Une histoire douloureuse réprimée par le pouvoir
Depuis des décennies, Hong Kong était le seul endroit en Chine où les victimes de la répression militaire de 1989 contre les militants pro-démocratie sur la place Tiananmen à Pékin pouvaient être publiquement pleurées lors d’une veillée aux chandelles. Cependant, cette année, Hong Kong est confrontée à un triste constat : elle est en train d’oublier le massacre de 1989. Les libertés d’expression et de commémoration qui étaient autrefois le symbole de la ville ont progressivement été étouffées.
La répression s’intensifie
Dans les jours précédant l’anniversaire du 4 juin, les autorités de Hong Kong ont renforcé leur surveillance et leurs actions répressives. Même les petites boutiques qui affichaient des références à la répression ont été étroitement surveillées et visitées à plusieurs reprises par la police. Les forces de l’ordre ont multiplié les patrouilles dans le quartier de Causeway Bay, où la veillée avait généralement lieu, et ont installé des tentes pour fouiller les personnes soupçonnées de vouloir pleurer les victimes. Quatre personnes ont été arrêtées et quatre autres ont été détenues, accusées d' »actes avec intention séditieuse ». Ces mesures répressives témoignent de la volonté du gouvernement de Hong Kong de faire taire toute commémoration du massacre de Tiananmen.
Une évolution triste et inquiétante
Zhou Fengsuo, ancien leader étudiant du mouvement de protestation de la place Tiananmen, a souligné que Hong Kong est désormais soumise au même « règne despotique » que le continent chinois. Il rappelle que les manifestations de Hong Kong ont également fait face à une répression similaire, ainsi qu’à une diffamation et à une volonté d’effacer les mémoires. Ce qui était autrefois un bastion de soutien à la démocratie en Chine est devenu une ville étouffée par les restrictions imposées par Pékin.
Le rôle historique de Hong Kong
En 1989, le mouvement démocratique en Chine bénéficiait d’un soutien massif de Hong Kong, alors colonie britannique. Après que l’armée chinoise a dispersé les manifestants étudiants occupant la place Tiananmen, certains leaders étudiants de Pékin ont été évacués en toute sécurité via Hong Kong. Chaque 4 juin pendant trois décennies, Victoria Park à Hong Kong était l’endroit où les Mères de Tiananmen, un groupe représentant les victimes du massacre, pouvaient pleurer ouvertement et exprimer leur espoir d’une Chine plus libre. Ces rassemblements ont attiré des foules de dizaines de milliers de personnes, symbolisant la solidarité et la quête de démocratie à Hong Kong.
La loi sur la sécurité nationale et la criminalisation de la dissidence
Cependant, depuis l’imposition par la Chine d’une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020, toutes les formes de dissidence ont été criminalisées dans la ville. Les manifestations pro-démocratie et antigouvernementales qui ont secoué la ville en 2019 ont été étouffées. Les autorités ont porté une attention particulière aux commémorations du massacre de Tiananmen, allant jusqu’à perquisitionner un musée qui lui était dédié, retirer des livres sur la répression des bibliothèques et emprisonner des organisateurs de veillées.
La répression culturelle et les petits gestes de commémoration
Même les gestes les plus modestes de commémoration ont été pris pour cible par les autorités. Debby Chan, une ancienne responsable de district pro-démocratie, a été visitée plusieurs fois par la police et les représentants de différents ministères en raison de quelques photos de bougies électriques qu’elle avait publiées sur les réseaux sociaux. Malgré ces intimidations, elle reste déterminée à se souvenir et à témoigner de ce triste événement.
L’exil et la lutte pour préserver la mémoire
Lit Ming Wai, dramaturge, estime que Hong Kong a la responsabilité de préserver et de transmettre le souvenir de la répression de Tiananmen, d’autant plus que l’histoire a été déformée et effacée dans d’autres régions de la Chine. Elle a cofondé un groupe de théâtre communautaire qui cherchait à rendre l’histoire du 4 juin plus accessible aux jeunes de Hong Kong. Malheureusement, en raison de la loi sur la sécurité nationale, leur pièce la plus populaire ne peut plus être jouée à Hong Kong sans risquer des poursuites. Les militants hongkongais sont contraints de chercher des moyens de préserver la mémoire à l’étranger.
La présence des dissidents à l’étranger
Les dissidents hongkongais qui ont dû quitter la ville en raison de la répression continuent de lutter pour maintenir vivante la mémoire de la répression de Tiananmen. Leur présence à l’étranger contribue à sensibiliser le monde à cet événement tragique et à soutenir la cause démocratique à Hong Kong. Paradoxalement, leur exil renforce les commémorations du 4 juin dans de nombreuses villes à travers le monde, attirant un public de plus en plus nombreux et permettant de maintenir le souvenir du massacre de Tiananmen vivant.
L’avenir incertain de la commémoration
L’arrestation des organisateurs de la veillée et la répression croissante suscitent des inquiétudes quant à la possibilité pour Hong Kong de permettre un jour à ses habitants de pleurer pacifiquement les victimes du massacre de Tiananmen. Les déclarations évasives des responsables gouvernementaux de Hong Kong ne font que renforcer cette incertitude. La situation actuelle laisse peu d’espoir quant à la préservation de la mémoire et à la liberté de commémorer cet événement tragique.
En conclusion, Hong Kong est confrontée à une répression croissante qui
étouffe la commémoration du massacre de Tiananmen. Les restrictions imposées par les autorités chinoises ont réduit au silence les voix qui se souviennent et réclament justice pour les victimes. Cependant, malgré ces obstacles, certains militants hongkongais continuent de lutter pour préserver la mémoire de la répression et maintenir vivante la cause démocratique. Leur présence à l’étranger contribue à sensibiliser le monde et à renforcer les commémorations dans de nombreuses villes à travers le monde. L’avenir de la commémoration à Hong Kong reste incertain, mais l’espoir persiste que la mémoire du massacre de Tiananmen ne sera pas complètement effacée.