Kharkiv : un bastion de résistance et d’identité en Ukraine

Une ville au cœur de l’histoire ukrainienne

Kharkiv, située à une trentaine de kilomètres de la frontière russe, se distingue en tant que bastion d’une identité ukrainienne et russophone. Avec ses 1,5 million d’habitants, dont 300 000 étudiants, la ville a connu des périodes tumultueuses qui ont forgé son caractère unique.

Fondée en 1656 par des unités cosaques, Kharkiv a vécu en relative autonomie jusqu’à son intégration à l’empire russe en 1765, sous le règne de Catherine II. Elle est devenue progressivement le deuxième centre universitaire du pays, après l’Académie Mohyla de Kiev, et s’est développée en un important centre industriel. Durant la première guerre mondiale, Kharkiv a été relativement épargnée, contrairement à Kiev, où les nationalistes étaient installés et où des combats déchiraient le pays.

Le pouvoir soviétique a d’abord promu la langue ukrainienne à Kharkiv, une période souvent célébrée comme une véritable “renaissance”. Cependant, Staline a décidé de soumettre la population par la terreur, notamment avec l’Horodomor, la famine organisée de 1932-1933. En 1934, la capitale de la République socialiste d’Ukraine a été transférée de Kharkiv à Kiev, marquant un tournant dans l’histoire de la ville.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Kharkiv a été occupée par les nazis en 1941, reprise par l’Armée rouge, puis à nouveau perdue, avant d’être finalement libérée en 1943. Ces batailles successives ont causé la destruction de deux tiers de la ville.

Malgré cela, Kharkiv a retrouvé sa place dans le complexe militaro-industriel de l’URSS. Léonid Brejnev avait même l’ambition d’en faire un “modèle” de la réussite soviétique. Cependant, lors du référendum de 1991, la ville et sa région ont voté à 86 % en faveur de l’indépendance de l’Ukraine. Bien que Moscou continue d’entretenir des réseaux de sympathisants, qui se sont mobilisés contre la révolution démocratique de Maïdan en 2014 et en soutien aux séparatistes du Donbass en 2015, ces réseaux minoritaires ont perdu toute légitimité avec l’invasion russe de février 2022 et la résistance nationale qui en a résulté.

Le symbole du Palais du travail

Les bombardements russes ont non seulement semé la terreur, mais ils ont également touché certains des monuments les plus célèbres de Kharkiv, tels que les bâtiments universitaires, les lieux de culte et les établissements culturels. La destruction la plus emblématique est celle du Palais du travail en mars 2022, un bâtiment néoclassique construit il y a un siècle, près de l’actuelle place de la Constitution.

Malgré cette destruction, un concert “de résistance et d’espoir” a été organisé au milieu des ruines, et des initiatives citoyennes similaires ont vu le jour pendant la bataille, même dans le métro. Les intellectuels de Kharkiv ont établi un parallèle entre l’exécution de l’architecte du Palais du travail pendant les purges staliniennes en 1937 et la destruction du bâtiment en 2022, qui avait pourtant survécu à la Seconde Guerre mondiale. Le musée d’art de Kharkiv, quant à lui, a résisté malgré d’impressionnantes lézardes et expose désormais des œuvres inspirées du conflit en cours et des “métamorphoses” qui recyclent des roquettes russes.

Dans l’ensemble, c’est le scandale d’une agression aussi aveugle qui a renforcé l’unité de la population de Kharkiv dans son rejet de la Russie. Le sujet est extrêmement sensible, suscitant des réactions d’accablement, d’indignation et même de haine. Certains estiment qu’une zone démilitarisée de plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur de la Russie est nécessaire pour réduire la menace d’une nouvelle agression. D’autres soulignent que la férocité de Poutine est le résultat d’un système plus large que le Kremlin lui-même, et que des garanties doivent être exigées pour éviter une future tragédie. Mais tous sont convaincus que la restauration de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, avec la libération des territoires occupés depuis 2014, n’est plus négociable.

Ces paroles, prononcées à une faible distance de la Russie, illustrent comment le Kremlin a produit l’exact opposé de ses objectifs de guerre. En détruisant le pays, il a en réalité contribué à consolider une nation. Il est également significatif que, à Kharkiv, ce refus des diktats de Moscou s’exprime aussi bien en russe qu’en ukrainien.

Une identité ukrainienne et russophone

Kharkiv est un exemple vivant d’une identité ukrainienne et russophone coexistant harmonieusement. Malgré les tentatives de Moscou pour influencer la région, les habitants de Kharkiv ont résisté à la russification forcée et ont maintenu leur attachement à la culture et à la langue ukrainienne.

La ville abrite de nombreuses institutions culturelles et artistiques qui contribuent à préserver et promouvoir l’identité ukrainienne. Le théâtre d’opéra et de ballet de Kharkiv est réputé pour ses performances de qualité, attirant des spectateurs de tout le pays. De plus, les musées de la ville mettent en valeur l’histoire et la culture ukrainienne, offrant aux habitants et aux visiteurs la possibilité d’approfondir leur connaissance du patrimoine national.

La jeunesse de Kharkiv joue également un rôle important dans le maintien de l’identité ukrainienne. Avec ses 300 000 étudiants, la ville est un centre éducatif dynamique. Les universités de Kharkiv offrent une formation de qualité dans divers domaines, attirant des étudiants du pays entier. Ces jeunes générations jouent un rôle essentiel dans la préservation de la langue et de la culture ukrainiennes, tout en étant ouvertes aux influences internationales.

L’espoir d’un avenir meilleur

Malgré les épreuves traversées, la population de Kharkiv reste résiliente et optimiste quant à l’avenir. La libération de la région de Kharkiv en septembre 2022 a renforcé la détermination des habitants à reconstruire et à préserver leur ville.

Le gouvernement ukrainien, conscient de l’importance stratégique de Kharkiv, a engagé des efforts considérables pour soutenir la reconstruction et le développement économique de la ville. Des investissements dans l’infrastructure, les secteurs industriels et les services publics ont été entrepris pour revitaliser Kharkiv et stimuler son économie.

De plus, des initiatives communautaires se multiplient pour renforcer le tissu social et culturel de la ville. Les habitants de Kharkiv sont engagés dans des projets de revitalisation des quartiers, de soutien aux artistes locaux et de promotion du patrimoine culturel. Ces efforts contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté et à promouvoir l’identité unique de Kharkiv.

En conclusion, Kharkiv est un véritable bastion de résistance et d’identité en Ukraine. La ville a surmonté de nombreuses épreuves au cours de son histoire, et les récents événements ont renforcé la détermination de ses habitants à préserver leur culture et à bâtir un avenir meilleur. Avec sa riche histoire, son identité ukrainienne et russophone, et le dynamisme de sa population, Kharkiv continue de jouer un rôle crucial dans le paysage culturel et économique de l’Ukraine.

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