Un Trio Inhabituel Forge le « Jet de Combat du Futur »

Grossbritannien, Italie et Japon s’associent pour construire un avion de chasse ultramoderne d’ici 2035. L’Arabie saoudite rejoint maintenant le consortium, suscitant ainsi des controverses.

Un projet de jet hors du commun est en cours de développement, un avion doté d’armes de pointe, de systèmes de données sophistiqués et de capteurs de pointe. Les trois partenaires de ce projet d’armement trinational – le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon – promettent que l’aéronef surpassera même l’américain F-35 de Lockheed Martin, considéré par de nombreux experts militaires comme l’étalon-or. C’est du moins ce qu’ils affirment.

Ce projet, au rayonnement international, est baptisé « Programme mondial d’aéronefs de combat » (Global Combat Air Program, GCAP). Les coûts de développement sont estimés à plus de 10 milliards de dollars, avec une livraison prévue en 2035. Les initiateurs envisagent d’établir de nouvelles normes en matière de technologie de capteurs, ce qui aidera à détecter les cibles ennemies de manière précoce.

La décision du gouvernement britannique a été qualifiée de « coalition internationale sans précédent dans le domaine aérospatial » lors de son annonce en décembre 2022. C’est une démarche inhabituelle, surtout pour le Japon. En effet, jusqu’à présent, les principaux partenaires du Japon dans de grands projets d’armement étaient exclusivement les États-Unis. Par exemple, Washington et Tokyo coopèrent dans la production des avions de chasse F-15 et F-30. Le Japon fabrique de nombreuses pièces d’aéronefs sous licence.

Cependant, le fabricant américain fournit l’ensemble de l’électronique – y compris la technologie de pilotage automatique, les systèmes d’armes et de communication – sous forme de package crypté. Selon Satoru Nagao, expert en sécurité de l’Institut Hudson à Washington, le Japon se retrouve avec une « boîte noire » qui l’empêche d’apporter des adaptations personnalisées ou de réaliser des mises à niveau indépendantes. Les responsables de la sécurité japonais ont déploré que les Américains entretiennent un certain mystère.

Tokyo reste étroitement aligné sur les États-Unis, mais il souhaite réduire sa dépendance à l’égard de la puissance protectrice, face à la menace croissante de la Corée du Nord et de la Chine. Le Japon cherche donc des partenaires supplémentaires, d’autant plus que la réélection possible de Donald Trump est considérée comme un risque non négligeable. Pendant son mandat, Tokyo s’est senti fortement sous pression. Trump a exhorté les alliés américains à augmenter leurs dépenses militaires. Pendant ce temps, le gouvernement japonais se demandait si l’Amérique, en se recentrant davantage sur ses propres intérêts en cas de crise, resterait un partenaire fiable.

Une Expression de « Global Britain »

La participation du Royaume-Uni à ce projet trinational n’est pas une évidence. En plus des 48 F-35 américains, dont l’acquisition échelonnée est toujours en cours, la flotte des 137 Eurofighter Typhoons en service depuis 2003 constitue l’épine dorsale de la Royal Air Force britannique. Ceux-ci doivent être remplacés par le nouveau jet d’ici 2035. Ainsi, le projet européen de coopération avec l’Allemagne, la France et l’Espagne est remplacé par ce projet européen-asiatique avec le Japon et l’Italie.

Certains commentateurs voient cette démarche à la lumière du Brexit et de la réorientation politique en matière de sécurité qui l’accompagne. La coopération en matière d’armement AUKUS entre le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie pour la construction de sous-marins à propulsion nucléaire montre déjà que Londres se tourne davantage vers la région asiatique et pacifique. La coopération avec le Japon est la deuxième expression tangible de cette stratégie, explicitement promue sous le slogan « Global Britain » dans la stratégie diplomatique.

Étant donné les coûts élevés de développement des avions de chasse, un projet unique impliquant les alliés de l’OTAN en Europe aurait pu être envisagé. Selon Douglas Barrie, de l’Institut de Londres pour les études internationales et de sécurité (IISS), expert en aviation militaire, la non-réalisation de cette option s’explique par plusieurs raisons. Les puissances militaires régionales comme la France et le Royaume-Uni n’ont jamais réussi à s’accorder sur la production conjointe d’avions de chasse par le passé.

Paris s’est retiré du projet Eurofighter en 1985 pour se concentrer sur le Rafale français. Il n’est donc pas surprenant que le Royaume-Uni choisisse de suivre une voie différente et ne participe pas à la nouvelle coopération entre la France, l’Allemagne et l’Espagne. De plus, selon Barrie, la participation de trop de parties prenantes à un projet peut entraîner des coûts supplémentaires, notamment si le montage doit être effectué dans chaque État pour des raisons de souveraineté.

