La Quête Historique de l’Éthiopie pour un Accès à la Mer
Un Défi Géographique et Historique
L’Éthiopie, avec sa population de plus de 120 millions d’habitants, est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique et le plus grand pays sans accès à la mer au monde. Pendant des siècles, les dirigeants éthiopiens ont rêvé d’étendre leur territoire jusqu’à la côte. Ce rêve est devenu réalité pendant une période allant de 1952 à 1991, lorsque l’Éthiopie contrôlait l’Érythrée et sa longue côte. Cependant, l’Érythrée a finalement obtenu son indépendance, ce qui a conduit à un conflit frontalier sanglant entre les deux pays. L’Éthiopie a alors été contrainte de chercher des alternatives pour son accès à la mer.
Djibouti : Le Principal Accès Maritime de l’Éthiopie
Depuis sa séparation d’avec l’Érythrée, le port de Djibouti est devenu le principal accès maritime de l’Éthiopie. Plus de 90 % du commerce extérieur éthiopien transite par Djibouti, ce qui entraîne des frais annuels de plus d’un milliard et demi de dollars pour l’Éthiopie. Avec la croissance continue du commerce extérieur éthiopien, les préoccupations concernant la capacité limitée du port de Djibouti à répondre à la demande se font de plus en plus pressantes. Par conséquent, le gouvernement éthiopien explore activement de nouvelles options pour assurer son accès à la mer. En août dernier, une délégation gouvernementale a visité le Kenya pour inspecter un port en construction dans le nord du pays.
Les Déclarations Belliqueuses du Premier Ministre Abiy Ahmed
La situation est devenue plus tendue ces derniers mois en raison des déclarations du Premier Ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Ce lauréat du prix Nobel de la paix en 2019 a évoqué à plusieurs reprises l’idée de garantir un accès maritime à l’Éthiopie, même si cela devait se faire par la force. Lors d’une récente allocution télévisée en octobre, Abiy a affirmé que l’Éthiopie avait des « droits naturels » sur l’accès à la mer Rouge. Il a également comparé son pays à une « prison géographique » dont les murs finiraient par provoquer une explosion.
Les Préoccupations Actuelles et les Doutes
Ces déclarations ont suscité des préoccupations considérables à l’échelle nationale et internationale. Certains analystes estiment que la menace de recourir à la force est une tactique de pression envers Djibouti afin d’obtenir des conditions plus avantageuses. D’autres pensent qu’Abiy cherche à galvaniser le nationalisme dans un contexte où sa popularité est en baisse dans plusieurs régions du pays. Néanmoins, de nombreuses personnes craignent que la menace d’une guerre ne soit réelle.
Les Signes Inquiétants d’une Possible Confrontation
Il existe des indices troublants qui suggèrent qu’Abiy Ahmed pourrait prendre des mesures concrètes pour garantir un accès à la mer par la force. Des rapports font état d’une activité militaire accrue le long de la frontière avec l’Érythrée et de livraisons d’armes en Éthiopie en provenance des Émirats arabes unis, l’un des alliés les plus proches d’Abiy.
L’Érythrée apparaît comme la cible la plus probable d’une éventuelle attaque. Les ports d’Assab et de Massawa en Érythrée géraient auparavant les trois quarts du commerce extérieur éthiopien avant le conflit des années 1990. Par conséquent, l’Érythrée est au cœur des aspirations historiques de l’Éthiopie en matière d’accès à la mer.
Une Relation En Déclin avec l’Érythrée
La relation entre Abiy Ahmed et le dictateur érythréen Isaias Afewerki s’est détériorée ces derniers temps. En 2018, les deux dirigeants avaient signé un accord de paix salué par le monde entier, ce qui avait valu à Abiy le prix Nobel de la paix. Cependant, entre 2020 et 2022, les armées éthiopienne et érythréenne ont mené une guerre conjointe dans la région éthiopienne du Tigré, en tant qu’ennemis communs du gouvernement tigréen et de l’Éthiopie d’Abiy. Depuis qu’Abiy a conclu un accord de paix avec les dirigeants tigréens en novembre 2022, les tensions se sont intensifiées. Il existe des preuves crédibles que l’Érythrée soutient des milices dans la région éthiopienne de l’Amhara, qui sont en conflit avec l’armée éthiopienne.
Une Région Fragile aux Prises avec des Conflits Multiples
La perspective d’un nouveau conflit au niveau de la Corne de l’Afrique est alarmante, d’autant plus que la région est déjà aux prises avec diverses crises. En Somalie, pays voisin de l’Éthiopie à l’est, l’armée combat les djihadistes d’Al-Shabaab, qui contrôlent de vastes régions du pays. Au Soudan, à l’ouest de l’Éthiopie, un conflit interne décrit par l’ONU comme l’un des « pires cauchemars humanitaires de l’histoire récente » a déjà déplacé plus de cinq millions de personnes.
La Corne de l’Afrique a besoin de stabilité et de coopération régionale pour surmonter ces défis complexes. Un conflit potentiel entre l’Éthiopie et l’Érythrée ne ferait qu’aggraver la situation et menacer la paix fragile de la région.
Conclusion
L’aspiration de l’Éthiopie à un accès à la mer reste un enjeu géopolitique majeur, et les récentes déclarations du Premier Ministre Abiy Ahmed suscitent des inquiétudes quant à la possibilité d’un conflit imminent. Alors que l’Éthiopie explore différentes options pour garantir son accès à la mer, il est essentiel que toutes les parties concernées privilégient le dialogue et la diplomatie pour résoudre cette question complexe. La paix et la stabilité dans la Corne de l’Afrique sont d’une importance vitale pour la région et le monde entier.