L’endoctrinement dès le plus jeune âge
À l’approche des vacances d’été, de nombreux camps de vacances militarisés fleurissent en Chine. Ils sont proposés à des tarifs défiant toute concurrence par des promoteurs immobiliers aux parents de la classe moyenne chinoise, dans l’espoir de forger le caractère de leurs enfants. Ces camps, où les mineurs revêtent des uniformes de camouflage et se griment avec de la peinture de guerre, sont l’illustration d’un mouvement de fond bien plus vaste.
La société chinoise fait l’objet d’une militarisation croissante sous l’impulsion du président Xi Jinping et du Parti communiste chinois (PCC). Cette militarisation du quotidien est observable à tous les niveaux. Dans les gares, les passagers sont exposés en boucle à des vidéos glorifiant l’armée et le PCC. Dans les rues, d’immenses fresques à la gloire de l’armée font leur apparition.
Un phénomène encouragé par le PCC
Ce phénomène des camps d’été militarisés pour enfants est directement encouragé par le PCC. Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012, le Parti met l’accent sur le patriotisme, le culte de l’armée et la défense nationale. Les structures du PCC relaient activement ce type d’initiatives auprès des entreprises et des familles, dans le but de transmettre l’idéologie officielle dès le plus jeune âge.
Derrière cette stratégie se cache la volonté du régime de façonner les esprits, de renforcer la loyauté des citoyens envers le Parti et l’armée, et de préparer psychologiquement les Chinois aux conflits à venir. Le PCC mise sur un endoctrinement précoce pour ancrer durablement ces réflexes patriotiques et militaristes.
La priorité absolue donnée à la préparation à la guerre
Dans un éditorial publié le 6 juillet 2022, le Quotidien de l’Armée populaire de libération, organe officiel de l’armée chinoise, affirmait que « les comités du Parti à tous les niveaux mettent en œuvre résolument les directives importantes du président Xi Jinping sur la préparation à la guerre ».
La préparation au combat serait « la tâche numéro un ». Le PCC concentre également ses efforts de communication sur « l’amélioration de la combativité » du peuple chinois.
À Shenzhen, ville modèle désignée par Xi Jinping pour illustrer le socialisme à la chinoise, les initiatives militaro-patriotiques se multiplient, encouragées par le Parti. Le quartier de Minzhi a été baptisé « quartier modèle de soutien à l’armée » en 2022. Des rabais sont accordés aux vétérans dans les commerces.
Le concept de « défense totale du peuple »
Ces initiatives s’inscrivent dans la politique de « défense totale du peuple » promue par le PCC. Il s’agit d’arrimer étroitement l’armée et la société civile dans un effort concerté de préparation au combat. La province du Guangdong, où se trouve Shenzhen, est en pointe dans la mise en œuvre de ce concept.
Concrètement, les civils sont encouragés à s’impliquer dans l’effort de défense nationale via des formations militaires, le soutien logistique à l’armée, ou la participation à des exercices militaires. L’objectif est de mobiliser l’ensemble des ressources de la nation en cas de conflit.
La mainmise croissante de Xi Jinping sur l’armée
Les liens entre le PCC et l’Armée populaire de libération (APL) sont complexes. Bien que fondé sur la lutte armée contre les nationalistes, le PCC s’est méfié de l’autonomie croissante de l’armée sous Hu Jintao.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Xi Jinping a repris en main l’APL et l’a alignée sur la ligne du Parti. Une réforme constitutionnelle de 2021 lui permet de mobiliser des ressources civiles au nom de la défense des « intérêts vitaux » du pays, sans en référer au gouvernement.
La purge des hauts gradés soupçonnés de déloyauté
Pour asseoir son autorité, Xi Jinping a également purgé l’armée des hauts gradés soupçonnés de lui être déloyaux. Plusieurs généraux de l’APL ont été démis de leurs fonctions et condamnés pour corruption sous son mandat. En plaçant ses proches alliés à des postes clefs, Xi s’assure du contrôle absolu sur l’appareil militaire.
La militarisation du paysage urbain
À Shekou, quartier de Shenzhen historiquement tourné vers l’étranger, la ferveur patriotique et militariste tranche avec l’image de ville ouverte qu’il véhiculait. En mars 2022, peu après le congrès annuel du PCC, deux peintres se mettent à l’œuvre sur ordre du comité local du Parti.
En quelques semaines, ils recouvrent des centaines de mètres de murs de fresques représentant des soldats, des chars et des avions de combat. Même la devanture d’un magasin de fleurs se retrouve ornée de navires de guerre sous un ciel bleu.
La population est quotidiennement exposée à ce type d’imagerie, qui banalise et glorifie l’omniprésence de l’armée. Sous Xi Jinping, la Chine se prépare activement à la guerre, y compris psychologiquement.
Un alarmisme attisé par les tensions géopolitiques
Cet alarmisme militaire est attisé par les tensions croissantes entre la Chine et les puissances occidentales. Les différends sur Taïwan, la rivalité économique et technologique avec les États-Unis, les contentieux territoriaux en mer de Chine méridionale exacerbent le sentiment nationaliste chinois.
Pour le PCC, la menace extérieure est un prétexte commode pour justifier le renforcement de l’armée et de l’emprise sécuritaire sur la société. En gonflant le péril provenant de l’étranger, le régime entretient un climat propice à la poursuite de sa politique répressive.