Il n’est pas encore clair dans le détail quel des trois États contribuera de quelle manière à la construction du nouvel avion. Bien que le projet repose sur un partenariat égalitaire entre les trois pays, le Royaume-Uni se voit dans un rôle de leadership. Le pays dispose d’une industrie de la défense solide et d’une expérience de plusieurs décennies dans la fabrication d’avions de chasse et la coopération avec des partenaires du monde entier.

L’Italie, un Site de Production Clé

L’Italie possède actuellement des avions de chasse tels que l’AMX, le Tornado, l’Eurofighter et le F-35. Elle est donc impliquée dans différentes coopérations transfrontalières. La collaboration avec le Japon pour le développement d’un avion de sixième génération est toutefois une nouvelle expérience.

Les forces aériennes des deux pays effectuent déjà des entraînements conjoints depuis 2019. Les pilotes japonais sont formés à l’école de vol IFTS, créée par l’entreprise de défense Leonardo et l’armée, et s’entraînent sur des bases en Apulie et en Sardaigne. Il y a quelques semaines seulement, quatre F-35 italiens se sont envolés pour le Japon afin de participer à des exercices communs avec des F-15 japonais. Selon le gouvernement de Giorgia Meloni, les relations militaires et industrielles devraient désormais être intensifiées, notamment par le biais du développement conjoint du nouveau chasseur.

Il ne s’agit pas de ambitions géostratégiques de l’Italie en Asie-Pacifique. « Notre pays ne peut pas jouer un rôle important là-bas », déclare Michele Nones, vice-président de l’Institut des affaires internationales de Rome et ancien conseiller du ministère de la Défense. Les raisons de la coopération sont plutôt d’ordre pratique. Le Japon est un partenaire attrayant à bien des égards. Il dispose de capacités d’innovation, d’une industrie performante et de ressources financières suffisantes. Par ailleurs, l’Italie entretient depuis longtemps un partenariat solide avec le Royaume-Uni en matière d’armement.

Au sein de cette alliance à trois, l’Italie a de quoi se distinguer. Avec le groupe d’État Leonardo, le pays compte parmi les plus grands fabricants d’armes au monde. De plus, il devient de plus en plus important en tant que site de production pour les avions de chasse. Dans la ville italienne de Cameri, près de la frontière suisse, d’importantes parties de la flotte mondiale de F-35 sont assemblées. La Suisse, elle aussi, fera produire au moins 24 des 36 avions de combat F-35 qu’elle a commandés dans cette usine. L’expertise est donc déjà présente.

Tokyo s’oppose à l’implication de l’Arabie saoudite

L’accord entre l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni suscite des préoccupations du point de vue européen. La question se pose de savoir qui aura l’avantage lorsqu’il s’agira de garantir le financement définitif ou de s’assurer que le nouveau jet pourra être commercialisé : le trio européen (France, Allemagne, Espagne) ou le consortium japonais-britannique-italien ?

« Le marché potentiel pour les avions de sixième génération très coûteux sera limité », prédit Michele Nones de l’Institut des affaires internationales. C’est à ce moment-là que l’on verra s’il est avantageux de proposer un avion plus « global » et moins « européen ».

Selon le « Financial Times », en août, l’Arabie saoudite a également fait pression pour rejoindre ce consortium ambitieux. Selon les médias, le gouvernement italien serait ouvert à une participation de Riyad. Des signaux positifs émanant de Londres sont également perceptibles. Les Britanniques ont fourni des avions Electric Lightning, puis des Tornados et des Typhoons aux Saoudiens depuis les années 1960. Pour Londres, un approfondissement de la coopération avec l’Arabie saoudite semble envisageable, d’autant plus qu’il pourrait réduire les coûts et ouvrir de nouveaux marchés potentiels.

Cependant, une coopération renforcée en matière d’armement avec Riyad susciterait des controverses au sein de l’opinion publique britannique, malgré l’importance géopolitique de la région. La nouvelle selon laquelle le Premier ministre Rishi Sunak prévoit de recevoir le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Londres à l’automne a suscité des réactions critiques.

Du côté japonais, on émet de fortes réserves quant à la participation de l’Arabie saoudite. Selon l’expert Satoru Nagao de l’Institut Hudson aux États-Unis, il est peu probable que le Japon cède. Tout participant supplémentaire pourrait compliquer un projet déjà complexe, selon les milieux de la sécurité. Plus précisément, Tokyo craint que les Saoudiens ne favorisent des exportations vers des pays considérés comme inacceptables du point de vue japonais, tels que la Chine.

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