Le Retour de la Menace Nipah en Inde
Alors que l’hiver approche en Europe, les autorités surveillent attentivement les signes d’une reprise épidémique de la Covid-19. En Inde, cependant, une menace bien plus obscure est devenue une réalité inquiétante : le virus Nipah. Ce virus, largement méconnu du grand public, est responsable d’une épidémie croissante. Avec seulement six cas identifiés jusqu’à présent, dont deux mortels, au Kerala, un État du sud de l’Inde, les chiffres actuels peuvent sembler relativement faibles. Cependant, la communauté scientifique mondiale, ainsi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), surveillent de près cette épidémie en raison de la nature redoutable du virus.
Nipah : Un Virus à Haut Risque
Le virus Nipah est caractérisé par son taux de létalité élevé, pouvant atteindre jusqu’à 70 %. De plus, il n’existe actuellement ni traitement ni vaccin disponible pour le contrer. Les symptômes du Nipah sont variés, allant d’une forte fièvre à une inflammation mortelle du cerveau. Ce qui rend ce virus particulièrement dangereux est sa capacité à se propager des animaux aux humains, ce qui le classe comme une menace sanitaire majeure.
La Transmission de Nipah : Une Chaîne Complex
La transmission du virus Nipah est complexe. Initialement, le virus a été identifié en 1998 lors d’une épidémie parmi des éleveurs de porcs en Malaisie. Les scientifiques ont découvert que le virus se transmet généralement aux humains par le biais d’animaux ou d’aliments contaminés, mais il peut également se propager directement d’humain à humain.
L’origine du virus Nipah est associée aux chauves-souris frugivores du genre Pteropus, également connues sous le nom de roussettes, qui vivent principalement en Asie et à Madagascar. Ces chauves-souris hébergent naturellement le virus, qui fait partie de la famille des Henipavirus, incluant également les virus Hendra (découvert en Australie) et Langya (identifié en Chine). La première épidémie de Nipah a fait plus de 100 victimes en Malaisie et a conduit à l’abattage d’un million de porcs pour contenir la propagation. Le virus s’est ensuite propagé à Singapour, avec 11 cas, dont un mortel.
La Menace Persistante en Asie du Sud
Depuis lors, le virus Nipah a principalement sévi au Bangladesh et en Inde, où les premières épidémies ont été enregistrées en 2001. Le Bangladesh a été particulièrement touché, avec plus de 100 décès dus au Nipah depuis cette date. Cependant, l’État indien du Kerala connaît actuellement sa quatrième vague épidémique en cinq ans, avec 17 décès lors de la première apparition en 2018. Cette accélération inquiète les autorités sanitaires du monde entier.
La Chaîne de Transmission : Un Système Traditionnel à Risque
Dans ces régions, une pratique traditionnelle est à l’origine des contaminations : la récolte de la sève de palmier. Les agriculteurs percent les troncs des palmiers et placent de grands pots en terre cuite en dessous, dans lesquels les chauves-souris viennent boire le jus pendant la nuit. Chassées de leur habitat naturel en raison de la déforestation, ces chauves-souris se rapprochent des humains pour se nourrir. Le matin, une personne peut venir boire le jus de palme sans se rendre compte qu’il a été contaminé par les chauves-souris, par exemple en urinant dans le pot. C’est ainsi que commence la chaîne de transmission, à partir de laquelle le virus se propage rapidement aux proches et aux équipes médicales. Une seule contamination suffit pour déclencher une épidémie.
Le Risque d’une Pandémie Future
Malgré ces préoccupations, il est important de noter que le Nipah se transmet encore difficilement d’homme à homme. Contrairement à la Covid-19, qui peut se transmettre de manière asymptomatique et par contact rapproché, le Nipah nécessite des contacts étroits pour se propager. Cependant, plus il y a de transmissions vers les humains, plus le risque augmente de voir émerger un virus mieux adapté à notre espèce. Il est donc possible qu’une adaptation du virus puisse se produire, tout comme cela s’est produit avec Ebola lors de l’épidémie en Afrique de l’Ouest en 2013-2014. Un variant a rendu le virus Ebola plus transmissible, mais moins mortel. Une évolution similaire pourrait se produire avec le Nipah, bien que cela reste incertain.
Selon le virologue Hervé Fleury, le risque d’une pandémie provoquée par le Nipah est actuellement très faible, à moins qu’un événement extraordinaire ne se produise, ce qui est difficile à prévoir. Il souligne que les virus qui se propagent mondialement sont généralement respiratoires, ce qui n’est pas le cas du Nipah. Cependant, il avertit que des épidémies localisées avec de nombreux décès pourraient devenir plus fréquentes à l’avenir.
Prévention et Adaptation
Face à la menace potentielle du virus Nipah, il est essentiel de prendre des mesures préventives au niveau local. Bien que l’idée d’éloigner les colonies de chauves-souris frugivores de zones peuplées puisse sembler tentante, elle doit être abordée avec prudence. Ces chauves-souris jouent un rôle essentiel dans la pollinisation, notamment pour les cultures. Dans certaines régions, les chauves-souris coexistent pacifiquement avec les populations. Par exemple, au Cambodge, où aucune émergence de Nipah parmi les humains n’a été observée, la méthode de collecte du jus de palme est différente. On collecte le nectar des fleurs dans de petits contenants en bambou ou en
plastique, ce qui rend l’accès des chauves-souris beaucoup plus difficile. Cette différence de pratique explique peut-être l’absence d’émergence du virus.
Les Facteurs de Transmission Croissante
La multiplication des zoonoses au cours des deux dernières décennies est principalement due à l’expansion humaine. En occupant des territoires de plus en plus vastes, les humains perturbent les écosystèmes et augmentent la probabilité de mutations virales transmissibles aux humains. L’agriculture industrielle contribue à la propagation d’agents pathogènes entre animaux, tandis que la déforestation accroît les contacts entre la faune sauvage, les animaux domestiques et les humains.
Alors que les espèces continuent de se mélanger, elles transmettent davantage de virus, favorisant ainsi l’émergence de nouvelles maladies. Le changement climatique contraint de nombreux animaux à quitter leurs habitats naturels pour trouver des terres plus adaptées, ce qui augmente encore le risque de transmission de virus. Selon une étude publiée dans la revue Nature en 2022, le changement climatique contribuera à cette dynamique.
Conclusion : Une Vigilance Permanente
En fin de compte, le virus Nipah demeure une menace sérieuse qui nécessite une surveillance constante. Bien que le risque d’une pandémie soit actuellement faible, la nature du virus et sa capacité à muter rendent son comportement futur incertain. Il est impératif de prendre des mesures pour prévenir les infections, tout en protégeant les écosystèmes qui abritent ces virus potentiellement dangereux. La vigilance et la recherche continueront d’être essentielles pour faire face à cette menace virale persistante.