels, continue d’investir des sommes massives de fonds publics dans des secteurs où l’hydrogène, en raison de son coût et de sa complexité, n’apparaît plus comme une solution optimale. « Ces montants auraient été beaucoup plus efficaces dans le développement d’énergies renouvelables directement au Japon », remarque Yuko Nishida.
Cependant, les retards conséquents des plans précédents relatifs à l’hydrogène au Japon dans la mobilité et le secteur résidentiel sont notables. À la fin des années 2010, Tokyo prévoyait que 200.000 véhicules fonctionnant sur des piles à combustibles parcourraient ses routes en 2025. À l’heure actuelle, ce nombre est inférieur à 8.000.
Malgré ces retards, le Japon reste déterminé à devenir un leader mondial de l’hydrogène, un enjeu crucial pour l’avenir énergétique du pays et du monde.
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